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Le marché aux truffes de Lalbenque (46)

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Il a lieu tous les mardis après-midi à 14 heures 30 pétantes, de décembre à mars. On y vient de très loin et la foule se presse sur la place principale qui est noire de monde dès 14 heures. Les connaisseurs savent qu'ils auront quelques secondes pour remporter le contenu du panier qu'ils auront repéré bien avant. Il ne s'agit pas de louper l'affaire.

Lalbenque est le seul marché où la truffe se négocie. Et la fourchette est large. Aujourd'hui ce sera entre 350 et 700 euros, selon la qualité et le bon vouloir des deux parties. Il y a trois semaines on était presque en surproduction et on pouvait l'acheter à 250 euros. Mais les cours se sont envolés depuis.
 
Même avec une bonne oreille on n'entend rien car tout se décide avant le début des opérations, l'acheteur glissant un petit papier au vendeur sur lequel il a écrit la somme qu'il compte mettre. Ce sera le plus offrant qui emportera le contenu du panier. Car si on discute le prix on ne marchande pas la quantité. C'est tout ou rien.

Celui qui ne veut qu'une truffe devra l'acheter sur le marché au détail, devant le bar. Il ne pourra pas négocier le tarif et l’obtiendra à 1000 euros le kilo, disons 100 euros les 100 grammes, ce qui est le poids moyen d'un sachet.

J'étais postée derrière la corde, face aux producteurs, alignés en rang d'oignons avec leurs jolis paniers, mettant en valeur leur récolte sur des torchons blancs et rouges.

L'article est long, avec beaucoup de photos. Alors pour le lire en entier il faudra cliquer sur "plus d'infos". Vous pourrez regarder l'ensemble des clichés en les faisant défiler en diaporama après avoir ouvert la première photographie.
Les vendeurs sont alignés par ordre d'arrivée, leur panier posé devant eux. L'ambiance est joyeuse, le sourire facile mais on sent que tout le monde est aux aguets. Mon voisin s'inquiète du poids ... et s'entend répondre qu'avec le soleil ça a pu perdre 50 grammes. Au prix où c'est vendu la différence est de taille !
Même si les acheteurs sont maintenus à distance par une corde tendue, ils ont le loisir de discuter avec les vendeurs et même de tendre le bras pour humer les champignons ou vérifier leur état.
L'air embaume la truffe, mais pas que ... il y a des personnages hauts en couleur qui fument d’énormes cigares.
 
(article en cours de rédaction ... il sera fini demain mais vous pouvez déjà apprécier la visite ...)
tartine beurrée à la truffe
certificat d'identification





La corde est tombée. Les transactions battent leur plein.
Les calculettes chauffent. Les billets passent de main en main. Il faut dire que tous les règlements se font en liquides, devant la porte du trésor Public qui reste fermée puisque ce marché est une "exception". Ni TVA, ni facture !
 
Par contre on va en général vérifier le poids réel, en face, sur la balance officielle, ce qui permet du même coup de secouer la terre qui a pu s'accrocher par mégarde. On plaisante mais on surveille : attends, que je pèse pas la carte d'authentification dit celui-ci.
Ce n'est pas très glamour mais les champignons sont ensuite transférés dans un vulgaire sac en plastique. Si c'est le panier en osier et le torchon qui vous intéressent vous repasserez ...
A vue de nez il y en bien un kilo au bout du bras ... et attention la truffe ne se garde pas au-delà d'une quinzaine de jours sans être mise en conserve.
 
Il existe des vendeurs trop groumands qui pourraient bien repartir avec leur panier.
 
Alexis Pélissou a cédé son restaurant mais il demeure un habitué des lieux, toujours reconnaissable à ses belles moustaches. C'est un des chefs qui ont le mieux célébré la truffe dans tous ses états, y compris en desserts.



Il est temps d'aller visiter la ville ...



A l’office du tourisme
Le pigeonnier


Au plaisir d'aimer de Janine Boissard chez Flammarion

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Le dernier roman de Janine Boissard sort aujourd’hui en librairie. L'éditeur promet du rire, de l'humour, de l'insolence, du plaisir de vivre et d'aimer, dans un ton joyeusement libertin.

Mais l'auteur ne fait pas un virage à 180°. il est toujours autant question de famille, de secret et d'entraide au fil de sa plume. L'écriture énumérative met en scène une cohorte de personnages très typés. Son écriture demeure érudite, et c'est ce qui plait à juste titre à son lectorat. On apprend ainsi que le poète Ovide a écrit l'Art d'aimer quarante-trois ans avant Jésus-Christ (p.271).

L'optimisme de Janine transparait et cela fait du bien. Elle croit aux dieux, à la chance, à la bonne étoile et nous fait partager sa joie de vivre.

A l'instar du livre précédent, la peinture demeure au cœur du sujet :
Aymar de Fortjoie, 76 ans, veuf, propriétaire d'un château aux portes de Poitiers, vient de mourir, laissant à ses filles un vrai casse-tête. Pourront-elles exaucer le vœu de leur père en conservant le château et, surtout, en continuant d'y abriter de jeunes peintres désargentés ?
Un compte en banque vide, de lourds droits de succession, un château délabré, l'affaire est mal partie. Et malgré les efforts des filles, la caisse de l'association fondée par Aymar reste désespérément vide.
Jusqu'à l'idée de génie ! Proposer aux belles et riches dames de Poitiers de poser pour les peintres, leur commander, à bon prix, leur portrait. Et ça marche ! Les inscriptions affluent, plus de problèmes de trésorerie.
Mais ce qui devait arriver arrive : dans le secret des ateliers, de brûlantes idylles se nouent. Le scandale éclate. La fermeture du château pour atteinte aux bonnes mœurs est demandée.
Cette fois, est-ce la fin ?
C'est sans compter sur des dames prêtes à tout pour défendre leurs artistes.
Au plaisir d'aimer de Janine Boissard chez Flammarion, en librairie le 25 février 2015

Mon far quercynois

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Autrefois servi en Bretagne pour les grands évènements chaque famille avait sa recette de far. Étant dans le Quercy Blanc, du coté de Castelnau-Montratier et pouvant bénéficier d'une part des excellents pruneaux d'Agen de la famille Cabos et d'autre part d'une farine de blé noir fabriquée à la meule dans le moulin de Brousse j'ai décidé de me lancer dans la recette qu'Eric Jubin donne p. 128 de son livre de recettes, véritable ode au blé noir.

Ce pâtissier chocolatier qui fut l'adjoint de Pierre Hermé chez Fauchon, s'est installé dans son terroir où il a ouvert la Chocolaterie de Pont-Aven, juste en face des caves de La part des anges où je vous ai emmenés il y a quelques semaines.

L'odeur du blé noir torréfié est ancrée dans sa mémoire, et il a eu à cœur de sortir des sentiers battus en remettant à l'honneur le blé noir en cuisine.
J'ai suivi son conseil consistant à délayer d'abord la bonne proportion de farine (100 grammes) avec un sachet de levure chimique et 70 cl de lait tiède puis à laisser refroidir. Cette méthode assurera l'homogénéité de la pâte, sinon la farine de blé noir risque de se déposer au fond du plat de cuisson.
Dans un saladier j'ai mélangé 4 œufs entiers, très jaunes, récoltés sous les poules il y a quelques jours, avec 125 grammes de sucre semoule, et un sachet de sucre vanillé. Plus tard j'ai ajouté le mélange farine-lait et 150 grammes de beurre fondu demi-sel puis deux cuillerées à soupe de rhum.

J'ai versé dans un moule à bord haut beurré, placé une douzaine de très beaux pruneaux dénoyautés et enfourné pour une quarantaine de minutes à 165°.
Ce dessert que je voulais quercynois a failli être calciné. Le blé noir a tendance à donner une couleur foncée à un plat mais cette fois le dessus du gâteau était étonnamment noir. Et pour cause, n'ayant pas l'habitude du four, je l'avais laissé en position grill. Si bien qu'il a "cuit" dans cette position durant les vingt premières minutes.

Le tir a été rectifié in extremis et sans être à Cambrai nous avons peut-être trouvé quelque chose de nouveau car le résultat était tout à fait à notre goût, même s'il tenait presque davantage du gâteau magique que du far.
Si vous n'avez pas de pruneaux, vous pouvez suivre une autre suggestion d'Eric consistant à employer des pommes et à remplacer une partie du lait par du cidre ou du jus de pomme.

Ce livre comporte 60 recettes très variées qui permettraient de composer tut un repas, depuis la soupe (p.70), en passant par des tourtes, jusqu'aux desserts tels que cake, pain d'épices, tartes et galettes fines qui sont de précieuses recettes pour les gourmands et les intolérants au gluten.

Et puis on y trouve les meilleurs accords mets-vins puisque c'est Sophie, sa voisine qui les donne.

Vive le blé noir ! , Les recettes gourmandes au sarrasin d'Eric Jubin, préface de Pierre Hermé, publié chez Trop Mad, octobre 2013

Les tremblements essentiels de Viktor Lazlo chez Albin Michel

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Chanteuse, comédienne, Viktor Lazlo est aussi romancière. La Femme qui pleure, son premier roman publié en 2010, a reçu le Prix Charles Brisset. En 2012, elle a publié également aux éditions Albin Michel My name is Billie Holiday. Elle interpréta les chansons de cette chanteuse sur la scène du Théâtre Rive Gauche la même année, dans un show troublant que j'avais beaucoup apprécié.

Elle publie aujourd'hui un nouveau roman que j'ai pu découvrir avant sa sortie en librairie. L'histoire d'une femme qui n'est pas elle mais qui l'évoque à de multiples reprises et où elle confirme son talent pour l'écriture.
Qui était vraiment Alma Sol, cette beauté caraïbe devenue une star de la chanson ? Pourquoi a-t-elle disparu du jour au lendemain ?Sensuelle et mystérieuse, dangereuse et vulnérable, elle exerçait une étrange fascination sur les hommes comme sur les femmes. Aurèle, Diane et Damien, qui prétendent l'avoir aimée, ne peuvent se résoudre à l'oublier.
Voyage intérieur, quête d'identité, le roman de Viktor Lazlo retrace avec infiniment de sensibilité le destin d'une femme écartelée entre deux cultures, meurtrie par l'éclat de la célébrité et les ombres du passé, mue par un irrépressible désir de vivre et d'aimer.
Alma avait dit à Aurèle qu'ils étaient faits pour terminer leur vie ensemble. Ils s'étaient pourtant ratés une première, puis une deuxième fois. Se retrouveront-ils un jour ?

A partir de cette mince trame Viktor Lazlo réussit brillamment un roman choral sous forme d'enquête.

Le titre assez énigmatique fait référence, on le comprend à la fin du livre, à une pathologie (p. 231) qui fait souffrir Alma Sol. À la différence du tremblement parkinsonien, qui se manifeste au repos, le tremblement essentiel atteint les muscles qui se contractent pour maintenir une position ou permettre un mouvement. Il touche d'abord les mains, les bras, parfois le cou et la voix, plus rarement les membres inférieurs, et tend à augmenter lors de gestes précis (écrire, se maquiller, s'habiller...), jusqu'à constituer un véritable handicap.

Il touche une personne sur 200, soit plus de 300 000 personnes en France et il n'existe encore aucun traitement permettant de guérir ou stopper son évolution.

Le roman est traversé de références culturelles : les poèmes d'Emily Dickinson ... des sculptures de Giacometti, et le célèbre tableau de Francis Bacon qui est qualifié de chef d’œuvre absolu, Study of Nude with Figure in a Mirror (p. 142).

Cette toile représente, en fin de compte, la vision métaphorique du lecteur tentant de décrypter la complexité des personnages, à commencer par Alma Sol, alias Luz Gandolfo dont on se demande ce qu'elle a de commun avec Viktor Lazlo.

Les tremblements essentiels de Viktor Lazlo chez Albin Michel, en librairie le 28 janvier 2015

Incroyables gâteaux magiques de Véronique Cauvin chez Solar

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A force d'en entendre parler partout j'ai voulu moi aussi jouer à la fée cuisinière en testant la recette que Véronique Cauvin décline dans son dernier livre, Incroyables gâteaux magiques, publié dans la collection  Les Délices de Solar.

Je me suis lancée dans une version sucrée, très classique, au chocolat, et dans une version salée, qui fut une création personnelle avec chorizo, fourme d'Ambert et thon.

Ce qui n'a pas été magique c'est que la carte mémoire de mon appareil photo est devenue illisible depuis et que, bien entendu, les gâteaux ont été consommés et ne sont plus rephotographiables.

Dommage ! Autant celui qui était au chocolat était banal, autant le second était appétissant, dans un moule silicone évoquant la corolle d'une marguerite, avec des coupes bien nettes, témoignant des 3 couches recherchées et bien distinctes : 1 flan délicat à la base du gâteau, 1 crème onctueuse au milieu et 1 génoise légère sur le dessus ... enfin exactement l'inverse après l'avoir démoulé.

Servi à peine tiède j'en salive encore. Donc je réitérerai ... sans doute avec d'autres ingrédients en complément car je fais rarement deux fois la même chose. Je vous promets alors de belles photos.

Ce qui ne changera pas, c'est la recette de base avec cinq ingrédients qui n'ont rien d'exceptionnel : beurre, sucre, farine, œufs et lait. Après avoir monté 4 jaunes d’œufs avec 140 g de sucre au batteur, on ajoute 130 g de beurre fondu à la spatule, 106 g de farine en deux fois, puis 50 cl de lait tiède (lui aussi en deux ou trois fois). 

On bat les 4 blancs en neige ni trop ni trop peu. On les incorpore à la spatule à la préparation et ... voilà le plus grand des secrets, on va battre le tout 5 secondes au fouet pour les casser mais pas davantage, attention !

La pâte est liquide, c'est normal. On enfourne pour 35 minutes à 160 °C. Véronique Cauvin précise que si on utilise la chaleur tournante on aura plus de génoise et un dessus craquelé. Ce sera loupé mais ça reste à tenter à mon avis en version chocolat.

C'est surtout cela qui est amusant : chacun va pouvoir peaufiner "sa" recette magique selon qu'il souhaite plus ou moins d'épaisseur à la couche intermédiaire. Personnellement je recherche la consistance d'une crème pâtissière.

Il parait que les premiers magic cakes sont apparus en Angleterre en 2013. On constate que deux ans plus tard le sujet n'est pas encore épuisé.

Le livre de Solar est complet en terme de suggestions et donne vraiment envie de se lancer. Avec des fruits frais, ou secs, des légumes, de simples arômes le choix est vaste. Mon prochain sera sans doute le "gâteau magique nippon" au thé vert que je vais tenter avec une farine de riz ou de sarrasin pour satisfaire les intolérants au gluten.

Après un préambule pédagogique autour du matériel indispensable, des conseils et tours de mains pour réussir immanquablement les gâteaux magiques, on trouve la recette de base expliquée en pas-à-pas (texte et photos) avec un "simple" gâteau magique à la vanille puis ce sont près de 30 recettes qui sont développées. On termine avec la recette de gâteau magique à la fraise de l'invité Benoît Castel, un chef que j'avais rencontré au Salon du chocolat.

En fin d'ouvrage on trouvera les tuteurs de la cuisine (tableau des associations de saveurs, équivalences de mesure, équivalences de température) pour une cuisine improvisée.

Alors, comme dirait Véronique, Abracadabra, et la magie opèrera !

Incroyables gâteaux magiques de Véronique Cauvin chez Solar, 2014

Tu me trouveras au bout du monde de Nicolas Barreau, chez Héloise d'Ormesson

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L'écrivain mystère Nicolas Barreau (on sait juste de lui qu'il est un auteur franco-allemand qui travaille dans le monde de l’édition) reçoit une lettre mystère.

Je ne saurais dire si le secret élève le normal au rang de l'extraordinaire comme il le prétend p.156 ... le jeu de pistes amoureux avec lequel il titille le lecteur n'est pas très nouveau.

Il n'empêche que c'est bien écrit et que cela se lit avec plaisir, même si le mode opératoire ressemble encore à celui d'un auteur comme Eric-Emmanuel Schmitt. Après tout Nicolas Barreau a bien raison de creuser ce sillon puisque cela lui réussit.

Tu me trouveras au bout du monde a été publié en Allemagne  en 2008 avant le  Sourire des femmes, qui connut en France un succès phénoménal. Rien d'étonnant donc à ce que le style narratif y soit un peu moins enlevé. Notre auteur secret n'avait pas encore terminé de fourbir ses armes.

Il connaissait déjà manifestement très bien la capitale parisienne. C'est vrai que l'hôtel des Marronniers de la rue Jacob est un vrai bijou et que déjeuner au restaurant du Train bleu est un moment d'exception. Le livre fourmille de références à des lieux qui se situent dans le 6ème arrondissement, qui est le quartier de l'édition. Tout ceci est logique.

Il se répète un peu, passant encore une fois devant le Procope, présent dans le Sourire des femmes. On a parfois l'impression que Nicolas règle des comptes, notamment quand il se plaint que le hamburger du Café Marly, 93, rue de Rivoli, ne soit pas "terrible". Admettons. Je suis sûre que cet écrivain-éditeur aime la bonne chair.

Je n'ai jamais gouté The new Marly cheeseburger, bacon iberico de ce restaurant mais je pense que la critique est sévère. Comment imaginer alors que le restaurant célébré par Gilles Pudlowski sur son blog, Les Pieds dans le plat, comme étant une des perles méconnues du groupe Costes ne soit pas à la hauteur de sa réputation ? Ce qui ne fait aucun doute c'est qu'il offre une des plus belles vues de Paris (en l'occurrence sur la pyramide du Louvre).

Ce même Pudlo chante la douceur suave du thé des poètes servie avec délicatesse au Shanghai Café de la Maison de la Chine, 76 rue Bonaparte dont Nicolas Barreau apprécie le coté minimaliste. Voilà les deux hommes sur la même longueur d'ondes.

D'habitude les lieux sont inventés (même s'ils sont inspirés de la réalité) et l'auteur avance à visage découvert. Ici c'est l'inverse et le roman prend souvent des allures de guide touristique. C'est à se demander quel est l'intérêt de l'auteur ?

Coté hôtellerie nous valsons entre l'Hôtel Duc de Saint-Simon, au 14 de la rue du même nom, dans le 7ème arrondissement et le Bélier du 13 rue des Beaux-Arts, dans le 6ème. Les deux endroits sont historiques et exceptionnels.

Ce dernier faisait partie à l'origine de la résidence de La Reine Margot avant d’être transformé en un Pavillon d'Amour au début du 19e siècle. Oscar Wilde y vécut, selon ses termes "au dessus de ses moyens" jusqu’à sa mort. Beaucoup de célébrités y séjournèrent comme Dali, Mistinguett, Frank Sinatra, Elizabeth Taylor et Richard Burton, et même la Princesse Grace.

Célèbre dans le monde entier pour son charme discret et son glamour, cette institution a été rénovée en 2002 par le légendaire designer Jacques Garcia, avec piscine privée nichée sous les voutes. Il ne s'appelle plus le Bélier (Monsieur Barreau il vous faudra mettre vos fiches à jour) mais somptueusement l'Hotel pour la partie chambres, et pour ses tables le Restaurant, où officie le très talentueux chef Julien Montbabut.

Le héros, Jean-Luc Champollion, jeune galeriste de talent et Don Juan à ses heures, arpente le 6 ème arrondissement. Il va prendre son petit déjeuner chez Laduée Bonaparte. Manifestement il ne connaît que les endroits chics. Si j'avais l'honneur de le rencontrer (j'en doute puisqu'il joue à cache cache avec son lectorat ... Je suis amusée moi-même de cela hier soir à la Nuit du livreà l'Odéon qui rassemblait le gratin de l'édition et je me dis que j'y ai peut être rencontré cet homme) c'est au Café Bouillu, 9 rue de l'Ecole de Médecine, que je l'entraînerais.

Il faudra tout de même qu'il fasse auparavant amende honorable. Je le trouve gentiment misogyne : ce qu'il y a de fantastique avec les chiens, c'est qu'ils vous pardonnent toujours et ne se vexent jamais. Cela les distingue des chats, et de presque toutes les femmes. (P. 112) J'ose espérer que lui-même ne prendra pas la mouche ...

Il aime manifestement les jeux de faux-semblants et est passé maitre dans l'art de la dissimulation.  Il connait bien aussi l'âme humaine : les femmes sont très sensibles aux mots; les hommes, aux images. (P.163) Il est exact que l'homme aime regarder alors que la femme apprécie qu'on lui parle.

L'idylle qu'il nous raconte évoque un moment Edmond Rostand qui écrivit des lettres sublimes pour séduire Roxane par personne interposée. On élabore des réponses sur l'origine des courriels qui inonde la boite mails du galeriste presque au même moment que le personnage principal. On pense comme lui que sa correspondante mystérieuse est Soleil, une artiste tourmentée ou peut être après tout son meilleur ami qui lui aurait joué une farce. Il convoque aussi le mythe de la reine grenouille. On pense à une amoureuse transie (et probablement laide) ou à un amour de jeunesse ...

Le suspense est bien entretenu, c'est là le talent de l'auteur. L'amoureux est accroché à son ordinateur, qu'il désigne fort justement comme la machine à miracles. A ce pling annonciateur de bonnes (ou mauvaises) nouvelles, mais au moins à du neuf.

Il aura échangé plusieurs centaines de mails et construit des châteaux en Espagne ... jusqu'à ce que la citation en exergue de Christian Morgenstren s'accomplisse : on voit souvent quelque chose cent fois, mille fois, avant de le voir vraiment.

Tu me trouveras au bout du monde de Nicolas Barreau, traduction de Sabine Wyckaert-Fetick, chez Héloïse d'Ormesson, en librairie depuis le 5 février 2015.

Eugène, première pâtisserie parisienne où les diabétiques peuvent se régaler

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Voilà un gâteau conçu pour ne pas faire de mal à un diabétique ... sans concéder aux exigences de goût et de plaisir. Il va de soi qu'il est tout aussi indiqué pour les personnes qui n'ont pas ce souci de santé selon l'adage que qui peut le plus peut le moins.

On doit cette performance à l'association entre deux personnes, Christophe Touchet et Luc Baudin. Le premier est le créateur, le porteur d’idée et le financier du projet Eugène dont c'est le deuxième prénom. Le second est un jeune pâtissier chocolatier de talent, compagnon du Tour de France, très sensible aux questions de santé, puisqu’il a fait une thèse sur le diabète et qui s’occupe de toute la partie production.

Ils travaillent tous les deux sur les recettes. Christophe amène les contraintes liées à ses objectifs et Luc trouve les solutions.

Pour réussir une crème Chantilly sans crème il a eu l’idée d’utiliser de la pectine dans du lait. Il a ainsi obtenu la crème légère que tout le monde adore dans leurs tartes au citron.

Autre exemple, lorsqu'il lui a demandé d’introduire de la farine de lentilles dans la pâte à choux, sa première réaction a été de dire que c’était impossible, mais il a tout de même essayé et après plusieurs dizaines de tentatives, il est arrivé au résultat que j'ai pu déguster dans la pâtisserie, à partir d’un mélange de farine meulée à la pierre, de farine de lentilles et de son d’avoine.
Le diabète touche près de trois millions de personnes en France. Autant vous dire que la clientèle est de plus en plus nombreuse dans la boutique qui a ouvert le 20 décembre 2014 après de gros travaux. Un cardiologue est venu hier saluer le travail de l'équipe : c'est un endroit comme le votre que j'attendais pour le conseiller à mes patients.

Il faut être réaliste. Aucun régime de carence ne marche. Aussi lorsque Christophe Touchet apprend son diabète il y a cinq ans il décide avec de ne rien concéder à sa gourmandise. Et puisque rien n'existe il va créer la première pâtisserie allégée en sucre, sans avoir recours pour autant à la famille des faux sucres.

Déjà riche d'un parcours professionnel de multi-entrepreneur, essentiellement dans le domaine de l’immobilier il entame une nouvelle reconversion. Il intègre l'Ecole Nationale Supérieure de la Pâtisserie d'Yssingeaux, en Haute-Loire, pour suivre les formations signées Alain Ducasse et Yves Thuriès. C'est là qu'il fait la connaissance de Luc Baudin.
La pâtisserie est aussi une chocolaterie et une boulangerie avec des pains spécialement adaptés eux aussi aux diabétiques.
Vous me suivez pour la visite et la dégustation ? Pour cela cliquez sur "plus d'infos".


L'endroit surprend déjà de l'extérieur par ses couleurs inhabituelles dans le domaine. On sait déjà que l'on va pousser la porte d'un espace différent.

Le bleu et le jaune, l'architecture d'intérieure ... tout suggère la modernité en s'ancrant néanmoins dans le traditionnel de par une référence subtile aux années trente, jusqu'à la typographie spéciale.

En entrant on remarque d'abord l'alignement des pains, en toute logique. Il n’y a pas, à proprement parler, de sucre dans le pain chez n'importe quel boulanger (à l'exception des pains briochés), mais cet aliment est constitué essentiellement d’amidon.

Or les amidons sont des chaines de sucre qui sont décomposées par la salive en glucose et qui ont donc une conséquence sur la glycémie quasi aussi importante que celle du sucre en poudre. Le pain est le premier apporteur de sucre dans l’organisme et son méfait ne peut être réduit que par les fibres car l’apport de fibres solubles réduit l’indice glycémique.
Les pains d'Eugène sont particulièrement adaptés aux diabétiques grâce à l’usage d’une farine meulée à la pierre, contenant beaucoup plus de fibres solubles que les farines habituellement utilisées qui, meulées industriellement, sont privées des germes des grains de blé qui contiennent la majorité des fibres solubles de la céréale.

L’intérêt de ces fibres solubles est double. Elles vont le ralentir le passage du sucre dans le sang, et elles vont en plus procurer une impression de satiété permettant une réduction des envies de grignotage, et donc le risque d'apports caloriques supplémentaires.

C'est Florent qui a la charge de la boulange, et il prépare lui-même le levain, c'est une évidence. Outre les baguettes d'apparence classique, il y a les pains du jour qui sont tous proposés à la dégustation.

On peut voir sur la photo ci-contre, et de bas en haut, le pain à la moutarde, le pain aux olives et aux herbes de Provence, également un pain à la lavande.

Evidemment le regard se tourne vite sur la vitrine qui pourrait être une diabolique tentation.
Sandy, qui est avant tout diététicienne, conseille les clients. Elle a un excellent contact avec les enfants qui sont effrayés par la gestion de leur diabète. Elle connait hélas personnellement la question et sait dédramatiser.
N'hésitez pas à bénéficier de ses conseils. On ne dirait pas qu'on a sous les yeux des produits différents des autres pâtisseries. Et pourtant ils le sont à beaucoup d'égards.

D'abord ils sont fabriqués sur place, et pas industriellement comme souvent dans les pâtisseries "traditionnelles" qui se contentent parfois d'ajouter leur logo imprimé sur un carré de chocolat avant leur mise en vitrine. Une dizaine de salariés sont mobilisés pour faire tourner l'entreprise.

Ensuite ils contiennent grosso modo moitié moins de sucre que leurs équivalents. Avec un peu d'expérience on parvient à les décrypter. Ce n'est pas chez Eugène qu'on poudre les desserts avec un nuage de sucre glace (il n'y a pas pire en terme de sucre). On préférera la noix de coco râpée comme sur le P'tit Choc qui est une grande réussite esthétique et gustative.
Les gâteaux ne sont pas laqués avec un glaçage (qui lui aussi ne peut se passer de sucre glace). Quand ils brillent c'est grâce à l'emploi d'une fine couche de chocolat refroidi sur un rhodoïd. le chocolat blanc en particulier, comme sur cet éclair à la framboise.
On ne trouvera jamais de macarons. Impossible d'en faire d'acceptable en terme de goût en employant un autre sucre que celui qu'on obtient avec la betterave. Le fructose ou le sirop d'agave ne donnent pas des résultats corrects.
Par contre ils sont employés dès que possible pour diminuer l'apport en sucre "classique". L'huile de pépin de raisins remplace le beurre. Le thé vert fait baisser naturellement le taux de glycémie. Il est en vedette dans une version japonisante roulée à la framboise (ci-dessous, à la gauche des carrés chocolat aux baies de goji).
Les fruits et les épices apportent des saveurs. Mais c'est un travail qui a demandé beaucoup de recherches, des calculs de taux de sucre et de multiples essais avant d'élaborer la gamme, vraiment très large. Le seul souci, car il y en a un, c'est la durée de la conservation. Il ne faut pas tarder à les consommer, ce qui, en soi, n'est pas un gros problème.
On y trouve certains classiques, revisités bien sûr,  comme le Montblanc que j'aime tant. Il est devenu Manhattan en raison de la ligne de gratte-ciels en chocolat sur lequel il s'appuie. Il est composé d'une base de biscuit châtaigne, d'une mousse vanille et de vermicelles de crème de châtaigneUne compotée de mandarines et fruits de la passion garantissent cet apport supplémentaire en fibres qui est si utile aux diabétiques.

Coté prix, les tarifs sont corrects. Les gâteaux de voyage (brownies, pavé pomme-amandes, cookies) sont vendus entre 2.50€ et 3.50€, les éclairs entre 3.50€ et 4€ et les autres pâtisseries entre 3.50€ et 4.50€ en fonction de la matière première utilisée. Les gâteaux existent en version familiale comme cette tarte aux framboises. Avec des fruits d'une belle grosseur.
La gamme salée est elle aussi assez développée, essentiellement autour du chou qui devient la vedette de cette vitrine particulière qui permet de proposer une formule déjeuner.
Malheureusement il faut emporter car la consommation sur place est régie par une législation complexe. Quant à se faire livrer, Eugène ne sait pas encore faire. Mais un accord a été conclu avec Citycake, formule permettant de commander chez les plus grands pâtissiers par Internet.
Un petit chou est tout de même vite englouti ... et si bon que je n'ai pas songé à noter sa composition. Je me souviens de crevette, de tomate et du piquant de la roquette.
Son petit frère fourré d'une mousse d'avocat surmontée d'une lamelle de saumon est tout aussi tentant d'ailleurs.
Une porte de verre attire mon attention avant de quitter l'endroit. C'est une cave à chocolats qui fonctionne selon le même principe qu'une cave à cigares. Les amateurs sont invités à y entrer pour choisir paisiblement l'objet de leur désir.
Christophe Touchet a beaucoup de plaisir à discuter avec eux. La majorité de la clientèle actuelle n'est pas diabétique. Ce sont des gourmands qui en ont assez du "trop sucré" qui inonde les bouchées. Tout simplement parce que le kilo de sucre coute moins cher que le kilo de chocolat. Le calcul est vite fait, même dans les grandes maisons.

Et s'agissant de calculs la vie est compliquée pour les artisans. Avec un taux de TVA différent pour le chocolat noir et le chocolat au lait, pour les bouchées inférieures à 20 grammes et pour les plus grosses.


Luc Baudin utilise dans ses recettes du chocolat Valrhona sans sucres ajoutés, auquel il associe une sélection de cacaos grands crus. Ses chocolats contiennent seulement 0,5 % de sucre.

Invitée à croquer je réalise que j'ai en bouche l'exact goût de chocolat que je cherchais. Et je comprends qu'il se soit classé dans le trio de tête de la World Master Chocolate en janvier 2015 qui s’est déroulée à Lyon du 24 au 28 janvier 2015 même si je n'ai pas vu la pièce montée qu'il a réalisée et qui s'est écroulée depuis. Il en réussira d'autres.

Il a d'ailleurs conçu des petits amours de bonbons en chocolat pour la Saint Valentin : des demi-sphères rouges à la framboise enrobée d'une ganache au poivre de Setchuan pour les dames, des demi-sphères pailletées Choco-menthe enrobé d'une ganache au gingembre pour les hommes.

Comme on les trouve en quatuor chacun peut succomber aux deux délices sans provoquer de dispute.

Je quitte Eugène avec un carton de douceurs à déguster tranquillement, ce que j'ai fait au Salon de thé de la Halle Saint-Pierre où m'attendait mon prochain rendez-vous. Je remercie d'ailleurs la gentillesse des serveurs qui m'ont permis de m'installer et de prendre les photos en toute tranquillité.

J'avais comme il se doit commandé un thé vert pour suivre le conseil de Christophe.

J'ai commencé par l'éclair. Le disque de chocolat blanc est saupoudré de chocolat rose râpé. Il est fourré généreusement d'une purée de framboises dont on apprécie la justesse du degré d'acidité.
Ensuite le Frui-Thé avec son biscuit roulé au thé Matcha, sa mousse de framboise et chocolat blanc, grosses framboises fraîches…
Seul reproche : la fragilité de ce dessert qui résiste mal au transport, même si les photos ne rendent pas compte de son léger affaissement.
La tarte au citron est une révélation. La crème citron est une très grande réussite. La crème légère pectinée et agrémentée de zestes de combava ne l'est pas moins. Le disque de chocolat est vite croqué.
Un dessert que Philippe Conticini, le créateur de la Pâtisserie des Rêves, référence dans le domaine de la pâtisserie, aurait aimé l'avoir inventé. Difficile d'entendre plus beau compliment. Je ne lui ferais qu'un seul reproche : je n'ai fait qu'une (grosse) bouchée de ce dessert.
Voici maintenant le P'tit Choc, qui pourrait avoir ma préférence tant il est surprenant. Il a du rencontrer un énorme succès à Noël quand il était présenté en version bûche sous le nom de Grand Choc. J'aime tout chez lui : sa mousse chocolat noir et chocolat au lait enrobée d’un glaçage aux éclats d’amandes ... sur une base de gâteau que je ne parviens pas à identifier.
Ma mémoire gustative est en rade. Le goût est nouveau et je n'en ai pas encore le repère. Il va réconcilier les amateurs de chocolat au lait avec les partisans du chocolat noir. Aucun reproche possible.
Je vais garder pour demain matin la tarte normande qui réclame à mon sens un café noir. Les pommes
sont fondantes, la pâte est croquante. C'est l'effet "amandes" parfaitement maitrisé.
Elle conviendra aussi aux alsaciens qui s'y connaissent en tartes.
Pour finir je n'ai pas résisté à encore croquer dans un brownie qui, sans sucre ni beurre, ne devait pas me faire du mal. De fait je me suis portée comme un charme les jours suivants ...

Je n'avais pourtant pas accroché un voeu au plafond de la boutique.
En tout cas je conseille l'endroit à ceux qui ont des soucis de santé, aux gourmands qui vont bien, et j'espère que la formule fera des émules. Il faut savoir que Christophe Touchet est prêt à dupliquer la formule sous forme de franchise participative à des jeunes qui voudraient se lancer. Il a calculé qu'on peut racheter son entreprise au bout de cinq ans.

Eugène, pâtissier chocolatier
11 rue Guillaume Tell, 75017 Paris. Tél : 01 42 27 65 24
Ouverte du mardi au samedi de 7h30 à 20h mais aussi le dimanche, de 9h à 13h30.

Platonov du Collectif les Possédés au Théâtre La Piscine (92)

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Les comédiens sont tous sur scène, assis ou faisant mine de bavarder alors que le public s'installe. Le décor de Platonovévoque le hall d'un hôtel avec quelques plateaux de jeux, des chaises dépareillées et des banquettes.

Le sol semble recouvert de peaux de bêtes, ou d'une sorte de carte géographique déployée un peu à la manière d'une anamorphose, cette illusion d'optique dont parle Dürer comme d'un "art de la perspective secrète" et je me dis que peut-être plus tard un miroir révélera cette image.

Cinq grandes cordes ( heureusement que je ne dis pas à voix haute ce mot tabou dans les théâtres) pendent et divisent le fond du plateau. Elles auront leur utilité au second acte en dressant une forêt giboyeuse.

Quelques lampes, deux guitares, deux hérons naturalisés, un vélo d'appartement ... un jeu de croquet, de boules, un panier de pêche et d'autres objets complètent le joyeux capharnaüm d'une de ces maisons de famille où l'on aime se retrouver le temps d'un été pour oublier ... Oublier quoi ? Mais les soucis, faire un pied de nez au temps qui passe, s'amuser un peu.

Nous sommes au coeur d'un domaine en faillite, celui d'Anna Petrovna Voïnitseva, la jeune veuve  en robe rouge d'un général, que des financiers guettent comme des chasseurs à l'affut.
Emmanuelle Devos a rejoint le Collectif des Possédés pour incarner cette femme. Son tempérament colle parfaitement à la complexité des héroïnes tchékhoviennes. Hôtesse de bonne volonté dans la première partie, elle se révèle à mesure que la dramaturgie progresse, un peu à l'instar de cette femme qui ne supportait plus le carcan de La vie domestique.

Dix ans après la création d'Oncle Vania, le Collectif des Possédés revient à cet auteur russe comme on rentre à la maison. La note d'intention de Rodolphe Dana souligne que Tchekovécrit toutes les formes grandioses et ridicules du désir. Il nous promet amour et humour ... La pièce sera à la fois comique, tragique, sentimentale.
Anna est accablée de dettes et le domaine risque d'être vendu. Toute la communauté qui gravite autour d'elle cherche à donner l'impression que tout va bien mais on sent combien chacun est pris à la gorge par un climat d'insécurité provoquant une crise existentielle.

"On s'ennuie doucement". Cet état est au coeur de la pièce. Chaque personnage lance le mot comme une patate chaude : Vous baillez. Je vous fatigue ? (...) Je m'ennuie. Je m'ennuie.
Comme souvent alors on cherche le divertissement, on boit, on fait éclater un feu d'artifices (très belle idée que d'éclater des ballons dans la piscine, l'illusion est parfaite). On danse, on chante. Les changements de décor s'effectuent à vue, entre les actes sont ponctués d'intermèdes musicaux à bon escient.
On quémande un bisou, un baise-main. Et surtout on se jette à corps perdu à la tête du premier venu.

Ce sera l'instituteur, le "petit Platon" de la bande, qui arrive tel un enfant prodigue et qui va se trouver comme pris en otage. J'entendais une spectatrice s'interroger : Qu'est-ce qu'elles lui trouvent ? Il n'est même pas beau gosseCertes (pardon Rodolphe).

Mais c'est ça que je trouve fort, précisément. L'acteur ne "joue" pas avec son charme. Il est simplement vivant. Mikhaïl Vassilievitch Platonov exsude des phéromones et les femelles s'accrochent à lui comme des insectes. Comme le dit le proverbe : Peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse.
On ne sait jamais s'il s'amuse avec les femmes pour tromper le temps, s'il se lasse d'Amexandra Ivanovna dite "Sacha", son épouse, ou s'il est le jouet de toutes celles qui sont folles de lui, Marie Efimovna Grekova, étudiante en chimie, Sofia Egorovna Voïnitsev, comme Anna Petrovna. Il y a de quoi être dépassé par les événements. "Je suis en train de me perdre", dit-il, torturé par ses désirs contradictoires. Grékova résume la situation en jugeant Platonov comme étant "soit un être extraordinaire soit un vaurien sans scrupule".

Le piège fonctionne. La veuve noire à dos rouge pratique le cannibalisme sexuel. Le mâle meurt après l'accouplement. Cela se passe un peu différemment sur le plateau mais le résultat est le même. Platonov mourra de n'avoir pas réussi à satisfaire toutes celles qui se sont amourachées de lui. Elles sont nombreuses, y compris la générale avide de brûler sa jeunesse avant de vieillir dans ce trou perdu. Le rôle va comme un peignoir à Emmanuelle Devos qui se fond dans le décor trompe l'oeil  au cours d'une séquence très drôle avant de revenir en nuisette en séductrice de charme.
A l'inverse du décor, les costumes sont d'une certaine manière banalement contemporains. Ce choix donne une puissance supplémentaire à la pièce qui, du coup, s'approche de l'universel. Aujourd'hui aussi, ici, on doute aussi de notre avenir et de nos désirs. Nous savons ce que c'est que redouter le mondialisme et la férocité des banquiers ... On se dit alors que Platonov pourrait être n'importe lequel d'entre nous, emporté par l'espoir d'être le sauveur de l'autre au travers d'une histoire d'amour.

L'illusion pourrait peut-être durer le temps d'un été. Erreur de jugement puisqu'il ne s'agit pas de s'aimer un moment mais pour la vie.
Ce sont Rodolphe Dana et Katja Hunsinger qui signent l'adaptation qu'ils ont réalisée au plus près de la traduction d'André Markowicz et de Françoise Morvan. Le texte original avait été écrit sur 11 cahiers par un Tchekov bouillonnant de 18 ans. Avec 40 personnages et d'une durée de 10 heures, la pièce ne fut jamais montée de son vivant. Retrouvée en 1920 à Moscou elle ne fait plus que 6 heures, avec autant de personnages. Il faudra encore couper ...

Elle est sans cesse revisitée. La version des Possédés est troublante, faisant affleurer une fin de monde que l'on peut transposer à notre époque. Méfions nous de nous jeter à la tête d'un autre Platonov providentiel qui n'aurait rien demandé.

Ecoutons les mots de Tchekov : Tout le monde a des passions et personne n'a de force. Cessons de nous torturer.

Parce que sinon, bientôt, nous serons dans la même interrogation que cette communauté après le drame : "Que faire? Enterrer les morts et réparer les vivants".

Cette phrase qui clôture la pièce résonne autrement depuis le dernier roman de Maylis de Kerangal, précisément intituler "Réparer les vivants". Mais ceci est une autre histoire.

Platonov, Création dirigée par Rodolphe Dana
Traduction André Markowicz et Françoise Morvan
Adaptation Rodolphe Dana et Katja Hunsinger
Avec Yves Arnault, Julien Chavrial, David Clavel, Rodolphe Dana, Emmanuelle Devos, Françoise Gazio, Antoine Kahan, Katja Hunsinger, Émilie Lafarge, Nadir Legrand, Christophe Paou et Marie-Hélène Roig

Scénographie Katrijn Baeten et Saskia Louwaard
Assistanat à la mise en scène Inès Cassigneul
Lumières Valérie Sigward
Costumes Sara Bartesaghi Gallo

Jusqu'au 8 mars à La Piscine de Chatenay-Malabry (92) puis en tournée (Colombes, Gap, Marseille, Toulouse, Brest, Dunkerque, Lille, Angers, Tours etc.)

Les photographies sont toutes © Jean-Louis Fernandez

Lignes brisées de Harold Cobert

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Lignes briséesLignes brisées est un de ces romans qui ne laissent pas insensibles. C'est le troisième volet d'un triptyque sur les rendez-vous manqués mais il se lit de manière indépendante des précédents livres d'Harold Cobert

L'auteur avoue son obsession pour les angles morts et les paroles qui sont bâillonnées. S'il est hanté par ce thème, il le traite de manière toujours différente. Contrairement aux précédents, celui-ci ne s'inscrit pas dans le domaine du roman historique pour plonger cette fois à corps perdu dans l'amour manqué, celui qui nait à l'adolescence, sans se concrétiser totalement mais qui ne s'éteint jamais, maintenant un petit pincement au cœur, et laissant croire que peut-être on pourrait raviver la flamme en se retrouvant.

Gabriel provoque le destin en trouvant une occasion de revoir Salomé. Il entretient le regret du grand amour alors qu'elle semble avoir fait un autre deuil, celui de sa carrière de danseuse.

Les lignes brisées évoquent celles du destin, aussi hasardeuses que celles de la main. Le livre se déroule suivant deux temporalités inversées. S'entrecroise un récit à la première personne, écrit au présent alors qu'il s'inscrit dans le passé, qui est le roman que Gabriel vient de publier, relatant son histoire avec Salomé, avec un autre récit, rédigé à la troisième personne et au passé qui rend compte paradoxalement de ce qui est en train de se dérouler, en l'occurence les retrouvailles entre les deux anciens amoureux.

Le lecteur est pris à témoin de leur chassé croisés, en cercles rapprochés autour du silence obscur de leur histoire. Auront-ils changé après 15 ans sans se voir ? Les sentiments pourront-ils renaitre de leurs cendres sans virer au règlement de comptes entre Salomé et Gabriel,.

Ce qui m'a le plus bouleversée ce sont les pages où l'auteur fait parler Salomé à propos de son rapport avec la danse.

Écouter la jeune femme permet de comprendre l'ampleur de ce qu'une danseuse (et c'est probablement vrai dans une moindre mesure pour un danseur) doit sacrifier à sa passion. On le perçoit dès le début du livre : La danse qui épuise le temps d'avoir une enfance, une adolescence, des amis ... le corps ne pèse plus, n'existe plus. (p. 36)

On en comprend toute l'atrocité plus loin : Se battre contre son propre corps. Contre ses raideurs. Contre son poids. Contre sa mollesse. Contre le moindre signe de relâchement ou d'empâtement. Tu ne sais pas ce que c'est de te lever tous les matins avec l'impression d'avoir été rouée de coups la veille. Et d'aller quand même à la barre, de t'étirer, presque à en pleurer, jusqu'à ce que tes muscles soient suffisamment chauds et que même la douleur devienne une sorte de plaisir. (p. 100)

Elle poursuit ce qui devient un terrible réquisitoire : jusqu'à ne plus peser que 25 kilos et devoir raccrocher les chaussons, à bout de forces, à bout de tout.

Gabriel semble ne pas comprendre. L'auteur nous le montre si complaisant à son égard qu'il ne peut susciter la compassion. Il est parfois franchement misogyne, notamment lorsqu'il  prétend que les femmes sont atteintes de chleuasme (p. 59) consistant en l'autoapologie par antiphrase pour susciter une réaction compensatrice de l'auditoire, autrement dit se dévaloriser en minimisant ses atouts pour que l'autre soit amené à faire un compliment.

On pourrait croire que la femme serait un être masochiste et compliqué. Mais le personnage masculin n'est pas davantage épargné. Enfin, il me semble ...

Lignes brisées de  Harold Cobert, aux éditions Héloïse d'Ormesson, en librairie le 5 mars 2015

Faire son pain bio multicéréales

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J'avais dans mes réserves une des préparations de Mon Fournil que j'ai testée dans ma machine à pain il y a quelque temps. Je n'avais pas été très satisfaite du résultat.

J'avais pourtant suivi les recommandations du mode d'emploi, simples au demeurant. Il suffit en effet d'ajouter de l'eau et d'enclencher le programme 1.

Ne supportant pas de rester sur un échec j'ai récidivé un peu plus tard en ajoutant ma touche personnelle : l'équivalent d'une cuillère à soupe de beurre à température ambiante.
Cela change tout. Je me suis régalée avec ce pain bio multicéréales et l'opinion de tous ceux à qui je l'ai fait goûter à été la même. La croute est croquante. On sent bien les graines de tournesol et de lin. Son petit goût de levain est très agréable.

L'association de blé, seigle et avoine est bien pensée. 
J'ai mal résisté à la gourmandise de me trancher une part pour la dévorer nature, une autre avec du beurre, une troisième avec le Caprice des Dieux, en version fromage frais à la texture fondante, élu Saveur de l'année, un soupçon de Citrus Pepper de Saravane et des graines de sésame à la prune Ume de Terre Exotique. C'est divin.
J'avais précédemment testé le fondant bio au chocolat, lui aussi de Mon Fournil bio et sans gluten.

C'est décidément est une marque que je retiens. Mon prochain test sera probablement la préparation pour cookies aux flocons d'avoine et pépites de chocolat parce qu'elle est elle aussi sans gluten. Ce n'est pas que je sois intolérante mais il me semble que réduire l'apport de gluten ne peut qu'être bénéfique pour la santé.

Il faudra que je tente de faire du pain sans gluten avec les farines de Mon Fournil. Existent actuellement maïs, sarrasin, châtaigne et riz complet ... mais j'ignore encore quelle combinaison pourrait marcher car, évidemment elles sont difficilement panifiables ... mais rien n'est impossible.

Chapeaux à Caussade (82)

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C'est demain la journée de la femme et j'ai eu envie de consacrer un billet à un accessoire qui féminise particulièrement une silhouette même si les hommes en portent aussi. Je veux parler du chapeau.

Audrey Hepburn aurait-elle eu autant de mystère si elle n'avait pas tant porté sa large capeline ?

Quand on pense à Jackie on ne l'imagine pas sans son "Kennedy", même s'il n'est rose bonbon dans toutes les mémoires et pas rose vif comme celui que j'ai photographié.

Quant à la simplicité du bibi qu'elle arbora à sa descente d'avion lors du voyage présidentiel en Angleterre en 2009 elle valut à Carla Bruni de remporter le concours de l'année des porteurs de chapeaux ... devant la Reine d'Angleterre, pourtant spécialiste en ce domaine.

Il était signé Dior mais dès le lendemain de sa découverte sur la tête de l'ex-mannequin le téléphone de l'entreprise Willy's ne cessait de sonner à Caussade (82) : vous pouvez nous faire le même ? interrogeait leur clientèle de modistes et de chapelières.

Depuis, il est toujours au catalogue, dans une large déclinaison de couleurs.

L'entreprise réagit très vite à la demande. J'ai eu la chance de la visiter. Depuis l'annexe submergée de rouleaux de tissus, de tulle et de blocs d'aluminium servant à la mise en forme jusqu'aux produits finis, prêts à s'envoler ... pour le Japon par exemple.
Je vous emmène ?
Il n'y a plus guère que trois entreprises dans la région de Caussade, une jolie petite ville du Tarn-et-Garonne, qui maintiennent encore leur activité alors que cette industrie était considérable tout au long du XX° siècle. Willy's Paris y est implantée depuis 1824, comme en atteste son enseigne.

J'y ai rencontré Isabelle Rey, qui incarne la sixième génération de chapelier et qui dirige la société depuis plus d'une dizaine d'années. La veille j'avais visité l'entreprise Crambes, dirigée par Thierry Fresquet, petit-fils du fondateur qui est spécialisé dans le chapeau masculin (auquel je consacrerai bientôt un article), toutes deux classées Entreprise du patrimoine vivant pour leur compétences uniques. Aucun doute que la chapellerie reste une affaire de famille.

Le label est une satisfaction, rien de plus. Au Japon, avec un tel savoir-faire, m'a confié Isabelle, nous serions des dieux-vivants. Malheureusement c'est toute la filière textile qui est sacrifiée en france depuis les années 80. On fabriquait pour Sonia Rykiel, Agnès B., tout cela est maintenant parti en Italie ou ailleurs. Même si on se considère comme frères avec les italiens cela fait mal ... Rien de tout cela ne se serait produit si on avait les mêmes conditions de charges. On peut dire que nous sommes Entreprise du patrimoine survivant ...

Chez Willy's on fabrique malgré tout toujours de façon artisanale des chapeaux en paille cousus à destination d'un marché haut de gamme. Avec une paille déjà tressée qui se déroule à mesure que Rolande, couseuse de son métier, pique à la machine le canotier en spirale.
Initialement la paille était une production locale. C'est d'ailleurs ce qui valut la célébrité à Pétronille Cantecor. Née en 1770 à Septfonds, la jeune femme se marie avec un agriculteur en 1818. Elle lui donne 13 enfants dont elle s'occupait en même temps qu'elle assurait les travaux agricoles.

A ses temps libres, elle se met à tresser de la paille de blé pour confectionner des chapeaux, d'abord pour elle puis rapidement pour les voisins.

Elle eut alors l'idée géniale de fonder, en 1796, le premier atelier de fabrication de chapeaux à Septfonds, puis une seconde fabrique avant de transmettre son savoir faire à son cousin André Rey. Cette initiative fut à l'origine de ce qui devait devenir la grande spécialité de la région. De la paille du début on est passé à la laine, au feutre, au textile, au cuir, même si l’article vedette était sans conteste le canotier. Longtemps ceux du tournoi de tennis de Roland Garros furent faits à Caussade.

Elle décède en 1846, laissant l’entreprise à son petit-fils Fortuné Cantecor, qui la portera à son apogée (5000 chapeaux par jour) alors qu’André Rey sera incité à s’installer à Caussade. On compte alors une main-d’œuvre extrêmement importante, de près de 4000 personnes salariées, à domicile pour la confection des tresses et en ateliers fixes pour la fabrication des chapeaux. La  renommée de la région en tant que grand centre chapelier français est devenue incontestable, encore accrue par l'arrivée du chemin de fer en 1884 et de l'électricité en 1896.

C’est un petit-fils de Pétronille, Fortuné Cantecor, qui  introduisit la mécanisation, à la fin du XIXème siècle, avec des machines à presser à vapeur et au gaz comme la série qui est en photo plus haut et des machines à coudre motorisées.

Plusieurs crises ont foudroyé l’activité et il ne reste plus que trois entreprises dans la région, Willy’s, Crambes et les Ets Coustillièresà Septfonds, que je n’ai pas visités. Chaque été, les Estivales de Caussade célèbrent le chapeau et la mémoire de Pétronille Cantecor.
A sa création la société se nommait "Willy’s London". La capitale anglaise était le centre névralgique de la mode. Quand Paris est devenue symbolique du nouveau chic la famille Rey alors au plus fort de sa gloire a suivi le mouvement pour devenir "Willy’s Paris".

Il y a eu jusqu'à 40 ouvrières quand elles ne sont plus que 3. Isabelle se souvient qu'on faisait la queue ici pour passer les commandes. L'entreprise a été cotée en Bourse. Aujourd'hui la production est réduite, mais demeure de haute qualité et elle a ses publics. Localement d’abord, même si c’est anecdotique puisque des femmes viennent à l’usine pour faire leurs achats, ou leurs commandes spéciales en vue d’une cérémonie.(voir horaires d’accueil en fin d’article).
C’est Willy’s qui fait les couvre-chefs de la Confrérie des Vins des Coteaux du Quercy,  fondée en 1995 par un groupe de viticulteurs et d'amateurs, ambassadrice de l’appellation dont elle porte fièrement les couleurs et la réputation par delà même les limites de l’hexagone.


Et si les petites écolières japonaises sont si élégantes c’est parce qu’on fait toujours ici des petits paniers assortis à leur chapeau de paille rond. Avec une extrême réactivité (comme pour le chapeau dit Carla), l’exportation et le luxe sont en effet des axes salvateurs pour l’entreprise.

Il faut beaucoup de compétence pour suivre les tendances, voire les devancer légèrement. Alors Isabelle Rey ne manque aucun salon professionnel important et cela fait longtemps qu’on a élargi les matières jusqu'à des toiles cirées pour les chapeaux de pluie.

On emploie beaucoup de crin en ce moment et deux collections annuelles sont toujours proposées autour d’une vingtaine de modèles par saison, été et hiver.

Le choix est vaste, aussi bien en terme de forme que de couleurs.
On suit la mode qui est en ce moment aux teintes très vives. Cet été, par contre ce seront des tons layette qui adouciront les tenues.
On peut se réjouir que le port du chapeau revienne en force depuis l’an dernier. Les jeunes adorent cet accessoire depuis qu’il l’ont vu sur la tête de chanteurs comme Charlie Winston ou d’acteurs comme Johnny Deep que l’on n’imagine plus sans son feutre. Et peu importe s’ils le positionnent un peu de côté comme Kate, ou carrément en arrière comme Rihanna. Ce n’est pas académique mais cela le modernise. Les moins jeunes ont subi l’influence des grands de ce monde. On veut maintenant imiter Monaco ou la cour d’Angleterre et se marier en grande tenue.
La rudesse de la météo a fait comprendre l’intérêt à se couvrir. Le corps humain doit consacrer prioritairement son énergie à maintenir le cerveau à 37°. Voilà pourquoi quelqu’un qui a la tête au chaud n’aura pas froid aux pieds et aux mains. Il aura moins de sinusites et de névralgies.

Enfin, même si c’est regrettable, la maladie est un facteur important. On se chapeaute aussi pour cacher la perte de ses cheveux. Et puis, après on y prend goût. Il n’y a pas, m’affirme-ton, de tête qui ne soit pas chapeautable. Il ne faut donc pas hésiter à essayer, encore et encore, jusqu’à trouver le modèle qui convient. Et ne pas avoir peur de le tourner, pour se l’approprier, en le faisant glisser sur le côté, le devant, l’arrière …
Les ouvrières ont encore recours à plusieurs techniques différentes. La couseuse photographiée plus haut emploie une machine spéciale pour assembler la paille. C’est une technicité en voie de disparition, qui s'acquiert par l'apprentissage et la transmission des anciens au bout d’au moins dix ans de pratique.

Par contre, Corinne créé ses modèles avec une machine à coudre classique. Depuis le grand chapeau, modèle Réjane, semblable à celui qu’affectionnait Audrey Hepburn, jusqu’au plus petit, monté sur un serre-tête.
Ce dernier mode de fabrication permet de personnaliser le port du bibi dont la voilette n’est pas systématiquement en face des yeux. Et surtout il existe en taille unique, s’adapte à toutes les têtes et s'accompagne d'une pochette assortie, exécutée dans le même atelier, avec les mêmes matières.

S’il existe encore des canotiers en grosse paille naturelle les dernières créations sont majoritairement en paille suisse et en crin ou en fibre de banane et boa. La garniture des plus beaux modèles bénéficie d’une finition au fer vapeur. On voit sur la photo ci-contre Sylvie bichonner le chapeau, selon l’expression consacrée.

On importe de la matière première depuis 1860. Cela fait belle lurette qu’il n’y a plus assez de paille dans le Causse, et même en France pour satisfaire le marché. Il ne faut pas avoir de la Chine une image systématique de bas de gamme. C’est de là que venaient les plus belles soies, les porcelaines les plus fines. Rien d’étonnant à ce qu’on y trouve des pailles de haute qualité.

Isabelle Rey se souvient que son grand-père achetait la paille avec un an d’avance. Les cargaisons arrivaient alors par bateau.

On fabrique tout de même encore des bérets en laine bouillie ...
... des cloches en feutre taupé... dans une matière d'aspect soyeux, parce que l'objet a été confectionné avec par exemple des poils de lièvre, de taupe, ou de loutre. C'est le nec plus ultra de l'élégance.
Pour obtenir au final une capeline, un chapeau melon, voire même un haut de forme, il faut disposer d'un matériel ancien et rare. C'est pourquoi Willy's conserve précieusement ses presses des années 1950 et un très grand nombre de formes en blocs d'aluminium qui sont en attente d'utilisation dans les réserves.

Le chapeau bien vaporisé est enfoncé entre les blocs d'aluminium chauffés entre lesquels il est comprimé, jusqu'à ce qu'il soit parfaitement sec pour obtenir sa forme définitive.
Willy's perpétue ainsi plusieurs procédés de fabrications traditionnelles et manuelles : le formage à chaud, le tressage, la teinte de la paille et la couture. 
On peut aussi apercevoir entre deux rayonnages un chapeau de Catherinette comme celui-ci, reconnaissable entre autres à ses couleurs dominantes, le vert, couleur de l'espoir, et le jaune, couleur de la sagesse. Mais la coutume consistant à l'offrir le 25 novembre aux jeunes filles encore célibataires au-delà de 25 ans s'est estompée depuis qu'on se marie de moins en moins, ou en tout cas de plus en plus tard.

Sainte Catherine est en effet la patronne des "filles à marier". La légende veut que la jeune fille née à Alexandrie et convertie très jeune au christianisme, ait toujours refusé le mariage que voulait lui imposer l'empereur romain Maxence, pour la faire renoncer à sa foi.

A partir du XVI° siècle on commença à "coiffer Sainte Catherine" dans les églises le 25 novembre. Il s'agissait alors de restaurer les statues de cette Sainte en renouvelant notamment sa coiffe, en ce jour qui lui était consacrée. La tradition voulait que ce soient les jeunes femmes célibataires qui se chargent, dans les paroisses, de ce travail. Une façon de leur permettre de prier la Sainte personnellement pour ne pas "mourir célibataire", ou de les désigner au reste de la communauté comme "bonnes à marier" aux yeux des prétendants.

En tout cas, dans la France laïque, cette coutume se transformera bientôt. Ce n'est plus la statue que l'on va "coiffer"à la Sainte Catherine, mais les "Catherinettes" elles-mêmes. Ce chapeau était confectionné par des proches, et les modistes ont toujours rivalisé de créativité pour avoir les plus beaux.
Cette créativité est quotidienne et s'exprime à travers des modèles qui souvent sont quasi uniques comme vous le constaterez si vous avez l'opportunité  de visiter la chapellerie, sur rendez-vous par le canal de l’Office du tourisme de Caussade Tél. 05-63-26-04-04, sauf pendant la fermeture en été.
Willy’s Paris 63 av Général Leclerc 82300 Caussade Tél. 05-63-93-09-96.
La boutique d'usine est  ouverte du lundi au jeudi de 8 h à 12 h et de 13 h30 à 17 h30. Le vendredi de 9 h à 12 h30.

Mesure de nos jours

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Il faut aller au Théâtre de l'Epée de Bois. C'est un de ces lieux que j'affectionne. Parce qu'on s'y sent à l'aise, même si on y vient pour la première fois. Situé au cœur de la Cartoucherie de Vincennes, dans cet espace si propice à la création, au milieu du Bois de Vincennes, dans l’ancienne usine de munitions de l’Armée Française, où cinq entreprises théâtrales ont trouvé leur abri.

Chacune d’entre elles a fait son théâtre dans ces hangars. Le Théâtre de l'Aquarium est métallisé. La Tempête à son caractère propre. L'Epée de bois est, comme son nom l'indique, tout en bois.

Les sièges, comme les murs et le sol de la Salle II (170 personnes), sont entièrement faits en bois. La salle Pierre en accueille 300.

Même l'espace de l'Atelier, où l'on construit les décors, est parfois utilisé pour organiser des spectacles de rue, en raison de sa lumière naturelle, ou encore pour accueillir des associations culturelles.

Le public est surpris dès son arrivée dans le hall. C'est ici que l'on peut se restaurer avant et après le spectacle, dans ce qui ressemble à une guinguette. Parfois, on joue aussi dans cet espace pouvant accueillir 80 spectateurs. 
Mesure de nos jours a lieu au premier étage, auquel on accède par la mezzanine. Dans la Salle "Studio"dévolue aux petites formes (pour 70 personnes). Dès l'entrée on respire l'atmosphère d'un confessionnal. Un petit bureau sous un faisceau de lumière. Cinq chaises alignées pour accueillir des confidences.
Chaque comédienne arrive sur scène en tenant un livre serré contre elle, et on imagine un missel alors que ce n'est pas cela.

Le parquet grince. Les talons claquent. Ce n'est pas seulement le bois qui s'exprime. C'est le poids des confidences. Elles étaient 48 à revenir avec Charlotte Delbo d'Auschwitz qui se rappelle ce moment où toutes ses compagnes se sont dissoutes dans la foule qui les attendait à l'Hôtel Lutetia.

Charlotte s'interroge, au bord de la folie : si je confonds les mortes et les vivantes, avec lesquelles suis-je ?

Un étrange canon a capella s'enclenche mécaniquement : vous ne croyez pas ce que nous disons parce que si ce qu'on dit était vrai nous ne serions pas là pour le dire. Le canon sonne, s'élevant crescendo jusqu'à ce cri : pourquoi ? Entraînant une réponse implacable : parce qu'ici tout est inexplicable.

On connait aujourd'hui l'évolution du stress post traumatique. Mais quand Charlotte Delbo est revenue on ne savait rien du processus. Comment faire pour survivre ? Comment faire pour vivre à nouveau ? Que faire de ses souvenirs ?

Avec son écriture singulière, Charlotte dit la vie après, quand toute capacité d’illusion et de rêve semble définitivement perdue. Elle dit cette difficulté à s’inscrire à nouveau dans la réalité, à pouvoir à nouveau tisser des liens profonds avec ceux qui n’ont pas fait le même voyage.

Je vivais comme en filigrane, explique-t-elle.

Chacune relate une expérience et toutes sont aussi terribles. Les sourires ne masquent rien de l'horreur. C'était pire qu'être usée. Être vidée de vivre.
Chacune interroge la finalité de ce qu'elle a subi. Cela n'aura servi à rien puisque le monde reste encore à changer. Le fanatisme demeure. Tous ces morts auraient donc été inutiles ? Il faut qu'elle serve notre revenue!

Les mots n'ont plus le même sens. Dire qu'on a peur, qu'on a faim, qu'on a soif, cela n'a pas le même sens maintenant et pour nous.

Ceux qui nous aiment veulent que nous oublions. Mais ce serait atroce !

De quoi faut-il se souvenir et oublier pour sauver sa tête ?

Le texte de Charlotte n'est pas que plainte et désolation, loin de là. Il s'en échappe un humour et une vitalité et humour vivifiante, aussi étrange que cela puisse paraitre.

Aller à un enterrement est une occasion de revoir les vivants.

 La séparation femmes et enfants d'un côté, hommes de l'autre ne m'inspirait pas confiance, analyse l'une des revenantes. J'ai prétendu être adulte. J'ai été placée dans la bonne colonne.

La "bonne" colonne, en ce sens qu'elle n'est pas allée directement prendre la douche dont elle ne serait jamais revenue. On leur avait promis que rien ne serait pareil ( à leur retour). Et elles découvrent que tout est pareil.

Chacune se livrera au public. Elles sont six sur scène, mais elles sont bien davantage ... les récits s'entrecroisant parfois.

De fait j'ai l'impression, moi, simple spectatrice, que je pourrais croiser une de ces dames dans la rue. Rien ne les distingue des personnes "ordinaires".

On frise la confidence authentique. Et on comprend qu'une seule vie ne suffit pas pour soigner un tel traumatisme, qui se répercute donc sur les générations suivantes.
Mesure de nos jours de Charlotte Delbo
(Les Editions de Minuit)
Du 5 au 22 mars 2015, Jeudi et vendredi à 20h30, Samedi à 16h00 et 20h30, Dimanche à 16h00
Mise en jeu et en espace : Claude-Alice Peyrottes Assistante: Maryse Ravéra
AvecSophie Amaury, Sophie Caritté, Marie-Hélène Garnier, Maryse Ravéra, Maud Rayer, Claude-Alice Peyrottes
CostumesNicolas Fleury
RégieMarco Leroy
Production et création Compagnie Bagages de Sable 2013, Coproduction Centre Dramatique Régional de Haute Normandie, Théâtre des deux Rives / Rouen
Merci à Elise pour la photo des chaises

Re-Vue Guesch Patti au Théâtre de l’Atelier

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J'ai eu la chance de voir une des deux représentations exceptionnelles de Re-Vue Guesch Patti qui ont été programmées ce soir (et le 16 mars) au Théâtre de l’Atelier.

C'est le premier spectacle chorégraphié par Guesch Patti, artiste singulière et irremplaçable. On la connait comme chanteuse, en raison du phénoménal succès d'Etienne (victoire de la musique en 1998), mais elle a fait ses débuts en danse, à l’Opéra de Paris, et avec Roland Petit. Et elle est particulièrement juste quand elle s'appuie sur les codes de la gestuelle de la danse contemporaine.

Son talent lui aurait permis de faire une carrière dans ce domaine.  Sa volonté de conjuguer le théâtre parlé et la danse est donc tout à fait légitime. Le concept est néanmoins original en France  où l'on aime les étiquettes lisibles.

Pour résumer on peut dire qu'un huis clos rassemble une femme et trois hommes pour composer quatre tableaux dans un espace universel, sensuel, chaud et humide où ils vont s’apprendre, s’interroger, se déchirer, s’apprivoiser pour explorer leurs visages et leurs regards portés sur eux-mêmes.

On pourrait penser que la femme a convoqué les trois hommes. Il y a un règlement de comptes qui autorise de re-voir le passé sans aller jusqu'au bout, puisqu'on "passe toujours à autre chose". C'est l'histoire universel de toutes les femmes qui un jour se demandent pourquoi et comment elles ont pu aimer deux ou trois hommes un peu plus que les autres qui seraient passés dans leur vie et qui brutalement interrompraient le cours de leurs souvenirs d'un "ça suffit" un peu abrupt.

C'est un sujet pour le théâtre. Le texte est volé sur un autoportrait d'Edouard Levé, lui-même photographe aimant beaucoup la danse contemporaine, avec lequel Guesch Patti devait travailler depuis longtemps. Le suicide de cet homme a suspendu le projet. Et puis elle s'est autorisée à le reprendre.

Cette pièce est intrigante à plus d'un titre. Olivier Balazuc, comédien est convoqué comme danseur par Guesch Patti qui elle-même a été danseuse, chanteuse, faisant aussi la comédienne. Le croisement des genres marque décidément cette aventure.

Les deux autres danseurs, Jaime Flor et surtout Vincent Clavaguera (il a travaillé avec Olivier Py dans plusieurs de ses mises en scène d'opéra )sont des danseurs très confirmés, qui ne déméritent pas à jouer. On rentre dans la pièce sans chercher à discerner ce qui se danse et ce qui se joue, pour vivre des actions d'émotions et de violence, de paroles parfois douces, parfois fortes.

Le projet de ce spectacle est le fruit de toutes les identités de Guesch Patti. Elle y a mis la danse, le théâtre, l'amitié, l'amour des textes et d'un certain registre musical (on entend Gavin Bryars, Nine Inch Nail ...). On pourra voir sur scène son autoportrait en creux et je ne doute ni de sa sincérité ni de la quantité de travail pour aboutir à cette interprétation d'une femme à la dérive, si touchante.

Attente, concentration, les spectateurs vivent quelque chose de tendu et de retenu comme une porte qu'on aurait pas osé claquer. Gêne, pudeur, souvenir ...

J'oublie ce qui me déplait.

L'affirmation donne le signal d'une tension et d'une émotion. Le principe de plaisir guide plus ma vie que le principe de réalité. (...) Quand je vois quelque chose d'exceptionnel je pense pendant quelques instants qu'il s'agit d'une illusion.

Les costumes sont insolites, en particulier celui de la danseuse, en pull et jupe de laine. Soit !

Je ne suis pas davantage convaincue par le décor, ou plutôt le non-décor. D'un coté j'apprécie que le public soit dans une situation semblable à celle des comédiens qui répètent leur texte d'abord sur un plateau nu, cerné de murs lézardés, fissurés, donnant à voir sa tuyauterie et la porte du fonds, celle là même par laquelle on introduit les décors. Nous nous trouvons donc dans une sorte d'intimité avec la scène, mais cette manie d'employer le plateau dans une sorte de recherche extrême de simplicité et de dépouillement a ses limites. 

On se dit que ce coté brut de décoffrage est une forme de facilité apparente. Le son s'envole dans les cintres et la représentation est parfois difficile à suivre, surtout quand les niveaux ne sont pas parfaitement réglés. En outre, le fond de scène étant différent d'un théâtre à l'autre il pourra y avoir des surprises inopportunes. Quoiqu'il en soit celui de l'Atelier est assez esthétique, sorte de métaphore d'un lieu intemporel, inachevé qui s'accorde avec cet objet théâtral.

Je n'entrerai pas dans le questionnement de l'appartenance à un genre, la danse ou le théâtre. On peut  néanmoins se demander s'il est très raisonnable d'occuper plusieurs postures, celle d'interprète et celle de metteur en scène (ou chorégraphe). Il me semble que la position est inconfortable même pour quelqu'un qui a énormément appris de grandes chorégraphes comme Carolyn Carlson ou Pina Bausch.

Guesch Patti avait présenté Re-vue sous forme d'ébauche à la Ménagerie de verre et il faut rendre hommage à Didier Long, le nouveau directeur de l'Atelier d'avoir osé accueillir ce projet sans garantie de rentabilité. Guesch Patti a certes retravaillé l'ensemble. Elle consent à dire que c'est encore un Work in progress qui gagnerait peut-être à être remodelé encore. Qui oserait lui dire qu'elle a raison ?

Edouard Levé l'aurait sans doute encouragée dans ce sens, lui qui achevait le texte sur cette phrase ô combien lourde de sens : je cherche ma voie.
Re-Vue Guesch Patti
Les lundis 9 et 16 mars à 20h30
Au Théâtre de l'Atelier, ​1 place Dullin - 75018 Paris 18​​ - 01 46 06 49 24
Avec Olivier Balazuc, Vincent Clavaguera, Jaime Flor, Guesch Patti
D’après l'œuvre d'Edouard Levé, Autoportrait, et selon une conception de Guesch Patti
Dramaturgie Pier Lamandé
Assistanat chorégraphie Darrell Davis
Lumière Séverine Rième
Costumes Michel Ronvaux
A signaler qu'on peut toujours boire un verre ou même "casser une graine" au bar du premier étage à partir de 18 h 30. L'endroit s'appelle le Milk (Mum in her little kitchen)et est ouvert du mardi au dimanche avant chaque représentation.

La carte est sobre mais le patron s'accommode des diverses contraintes qu'on peut lui donner (comme celle d'être végétarien). Les produits sont frais et de saison pour composer des petites choses comme des cakes salés, des tartinades, des planches de charcuterie et de fromages fermiers et quelques desserts. 

Le tout est fait maison.
Réservation possible au 06 09 05 40 00 (et conseillée pour un groupe).


La Nuit du Livre

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Le cinéma a les Césars, le spectacle vivant les Molières. On le sait moins mais l'édition a la Nuit du Livre, une manifestation lancée par Elisabeth Chainet en 2003, reprise depuis par Jacques Taquoi, toujours dans l'objectif de donner aux fabricants la reconnaissance qu’ils méritent.

En effet, s'il existe de nombreux prix pour récompenser les auteurs, et quelques autres qui sont attribués à des imprimeurs, aucun ne soulignait encore la parfaite adéquation entre le fond et la forme d’un livre, en approchant l'objet et son édition comme un projet global. Aucun prix ne saluait le travail du fabricant.

Le terme de fabricant n'est pas familier au néophyte. On l'associe à l'imprimeur alors qu'il intervient bien en amont. C'est un personnage clé et son rôle est déterminant dans le processus éditorial puisque sans son travail, il n’y aurait matériellement pas de livre. C'est lui qui transforme un projet en réalité. Il achète le papier, peut suggérer des améliorations, connait les bons prestataires, règle les questions de budget et de délais ... Aussi compétent sur le plan technique (il fera tout de suite modifier un projet de 18 pages puisque ce n'est pas un multiple de 4) qu'humain il fait le lien avec le graphiste, le maquettiste et l'auteur dont il est l'alter ego pratique.


Une musique douce et dansante accueille les invités et les lauréats de cette 13 ème Edition qui s'est déroulée le lundi 2 mars 2015. Souhaitons que cet élément ordinal porte chance au monde de l'Edition et à tous les acteurs de la filière !

La cérémonie, animée par l’écrivain Denis Bretin aux côtés de Jacques Taquoi, avait lieu au cœur de la capitale et au centre historique du quartier des éditeurs, place de l'Odéon, dans la salle du Théâtre de l'Europe, dont l'écrivain est aussi le secrétaire général.

Il nous a rappelé que l'endroit était le plus vieux théâtre parisien après le Jeu de Paume, qu'il avait brûlé deux fois et qu'il possédait un plafond merveilleux peint par André Masson. Ce théâtre inauguré en 1782 en présence de Marie-Antoinette a changé plusieurs fois de nom, jusqu'à celui de Théâtre de l'Europe  depuis 1990 sous la direction de  Giorgio Strehler.

On y créa l'Arlésienne de Daudet sur une musique de Bizet. Sarah Bernhardt y a fait ses débuts. Il a vu des créations de Jean-Louis Barrault, de Beckett et de Sarraute. Il est dirigé par Luc Bondy depuis 2012 avec une programmation toujours résolument européenne. Il dispose d'une bibliothèque rassemblant un fonds théâtral étendu à toute l'Europe, en langue originale et en traduction française.

Ce soir, le Salon Roger Blin attenant au foyer, et les Studios Serreau et Gémier de l'étage supérieur  accueilleront les 400 livres reçus pour qu'ils puissent être feuilletés et appréciés. La terrasse sera ouverte pour l'occasion sur les toits de ce quartier autant emblématique du théâtre que de l'édition.

15 catégories seront primées ce soir et les trophées seront remis devant le décor d'Ivanov, au pied du rideau rigide imaginé par le grand décorateur Richard Peduzzi, sorte de mur de la désespérance auquel se heurtera le jeune docteur Tchekhov jusqu'au 3 mai prochain.

La remise des trophées s'est déroulée suivant un rythme assez dynamique pour une telle cérémonie, entrecoupée par la projection de deux films d'animation réalisés par les étudiants des Gobelins qui est premier centre de formation d'apprentis de France et d'étudiants en animation. Des journées portes ouvertes étaient organisées à la fin de la semaine. Un des objectifs de l'école à moyen terme sera d'embrasser l'ensemble des métiers de l'image y compris le digital publishing.

Jacques Taquoi a tout d'abord salué le travail de Sophie Cocheteau, une graphiste de 24 ans à qui l'on doit la nouvelle identité visuelle de cette treizième nuit. Egalement l'engagement de Laura Secheppet et de Marie Naudet qui sont , à longueur d'année, ses collaboratrices sur cet évènement.

C'est de manière originale que la soirée a débuté par une photo générale du jury, composé de 25 membres regroupant directeurs techniques, auteurs et personnalités. Car bien évidemment sans leur implication il n'y aurait pas de prix.
Ils s’étaient réunis le 20 janvier pour délibérer autour de la sélection en compétition constituée de plus de 400 ouvrages inscrits par les éditeurs eux-mêmes au concours. Les 4 "meilleurs" ont été retenus dans chaque catégorie après des discussions passionnées parce que le choix est rendu de plus en plus difficile car les ouvrages reçus sont très qualitatifs.

Les lauréats témoignent donc de la vitalité du savoir-faire du bel ouvrage, quand la forme sert le fonds et que le contenant s'accorde avec le contenu. Ce qui nous est donné à voir ce soir rend compte de  l'extrême créativité de ce domaine. Le numérique n'a pas détrôné le livre papier que l'on se réjouit de voir si vivant.

La BNF a enregistré 7% de plus de dépôts d'ouvrages que l'an dernier et c'est une bonne nouvelle.

Palmarès de la Treizième édition 
Prix Littérature
Histoire de l’oiseau qui avait perdu sa chanson aux Éditions Apeiron
Fabricants : Yves Chagnaud et Marie Brunet ; Auteurs : Bernard Blot et Martine Peucker-Braun
Remis par la société CPI France, imprimeur du Livre de Poche dans 17 usines européennes.

Ce livre est une sorte de leporello dont les lauréats ont déployé les presque 6 mètres pliés en accordéon. Martine Peucker-Braun est une artiste qui tisse, travaille la terre et créé des bijoux et qui articule l'aquarelle avec ce que la nature lui inspire. Si Bernard Blot à suivi le fil de la peintre il a écrit son histoire.  Yves Chagnaud, qui est  le directeur d'Apeiron a souligné ses choix pratiques : Je ne veux pas faire de livre d'artiste qui coûte cher.
Prix Livres de Poche
Les Piliers de la terre aux Éditions Librairie Générale Française
Fabricant : Michel Rousseau ; Auteur : Ken Follett
Remis par la société Stora, riche de 200 références en papier et carton.

La réalisation de ce livre était un défi technique car après la vente de 15 millions d'exemplaires dans le monde il fallait trouver les astuces de fabrication permettant de présenter un côté luxueux sans coûter trop cher. Ce collector imaginé pour le 25 ème anniversaire du texte de Ken Follet associe livre culte et fabrication exceptionnelle.

Sa présentation est l'occasion d'entendre un vocabulaire technique : pelliculage mat, vernis sélectif brillant, gaufrage, découpe, dorure des tranches ...

Prix Bandes dessinées et Mangas
Voyage vers l’Ouest aux Éditions Fei
Fabricante : Sylvie Chabroux ; Auteur : Wu Cheng’en
Prix bandes dessinées et mangas. 
Remis par la Société Barki Agency qui a réalisé aussi bien le Suicide français d'Eric Zemmour avec Albin Michel que la première impression de Merci pour ce moment, le livre choc de Valerie Trierwieler qui a été livré sous film opaque pour préserver le secret.

Voyage vers l'ouest se présente dans un coffret orange de 36 volumes avec un emboîtage magnifique contenant une carte. C'est une adaptation en lianhuanhua, qui est le terme désignant la technique de la bande dessinée traditionnelle chinoise, pour la première fois publiée en France. Le genre était très prisé par les communistes. L'Etat commandait des dessins aux plus grands artistes de l'époque. Le travail est très minutieux sur plus de 4000 pages. Il se lit malgré tout de gauche à droite.
Prix Albums Jeunesse
Paris s’envole aux Éditions Gautier-Languereau
Fabricante : Virginie Vassart-Cugini ; Auteur : Hélène Druvert

L'auteur, plus connue sous le nom de LN la chouette, signe son premier livre sous sa véritable identité. Elle avait déjà créé des cartes sur le thème de Paris grâce à sa maitrise de la technique du papier découpé au scalpel et laser. Sur cet ouvrage les ombres apparaissent sur les pages blanches comme on le devine sur la photographie du livre ouvert. On découvre un univers à la Tati qu'aurait apprécié Jacques Demy. D'ailleurs c'est LN la chouette qui a réalisé une scénographie de papier découpé pour la rétrospective du cinéaste à la cinémathèque avec un décor mural et une pièce montée de papier inspirée par Peau d'âne.

La difficulté pour Gautier Languereau a été de pouvoir mixer les effets avec les matériaux. Le carton noir nécessite des encres UV et la minutie des découpes est capitale tout autant que les différentes étapes de finition. 
Prix Livres Animés
Voyages et routes de légende aux Éditions Milan
Fabricante : Magali Martin ; Auteurs : Alexandre Verhille et Sarah Tavernier
Ce sont des chromistes et des relecteurs typo de chez IGS qui remirent le prix. 
L'éditeur toulousain propose aux enfants un livre qui les fera voyager sans quitter leur fauteuil. Les textes sont souvent cachés aussi sous les flaps, ce qui présente une rude épreuve pour la solidité à moyen terme. Est-ce vrai, est-ce une blague mais on prétend qu'il y a chez Milan une machine comme pour ouvrir et fermer les livres à l'instar de celle d'Ikea pour tester la robustesse de ses fauteuils.
Prix Beaux Livres
Les Monastères russes aux Éditions du Cherche midi
Fabricante : Brigitte Trichet ; Auteur : Charles Xelot
La remise du prix est l'occasion de parler du travail de Fot Imprimeurs autant réactif dans le domaine du catalogue que dans celui du livre qui reste le cœur de leur métier. Que ce soit en feuille ou en rotative les techniciens chercheront à restituer la qualité des visuels qui leur sont confiés.

Le jury a beaucoup hésité avec Yeux, un magnifique ouvrage des Editions du Pommier, avec un texte de Michel Serres.

Charles Xelot a restitué avec des photos très vivantes le rituel orthodoxe qui est très coloré. Il y a beaucoup de photos de moines et des photos liturgiques. L'auteur a fait aussi des séries sur les forêts qu'il qualifie d'église naturelles. Les monastères sont au cœur de la culture russe et peuvent être considérés comme intemporels. Le travail photographique est sublimé par les papiers Fedrigoni, papier tatami et choix d'encres spécifiques. Rarement un livre en quadrichromie aura été aussi beau.

Prix Livres d’Art
Samouraï. 1000 ans d’histoire du Japon aux Éditions du Château des ducs de Bretagne
Fabricant : Aurélien Armide ; Auteur : Pierre-François Souyri
Remis par la société Fedrigoni dont le nom est revenu plusieurs fois ce soir en raison de sa présence dans le domaine des livres d'art quand on a envie de garder le très beau ... Ce livre, qui n'est pas un catalogue d'exposition mais un livre de commande. Il est somptueux sur la forme et sur le texte écrit par un spécialiste docte de la question. La salle est invitée à écouter les podcasts de Pierre-François Souyri sur le Japon médiéval qui est une de ses spécialités sur le site de France Culture.

L'auteur revient sur des idées reçues sur le domaine des samouraï. L'impression numérique permet de se rapprocher de l'estampe. Le livre est cousu. On a employé le papier Stucco Old Mill de Fedrigoni, des papiers japonais Takeo très spécifiques et  Shin-Danshi typique des origamis.

Prix du Livre du Patrimoine
La Tenture de l’Apocalypse d’Angers aux Éditions du Patrimoine
Fabricante : Carine Merse ; Auteur : Catherine Leroi et Hoëlle Corvest
En référence à la loi Malraux sur le patrimoine c'est un diplôme de mérite qu'a reçu ce livre édité en techniques d'impression en relief, et braille pour les malvoyants. Jamais l'esprit de Malraux n'aura aussi bien représenté, lui qui définissait le passé comme un présent que nous fait l'avenir. 

L'auteur a fait ici le cinquième ouvrage de la collection Sans itinéraires. Il y avait beaucoup de contraintes particulières comme le fait de l'ouverture totale de l'ouvrage. On a cherché à affirmer l'essentiel. Nous déformons la réalité perçue pour favoriser la lecture tactile des images. On cherche aussi le plaisir tactile avec un papier japonais. Le toucher se donne à voir dans ce livre également dit au travers d'un CD qui permet une douzaine d'heures d'écoute.
Prix Livre Pratiques
La Scène aux Éditions Glénat
Fabricant : Alexis Barbotin ; Auteurs : Paul-Henry Bizon, Stéphanie Le Quellec et Benoît Linero
Le titre est totalement approprié pour ce livre de recettes de la jeune chef du Prince de Galles.
Prix Dictionnaires et Encyclopédies
Lexique des termes d’art aux Éditions Bibliomane
Fabricants : Édouard Boshi et Loraine Savary ; Auteur : Jules Adeline
Catégorie dictionnaires Encyclopédies.

Ce lexique est un fac-simile d'un ouvrage de 1500 gravures paru en 1895 pour lequel l'auteur a eu un vrai coup de foudre. L'idée a consisté à imprimer en deux couleurs de bleu marine et jaune canari.  Le but était de moderniser sans forcément sacrifier au goût du jour, mais avec l'objectif d'attirer de nouveaux lecteurs.
Prix Livres de Photographies
Panache aux Éditions In-finitum
Fabricant : Alain Fouray ; Auteur : Alain Fouray

Ce livre dont j'avais découvert les 35 photographies il y a quelques mois chez Deyrolles (cf compte-rendu de l'exposition qui lui fut consacrée) est un hommage aux oiseaux mais aussi aux contemplatifs. Bizarre mais toujours beau comme disait Baudelaire. L'idée est de montrer ce que on ne regarde pas au premier coup d'œil. Le trophée couronne une superbe aventure collective et familiale car son épouse Béatrice a travaillé sur la scénographie du livre et son fils Arthur en est le directeur artistique. Et fait unique ce soir l'auteur est aussi le fabricant, sans doute parce qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même ... avec tout de même le concours d'un grand papetier, Fedrigoni et d'un excellent imprimeur, Fot.

Prix de La Nuit du Livre
Les Cathares aux Éditions Larroque
Fabricant : Bernard Larroque ; Auteurs : Philippe Roy et Anaïs Rongoot
La Pérégrination vers l’Ouest aux Éditions d’Art Les Heures Claires
Fabricant : Daniel David ; Auteur : Fanfan Li

Le jury s'est unanimement mis d'accord sur deux ouvrages de création ne pouvant pas concourir dans aucune catégorie existante. Il a fallu sept années pour réaliser les enluminures du livre des Cathares à Cordes-sur-Ciel dans le Tarn. Quant aux Heures claires, cette maison fête ses soixante dix ans. Son lithographe s'est fait des cheveux blancs pour cette pérégrination dont chaque page, composée à la main lettre par lettre nécessite vingt à vingt cinq passages de couleurs. Rien d'étonnant à ce qu'il fallut un an et demi de travail.
Grand Prix du Jury
Il était une fois Peau d’Âne aux Éditions de La Martinière
Fabricante : Mélanie Baligand ; Auteurs : Rosalie Varda- Demy et Emmanuel Pierrat

Rosalie Varda- Demy a souligné combien ce livre est une aventure liée à son enfance bercée de visites de musées et à regarder des livres de peinture. On découvre à l'intérieur une alternance de papiers. L'ouvrage recense les paroles des chansons hors texte, encartées sur papier calque, les partitions ... tout ce que le film occupe dans le conscient et l'inconscient du lecteur. Plusieurs pages sont imprimées sur pelliculage argent. Un petit casse tête mais un grand plaisir nous a dit Mélanie Baligand.
Pour être complet il faudrait parler du trophée, imaginé dans l'atelier Vulkain par Bernard Lemoine à partir de ses collections de caractères en jouant avec les différentes teintes de bois. L’artiste expose ses créations aux puces de Vanves tous les samedis et dimanches matin
Et les lauréats sont repartis avec un monolithe protégé dans un petit pochon de tissu.

Tous les éditeurs, institutions et entreprises éditant des livres peuvent dès à présent s'inscrire pour l’édition 2016. Tous les membres de l’équipe éditoriale peuvent procéderà l’inscription en ligne. Il faudra parallèlement expédier l'ouvrage dès sa parution accompagné d’un fichier haute définition en mode CMJN du visuel de la couverture gravé sur un CD-R, à :

La Nuit du Livre®
43 rue Pierre Valette
92240 Malakoff

J'invite aussi tous ceux qui s'intéressent à l'édition et à la fabrication à s'inscrire à la newsletter qui fait le lien d'une année à l'autre à travers un quatre pages qui joue le rôle de tribune.

Je gage que l'an prochain les termes abscons de bouffant, rembordage, embossage, reliure de type bodonienne, jaquette, marquage à chaud et autre technique dseront d'ici là devenues familières.

Charlotte de David Foenkinos

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On en a tellement parlé que je ne me suis pas laissée de prime abord emporter par la vague d'enthousiasme. Le sujet, très grave, ne me tentait pas. Et j'ai, comme vous le savez, toujours un nombre de livres à lire plus grand que ce que mes yeux peuvent suivre.

Et puis j'ai rencontré David Foenkinos parler de sa "rencontre" avec Charlotte et j'ai succombé, moi aussi à ce roman qui retrace la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre morte à vingt-six ans alors qu'elle était enceinte.

Née le 16 avril 1917 à Berlin son enfance est marquée par plusieurs tragédies familiales. Avec la montée du nazisme, Charlotte sera exclue progressivement de toutes les sphères de la société allemande. Elle vit une passion amoureuse fondatrice avec Alfred qui est un poète et le professeur de chant de sa belle-mère, avant de devoir tout quitter pour se réfugier en France où son mariage avec Alexandre sera une parenthèse extrêmement joyeuse.

Exilée, elle entreprend la composition d'une œuvre picturale autobiographique d'une modernité fascinante. Se sachant en danger, elle confie ses dessins à son médecin, trois grandes valises, 1900 gouaches, en lui disant : "C'est toute ma vie." Elle sera assassinée à Auschwitz en 1943.

David Foenkinos compose une oeuvre magistrale, le portrait en creux d'une femme exceptionnelle, au destin tragique. C'est aussi le récit de son enquête et d'un envoutement puisqu'il confie que, depuis, il ne peut plus écrire sur rien.

Il n'empêche que le livre m'a déroutée. Je crois que je m'attendais à autre chose. A une biographie, certes imaginaire, mais un peu dans l'esprit de celle qu'il avait faite de Lennon, publiée chez Plon en 2010.

Car l'auteur revient à la ligne à chaque fin de phrase. J'ai accepté cette sorte de poème en prose probablement parce que sa manière de parler du sujet au cours d'une discussion du Premier Salon du Livre organisé par Lire c'est Libre dans la mairie du 7ème arrondissement m'avait parue sincère.

Il s'en explique lui-même (page 71) :

      "Pendant des années, j’ai pris des notes.
      J'ai parcouru son oeuvre sans cesse.
      J’ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans.
      J’ai tenté d’écrire ce livre tant de fois.
      Mais comment ?
      Devais-je être présent ?
      Devais-je romancer son histoire ?
      Quelle forme mon obsession devait-elle prendre ?
      Je commençais, j'essayais, puis j'abandonnais.
      Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
      Je me sentais à l'arrêt à chaque point.
      Impossible d'avancer.
      C'était une sensation physique, une oppression.
      J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer.
  

      Alors, j'ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi. "

David Foenkinos a obtenu pour ce livre deux prix littéraires. Le Renaudot. Et le Goncourt des Lycéens. Ce dernier est, nous a-t-il dit, le plus important à ses yeux. Il fut une surprise et un grand bonheur;

J'ai entendu beaucoup de compliments, beaucoup de critiques aussi. Ceux qui attendent une "vraie" biographie ne s'y retrouveront pas. Pas davantage que ceux qui auraient voulu une analyse picturale de son oeuvre. C'est à peine si on perçoit l'évocation de Van Gogh et de Chagall (p. 64) comme deux références. On saura juste que sa peinture est "un éclat de couleurs". Ne comptez pas trouver de reproduction.

Néanmoins, avec le succès du livre, la requête Google avec le nom de Charlotte Salomon est devenue riche de références et je peux inclure un diaporama de ses oeuvres dans cet article :
C'est bien le moins qu'on puisse faire après avoir refermé ce livre bouleversant, aller voir concrètement la peinture de cette jeune femme.

Revenons à son livre, j'attendais des descriptions, autre chose que des anecdotes, et que le récit de l'auteur qui s'apparente à un pèlerinage et qui s'immisce par à coups à l'intérieur d'une scène alors que nous sommes concrètement près de Charlotte. C'est parfois exaspérant.

Pourtant on ne peut pas dire que ce n'est pas intéressant. J'ignorais par exemple les Stolpersteine, des petites plaques dorées au sol, en hommage aux déportés. Devant l'immeuble où habita la famille Salomon, au 15, Wielandstrasse trois plaques ont été scellées en avril 2012. David y fait allusion page 42. par contre je ne suis pas sûre que son envie de monter dans l'appartement ne soit très utile au lecteur ...
Il mêle le présent et le passé qu'il réinvente dans un présent imaginaire, plausible, romancé, qui fait tourner la tête, expliquant (p. 69) comment il a découvert l'existence de Charlotte, par le plus grand des hasards.

C'est inouï de compter le nombre de personnes qui se sont suicidées dans la famille de Charlotte. Sa mère, dépressive, avait l'obsession de devenir un ange.

      Face aux incohérences maternelles, Charlotte est docile.
      Elle apprivoise sa mélancolie.
      Est-ce ainsi qu'on devient artiste ?
      En s'accoutumant à la folie des autres ? (p. 24)

C'est insensé, et pourtant exact, que la plupart des juifs n'ont pas voulu fuir l'Allemagne, comme le père de Charlotte, Albert, qui tenait à rester optimiste en se disant que la haine serait périssable (p. 55), rappelant la phrase de Billy Wilder : les pessimistes ont fini à Hollywood, et les optimistes à Auschwitz.

Charlotte a une chance incroyable de pouvoir intégrer l'Académie, sans doute que sa présence tait une forme de caution. Elle y dessine des natures mortes, des Stilleben, vie silencieuse en allemand. Elle obtiendra le premier prix de peinture (p. 108) mais ce sera Barbara, son amie aryenne qui sera officiellement lauréate.

On apprend peu de choses de sa manière de travailler. Son oeuvre aura été réalisée dans l'urgence. Elle avait à la fin très peu de papier, on la sent dans l'étau de la traque, la peur.

L'aisance des descriptions a posteriori, y compris de scènes qui se sont déroulées dans des lieux où l'auteur n'a pas eu accès est assez vertigineuse. A propos de la relation avec Alfred il écrit : Ils ne sont pas un couple. ils sont des moments d'ailleurs. (p. 110)

Tout semble vrai même si ce n'est pas Charlotte qui s'exprime dans le livre. David Foenkinos excelle dans l'art de la biographie comme si "on y était".

On sent David Foenkinos littéralement habité par cette histoire. Il est allé plusieurs fois à Villefranche-sur-mer où elle a habité et il y retournera tout l'été prochain. Il nous a parlé avec enthousiasme de la plaque qui va être apposée, de l'exposition qui sera organisée et qui va la faire revivre. Il va bientôt rencontrer la fille du milicien qui l'a dénoncée et qui a été bouleversée par le livre.

Quelqu'un lui a dit qu'il était une réincarnation d'Alfred. Cette idée semble lui convenir et il va jusqu'à dire qu'il se sent amoureux de Charlotte. Ajoutant (p. 139) : je voudrais connaitre tous ceux qui aiment Charlotte. Il n'emploie pas le passé mais le présent. On comprend que ses propos dérangent ...

Charlotte de David Foenkinos, chez Gallimard, août 2014

Chapeaux au masculin chez Crambes à Caussade (82)

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Vous devez vous souvenir que je vous ai fait visiter l'atelier de Willy's, spécialisé à Caussadedans le chapeau féminin.

Voici son pendant masculin, avec la société Crambes, qui demeure le principal  fabricant français de chapeaux et casquettes pour hommes. 

Je suis allée dans l'entreprise créée en 1946 par Auguste Crambes à Caussade en Tarn et Garonne (82) où on élabore toujours deux collections par an, printemps/été et automne/hiver.

J'ai compris les techniques de fabrication et sans pouvoir les reproduire moi-même avec une simple machine à coudre je regarde, depuis, les chapeaux d'un autre oeil. Quelle n'a pas été ma  surprise à mon retour de constater qu'il y avait un chapeau Crambes dans ma garde-robe, hérité sans doute de mon père, avec le noeud qui cache le raccord.
Le nom n'est connu qu'à l'intérieur de la profession. Alors que Borsalino comme Stetson ont réussi à associer leur nom à une forme particulière, un peu comme Frigidaire qui fut longtemps un terme pour désigner un réfrigérateur.

Pour Borsalino, c’est en 1857 que dans un modeste atelier Giuseppe Borsalino a conçu un chapeau dont le feutre est fabriqué en poils de lapin. Le modèle le plus emblématique sera le Fedora, porté pendant la Prohibition aux États-Unis, et qui deviendra le chapeau de gangsters par excellence.

Vous me suivez dans cette industrie ?



Pour faire un tel objet il faut d'abord du tissu. Il arrivait autrefois essentiellement du Sud-Ouest, précisément de Castres. Il en arrive encore de France mais aussi malheureusement de toute l'Europe et en particulier du Portugal.

Ce tissu est d'abord collé à froid sur un support de liège. Une machine permet l'encollage recto verso, prenant en quelque sorte le liège en sandwich entre deux couches de tissu. C'est dans cette matière que l'on découpera le bord du couvre-chef, lequel doit être plus ferme et résistant à l'eau.
Un ouvrier balade le pistolet à colle de gauche à droite au travers d'une fenêtre tandis que son collègue ajuste les rouleaux de matières de l'autre coté.
On emploie encore des emporte-pièces pour découper "en matelas" des morceaux identiques qui seront ultérieurement assemblés.
Les lames, auparavant en fer forgé, sont désormais en acier. Une presse assure la découpe. Le temps où l'on effectuait toutes les tailles est révolu. On se limite à 4 : S, M, L et XL que l'on appelle Petit, Moyen Grand et Extra Large.
Il est temps maintenant de coudre. Aujourd'hui c'est un tissu fourni par la maison Hermès, dans deux coloris différents, orange et gris et noir et gris. La maison donne un croquis et Crambes interprète pour donner vie au modèle qui est demandé. Les ouvrières travaillent par deux. On les désigne sous le nom de calotteuses. La calotte est toujours travaillée séparément du bord, lequel est plus épais comme on vient de le voir.
L'impression de tissu à jet d'encre permet d'acheter des tissus en petite quantité, 5 mètres par exemple, pour fabriquer quelques modèles seulement.
 
La surpiqure du bord exige beaucoup de savoir-faire. On a l'impression de voir des cercles concentriques mais la piqure est unique, s'effectuant en un unique cercle un peu à l'instar d'un microsillon en tirant constamment sur le tissu pour lui donner une forme plate, sans aucun pli.
Il faudra au total 20 à 30 opérations avant d'arriver au résultat final. Un voile de plastique et un morceau de mousse sera intercalé entre chaque pour protéger l'objet de la poussière et des salissures.
S'agissant de la paille elle est reçue sous forme de cloche. Cela fait très longtemps qu'on ne la coud plus ici. Elle arrive de Chine, parfois du Vietnam. C'est le palmier toquila qui sert à faire des modèles qu'on appelle Panama.
On remarque une différence de gamme entre celui qui est tressé à la main en Equateur (il est d'ailleurs estampillé Ecuador) et les autres, beaucoup plus fins qui proviennent de Colombie. C'est frappant lorsqu'ils sont cote à cote.
On moule et on termine la paille, comme on le fera avec le feutre de laine ou de poils de bêtes (c'est alors un feutre véritable). Des dizaines de cloches attendent leur passage en machine sur des formes en fonte d'aluminium chauffées au gaz. C'est l'air comprimé qui vient plaquer le chapeau contre la forme.
Les casquettes sont fabriquées selon le même principe du formage, mais en suivant une technologie qui est propre à la Société Crambes. Cet objet revient en force. Et ce ne sont pas les prestations de Lilian Renaud dans The Voice qui vont contredire cette mode heureuse.
J'ai vu en avant-première la collection hiver 2014-2016. Les tissus expriment un vrai changement en terme de couleurs. Et les casquettes représentent la moitié de la production.
Thierry Fresquet, le PDG de la Société, a une jolie formule : le chapeau est un parapluie qui laisse les mains libres. C'est aussi vrai de la casquette.
Il se souvient de beaucoup d'anecdotes. Ainsi, au cours de son premier séjour à New York il remarque dans la rue une forme de chapeau très populaire, en coton, dont il achète un exemplaire. De retour à Caussade il demande à son fabricant de fonte de lui faire une forme identique. Ce modèle dit Safari a été vendu par millier en feutre et en coton.
Ce sont 100 à 120 000 unités qui sont fabriquées ici chaque année par une soixantaine d'employés. 8 commerciaux sur la France et 9 agents sur l’export vers l'Espagne, Italie, Allemagne, Autriche, Suisse, Belgique, Pays bas, Angleterre, ainsi qu’en Corée au Japon, aux Etats unis et au Chili.

Ils assurent le développement et rencontrent quotidiennement les chapeliers. On m'a raconté qu'on leur prêtait autrefois un chapeau pour qu'ils ne soient pas ridicules au cours de leurs démarches. Une pancarte atteste de la coutume à l'entrée du show-room.

La formation dans le métier n'existe plus et pourtant le marché existe toujours bel et bien. Il demeure important mais le prix fait souffrir la fabrication française. Un chapeau se vend dans une chapellerie du Sud-Ouest entre 60 et 120 euros, 150 à 200 pour un feutre de poils. On est loin des prix affichés par les marques de luxe évidemment. Allez voir chez Hermès et comparez !
Crambes a été créée il y aura bientôt 70 ans, en 1946 par Auguste Crambes, le grand-père du PDG actuel. Cet ouvrier paysan de la Haute Vallée de l'Aude spécialisée dans le feutre de laine était arrivé ici pour y acheter du matériel d'occasion.

Son idée de départ était de s'installer en chambre à Toulouse. On lui proposa les machines à coudre, les presses à former, en lui permettant d'acheter la matière première au fur et à mesure de ses besoins. Il a eu une fille, la mère de Thierry Fresquet dont le mari est devenu chapelier par alliance et par choix.

Le petit-fils a réussi à maintenir le niveau de qualité. Crambes est réputée pour la qualité de sa fabrication et est naturellement labellisée "Entreprise du patrimoine vivant". De grandes marques comme des créateurs émergents lui confient la réalisation de modèles haut de gamme. Elle est capable de réaliser la création, la conception le patronage et la gradation de tous types de chapeaux et casquettes.

Chapeaux de Caussade - Chapellerie Crambes - http://www.crambes-hats.com
42, Avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny
82300 Caussade
Téléphone : 05 63 65 07 07 ou 05 63 65 09 72
Fax : 05 63 65 07 10

Face Nord par la Compagnie un Loup pour l'homme

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Les spectateurs prennent place sur les gradins autour des tatamis couleur de prairie. Pour moi qui connais la Compagnie un Loup pour l'homme je salive d'avance aux prouesses que j'anticipe. D'autres spectateurs s'étonnent de la superficie de l'espace d'évolution. Tu crois qu'ils vont tout occuper ?

De cela je suis sûre. Les deux premiers acrobates entrent en scène, je pourrais dire sur le ring. Leur regard est acéré. Ils se saluent comme des chiens fous et se donnent des accolades bruyantes.

La voix de Kathleen Ferier surprend. Le Kindertotenlieder de Mahler fait entrer dans une autre dimension. 

Tout au long de leur spectacle on sera constamment secoué. Émotionnellement. Ces quatre là sont époustouflants. Même pour les spectateurs qui les ont déjà applaudi. Leur précédent spectacle, Appris par corps s'était achevé il y a six ans sur une partie mémorable de pierre-feuille-ciseaux qui inscrivait déjà leur travail dans les jeux des cours d'école.

Face Nord va plus loin encore. Point n'est besoin de connaitre ou d'avoir soi-même joué à saute-mouton, chat perché ou glacé, colin-maillard pour apprécier les tableaux qui s'enchainent en tuilage.

Qu'ils soient deux ou quatre à se défier le plaisir et les sensations fortes sont là dans une forme de combativité positive. Leur cheminement est un parcours d'obstacles, fait de jeux acrobatiques surprenants et ludiques dont ils inventent sans cesse les règles. Marcher, courir, sauter, attraper, grimper, grimper encore, avancer toujours... en repoussant les limites.

C'est simple ils iront toujours plus haut, plus loin, comme ces enfants qui sautent les marches d'un escalier en ajoutant une de plus à chaque fois dans une compétition amicale mise en scène par Pierre Déaux. Mais quand les enfants sont arrêtés par la peur ces quatre là ne renoncent que lorsque l'un d'entre eux est tombé.

Du coup aucune soirée ne ressemble à une autre. "Savoir que l'on va perdre n'empêche pas de lutter", nous disent ces quatre acrobates qui se mettent avec obstination à l'épreuve et relèvent avec plaisir les défis, nous emmenant en même temps que leurs corps aux limites de leur réalité physiologique et des lois de la physique.

Frédéric Arsenault, Alexandre Fray, Mika Lafforgue et Pierre Glottin flirtent avec le danger. Mais ils savent aussi prendre un peu de repos, sans pourtant relâcher leur attention que ce soit en suivant une ligne imaginaire ou en évitant des obstacles tout autant imaginaires comme seuls les enfants savent si bien le faire. Que ce soit encore à l'occasion d'un jeu de colin maillard qui ne s'achève que lorsque le loup a attrapé les trois moutons. Les spectateurs ne les perdent jamais des yeux parce qu'à tout moment un nouveau jeu peut se déployer.

La Danse Allemande de Schubert résonne après plusieurs enchainements de sauts. La musique intervient en appui comme pour souligner telle ou telle séquence. Parfois elle la précède (voir la liste en fin d 'article)

Ils réinventent la main chaude en mobilisant la totalité de leur corps. C'est à une véritable architecture chorégraphique que nous sommes invités à assister. On se souviendra longtemps de leur arche humaine, réitérée elle aussi jusqu'à ce que chute s'ensuive.
Tantôt partenaires, tantôt adversaires, les quatre protagonistes jouent et s’affrontent dans une partie où le seul but est de ne pas perdre. Bâtisseurs de formes en mouvements, ils poussent, tirent, et finissent par donner naissance à d’incroyables architectures vivantes : voûtes, arcs-boutants, ponts, colonnes de chair et de muscles qui s’érigent sous nos yeux.
Leurs corps sont de véritables chewing-gums jusqu'au final où se déploie une roue dans un mouvement qui semble perpétuel.
Tout est souple et beau. C'est un des spectacles les plus magistraux que j'ai vu à l'Espace Cirque et je recommande de ne pas le louper.
Face Nord jusqu'au 29 mars à l'Espace Cirque d'Antony
Rue Georges Suant – 92160 Antony
Les vendredis 13, 20 et 27 mars, et les samedis 14 et 28 mars à 20 heures
Le samedi 21 mars à 19 heures
Les dimanches 15 et 29 à 16 heures
Et le dimanche 22 à 18 heures

Puis les 14, 16, 17, 19 avril 2015 à l'Académie Fratellini - La Plaine Saint-Denis
et les 22 et 23 avril 2015 Aux Trois T - Chatellerault

De plus les 3, 5 avril 2015 Appris par Corps sera joué à l'Académie Fratellini - La Plaine Saint-Denis

Références musicales de Face Nord

SCHUBERT : Der Tod und das Mädchen op 7/3 D 531, Deutsche Grammophon 2min
        Christina Ludwig et Irwin Gage, ref 431 476-2
SCHUBERT : Danse Allemande D783, Alfred Brendel, 1min47sec, ref 422 229-2

SCHUBERT : Der Gondelfahrer D.809, EMI, 3min, Choeur et Piano : Wolfgang Sawallisch, ref 724348308825

MAHLER, Kindertotenlieder, DECCA, 4min50sec,  Kathleen Ferrier, Otto Klemperer, ref 425 995-2

SCARLATTI, Sonate en ré mineur K. 141, MIRARE, 2min53sec, Pierre Hantaï, MIR 9918

SCHUMANN Robert, Der Traum op 146 n°3, FNAC MUSIC, 1min37
Choeur Accentus - L. Equilbey  592293

Boesman et Lena

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Boesman et Léna est un de ces spectacles dont on se souvient longtemps. On en parle encore peu ... Même s'il a été créé en mai 2014 au festival de théâtre des Abymes en Guadeloupe et repris ensuite en Avignon dans le Off, ce n'est ce soir que la deuxième représentation en région parisienne, au Théâtre de la Tempête.

Le metteur en scène, Philippe Adrien, est d'ailleurs tout près de ses comédiens, au premier rang, comme pour veiller sur eux.

Et quels comédiens ! Christian Julien est Boesman, Nathalie Vairac Léna et Tadié Tuéné, Outa. très justes tous les trois.

On retiendra malgré tout forcément Nathalie Vairac parce que son personnage occupe la scène du début à la fin. Elle porte toute la détermination dont sont capables les femmes africaines, ne perdant jamais espoir. Léna incarne la force et le courage tout en acceptant la domination masculine, allant presque jusqu'à exhiber ses hématomes comme un guerrier le ferait de ses blessures en revenant d'un combat.

C'est en rencontrant une femme comme Léna sur une route qu'Athol Fugard, homme de théâtre sud-africain, blanc, né en 1932, a eu l'idée d'écrire la pièce, pour témoigner de quelque chose qui relève du malheur absolu :
Un petit coup de pouce, et nous voilà sans travail. Un petit coup de pouce, et nous voilà en prison.Un petit coup de pouce et nous voilà en morceaux.Tu veux que je te dise pourquoi ?C’est parce qu’on est les détritus des Blancs.Ils les jettent, mais nous on les ramasse. On les porte ; on dort dedans. On les mange. Maintenant, on est devenus des détritus. C’est des gens, leurs détritus.
Philippe Adrien s'est saisi de ce texte en expliquant qu'il a ressenti l'appel des personnages. L’apartheid dans les années 60 a été source de cruautés insensées et bien des protagonistes se sont retrouvés comme Boesman et Léna en position de bourreaux et de victimes.

L'arrivée du vieux Bantou Outa, qualifié de nègre par les Hottentots, témoigne de ce mouvement de balancier, comme s'il y avait une hiérarchie implicite dans la condition humaine. De la même façon que l'homme estime légitime d'opprimer la femme. La guerre est partout aussi où on ne l'attend pas.

La scénographie et les costumes semblent plus vrais que vrais, faisant oublier que l'on est au théâtre.

La mise en scène évoque bien entendu Brecht et Beckett. On a tous entendu parler de l'apartheid mais on ne l'avait peut-être jamais encore vu d'aussi près, au plus intime de ce qu'ont vécu des gens aussi simples que Léna, constamment renvoyés à un monde de boue par le boss et son bulldozer. On en ressort indigné.

Boesman et Léna de Athol Fugard
mise en scène Philippe Adrien
texte français Isabelle Famchon
Au Théâtre de la Tempête, Salle Copi,
du 13 mars au 12 avril, du mardi au samedi à 20h30
le dimanche à 16h30 (durée 1h10)
Horaire exceptionnel le dimanche 15 mars pour permettre de voir ensuite Tête d'or à 16h30

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont © photo A. Bozzi

Troisième Journée Marmiton

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Il y eut une première journée, chaleureuse, un peu désordonnée mais passionnante. Je me souviens notamment d'un atelier photo ou j'ai appris de nouvelles techniques. L'année suivante les organisateurs avaient vu trop large en louant la Citė de la Mode. Ils ne pouvaient pas prévoir qu'une grève des transports allait dissuader bon nombre de visiteurs de venir. Toujours est-il que les ateliers étaient très variés, les intervenants réellement intéressants. Ce fut une belle journée.

Forcément, personne ne doutait que la troisième édition serait d'un niveau encore supérieur. Nous avons déchanté brutalement. Dès 11 heures la file d'attente dépassait une heure trente. L'endroit avait été vu trop juste. L’Espace Pierre Cardin n'est pas immense. Il fallait attendre que les premiers partent pour que d'autres entrent. On avait froid. On s'ennuyait. On croisait des personnes déçues parce que c'était trop bruyant, bondé et que l'on ne voyait rien des démonstrations ...

Pling ! ... Trop drôle : un SMS arrive sur mon portable me rappelant qu'on nous attend nombreux ! Tu m'étonnes !!!! Oh la boulette ! Ce n'est même pas moi qui le dis, mais Marmiton qui avait prévu un atelier (prémonitoire) sur ce thème. Il n'empêche que Anne Demay de Panier de Saison n'a pas démérité. J'en ai gouté une, je ne sais pas par quel miracle, et c'était super bon.

Quand l'heure est enfin venue d'entrer dans la salle j'ai été saisie par le brouhaha et par la cohue. Si je n'avais pas quelque estime pour Christian Duhamel je serais repartie illico sans songer à amortir les 5 euros de droit d'entrée.

Il y avait sans doute des découvertes à faire mais il fallait se faufiler et arriver au bon moment près des tables. Adel, le candidat de Top chef était en pause cigarette, je tâcherai de revenir plus tard. Les stands étaient pris d'assaut. Donnant envie de sortir. Il faisait frais, quasi froid dehors. L'atelier smoomthie ce sera pour l'après- midi, si je suis encore là.

Un seul endroit était vide, la cuisine reconstituée à l'envers. On peut s'y amuser le temps d'une photo mais cela ne meuble pas une journée.

Une bouchée de sandwich du monde conviendra pour calmer la faim du déjeuner. J'avais tort de craindre d'engranger des calories traîtresses. Je suis rentrée at home la faim au ventre.
On peut quand même remercier Laetitia et Claire qui n'ont pas arrêté de rouler des tortillas et de les partager.

Ici c'est un mélange d'ananas, chèvre frais, mangue et coriandre.
Valérie Ramiand du blog La Francesa aux fourneaux a fait une démonstration de burritos végétariens en nos rappelant que ces galettes garnies constituent au Mexique un plat consistant. On les achète roulés dans du papier d'alu pour pouvoir les manger très chauds dans les camions.

La chaine Chipotle commence à s'implanter à Paris notamment sur les Grands Boulevards et dans le quartier de grenelle. Si Valérie condamne l'emploi de l'alu qui est dramatiquement polluant, elle approuve ce type de nourriture qui est équilibré. l'absence de protéines animales est compensé par l'emploi de céréales (le pain) et de légumineuses (haricots rouges).
Elle a préparé un guacamole (prononcer guacamolé) avec chair d'avocat, jus de citron vert, sel et huile d'olive, dont elle tartine la tortilla.
Dessus elle ajoute quelques rondelles de tomates, du maïs doux, des haricots rouges, du cumin (pour donner une saveur de type chili), beaucoup de coriandre pour sa tige citronnée et riche en fer, et de l'oignon rouge qu'elle conseille de faire tremper dans l'eau glacée si on veut en atténuer le coté piquant tout en gardant sa croustillance.
Ensuite elle roule très serré en piquant des bâtonnets de bois pour maintenir le rouleau. On peut réchauffer les galettes entre deux assiettes au-dessus d'une eau bouillante. Si au Mexique on prend une grande galette aujourd'hui elle n'avait que des petites à sa disposition.
Après le Mexique, la Suède avec Anna du site http://annikapanika.com pour une découverte intitulée Koka... à la suédoise qu'elle a proposé avec son amie et complice Birgit de cookingout qui a fait un gâteau de la couronneà la pomme de terre et aux amandes particulièrement délicieux m'a-t-on dit.

Anna a préparé des Dill sill fil avec sérieux et humour, si bien qu'on a autant appris sur son pays d'origine que sur les habitudes culinaires des habitants.

Stockholm signifie étymologiquement ile des bateaux, en réalité un archipel. C'est à ses yeux la plus belle ville du monde. Elle nous a rappelé que c'est un pays aussi grand que la France pour une population égale à celle de Paris. Qu'en raison du climat il y a peu de légumes, en tout cas en terme de variétés parce qu'on n'y manque pas de pommes de terre. A tel point que là-bas on ne dit pas je mets la table mais je mets les patates en route pour inviter la maisonnée à se préparer à manger.

N'allez pas croire qu'on s'y goinfre. En Suède, on mange pour vivre et pas l'inverse. les mamans recommandent à leurs enfants de beurrer le pain Wasa du coté opposé à celui qui a des trous car ce serait trop. On mange beaucoup de fromages mais ils sont tous faits avec du lait pasteurisé. beaucoup de glaces aussi, même en hiver.

et on consomme énormément d'épices : gingembre, cardamome  safran (comme dans la brioche de la sainte Lucie), girofle et cannelle. Pour caricaturer ce qui est salé est servi avec de l'aneth et ce qui est sucré avec des airelles.

Les légumes poussent bien, mais l'été est si bref ... On y achète certains légumes à l'unité, comme l'endive, ce qui fait dire à Anna qu'ici on est "pourri gâté".

On s'y régale de fruits, surtout des baies, comme les fraises des bois, ou la framboise arctique qui est jaune orangée (et qui doit être cuite). Anna se souvient, enfant, avoir cueilli ces fruits en les enfilant sur une paille comme le font tous les petits suédois.

Il y a  énormément de champignons et de pommes. Les concombres, eux, viennent des Pays-Bas. On en mange la peau, comme celle des pommes de terre, en toute logique dans un endroit où les légumes sont une denrée précieuse.

Elle a ponctué la réalisation de sa recette de petites blagues concernant les voisins norvégiens, dont les suédois se moquent comme nous des belges. Ceci étant la recette avançait ... avec comme ingrédients : Ingrédients:

1 pot de hareng marinés à la moutarde
2 Krisprolls
2 c à soupe de mascarpone
1 c à soupe de moutarde de Meaux
10 dl de filmjölk ou lait Ribot ou meme du Fjord (mais attention il n'y a pas de fjords sur les cotes suédoises, et pour cause !)
1g d’agar agar (pas nécessaire avec le Fjord)
1 petit concombre
1 petite betterave
quelques branches d’aneth
On sort les morceaux de harengs du pot et on les coupe en petits morceaux tout en gardant la sauce. Si on utilise autre chose que du Fjord, on fait chauffer la sauce du pot de hareng avec l’agar agar et on réserve.

On mélange le filmjölk ou le Fjord avec la mascarpone, la moutarde (et la sauce à l’agar agar).

On émiette les krisprolls et on les répartit dans les verrines. On ajoute les morceaux de hareng puis la crème. (On met au frais pendant 30 min si on a utilisé l’agar agar).

On coupe en tout petits cubes les betteraves et les concombres que l'on répartit dans les verrines avant d'ajoute quelques brins d’aneth lavés.
Tout au long de la journée, Lesieur et sa Cuisine POP’ulaire formaient des Duos du quotidien,  inattendus, dans le but de surprendre et vous régaler. Une excellente idée sauf que les inscriptions étaient blindées jusqu'à point d'heure. Dommage, j'aurais eu une idée pour employer les nouveautés, pas parce qu'elles sont empilables mais parce que l'huile de sésame est une vraie tentation.
J'aurais volontiers tenté le moelleux à l’huile d’olive, le cake banane et huile de noisette, le pain d’épices caramélisé à la clémentine, l'oeuf poché piperade express et crème de camembert, le duo de chorizo et croûtons, le samossa de volaille à la coriandre sauce relevée et citrons confits, j'en passe et des meilleurs ...
Que dire de plus ? Le vrai plaisir à consisté à revoir des têtes connues, à tailler la bavette comme on dit mais ce n'est pas le but premier d'une telle journée. L'atelier d'Anna m'a donné envie de partir en Suède.

Cette journée ne restera pas dans les mémoires. On est reparti avec le sac de toile rempli par un numéro de Marmiton, ancien bien sûr. Beaucoup d'entre nous l'avaient déjà... Pas sûr que je vais avoir envie de revenir l'année prochaine.

Une BD à 1 euro ...

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Voilà un bon plan en ces temps de morosité.

Les 3 et 4 avril 2015, pour 1 euro, vous pouvez acheter une BD et faire une B.A.  

Pendant 48h, douze éditeurs mettent à disposition 216 000 BD à 1 euro.

Le principe est simple : vous donnez 1 euro à votre libraire, il vous propose une BD au choix parmi les 12 albums participant à l’opération et les éditeurs partenaires, avec Ludic et l’ABF, offrent 50.000 BD à des écoles, collèges, lycées et des bibliothèques.

Je n'ai pas encore choisi le mien ... Peut-être cette Alerte aux Zorkons ...
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