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Prochaine inauguration du Mémorial de Falaise

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J'ai visité avec une cohorte de journalistes les coulisses du Mémorial de Falaise, dédié aux Civils dans la Guerre dont l'ouverture officielle aura lieu le 9 mai prochain.

Dédié aux victimes civiles des guerres son emblème est un grand C et ce musée est assez particulier, pour autant que j'ai pu en juger car il restait beaucoup d'installations à terminer, en toute logique.

Plus tard dans la journée j'ai effectué un pas en arrière dans l'Histoire avec le château de Guillaume le Conquérant, qui fut roi d'Angleterre ... mais qui fera l'objet d'un autre article.

Cet imposant édifice ne risque pas de passer inaperçu car il est visible depuis le Memorial, en particulier lorsqu'on sort sur la terrasse, ce qui permet d'en faire des photos inédites jusqu'à présent.
Même empoussiéré et bâché, le Mémorial dégage, à 12 jours de son ouverture officielle, une émotion tout à fait palpable et suscite abondance de questions. Le "chantier" grouille de partout. On positionne dans le hall les vitrophanies qui mettront le public dans l'ambiance. Je peux lire cette phrase de Fénelon qui rappelle le tribu des populations : toutes les guerres sont civiles.
La tranche d'histoire évoquée est suffisamment récente pour que chacun d'entre nous en ait une connaissance familiale mais paradoxalement suffisamment ancienne (la Seconde Guerre Mondiale s'est achevée il y a soixante-dix ans) pour que très peu de témoins puissent encore s'exprimer.
Toutes les réponses ne seront pas données. Une part de mystère subsistera ...
 
Le Mémorial est situé en face de l'Office de tourisme, juste à coté de la Mairie, sur le bord de cette place où se dresse la statue triomphante de Guillaume le Conquérant, dans ce qu'on appelle "un bâtiment de la reconstruction" datant donc des années 50-60. Ce fut un Tribunal avant d'abriter des services administratifs.
Sur la droite, dans une sorte de vitrine surélevée on découvre une Simca 5 chargée à bloc, à l'instar de celles qui ont permis de fuir ...  C'est une automobile franco-italienne conçue par Fiat et produite de 1936 à 1949 qui a été achetée par le Mémorial de Caen en 2013. Cet objet symbolique sera sans doute photographié et circulera comme un symbole dans le monde entier. Il ne faudrait pas croire que l'exode a été facile.

Ma mère m'a raconté qu'elle avait quitté la maison avec une bicyclette trop grande pour elle. On avait sanglé des cales de bois aux pédales pour que ses jambes puissent actionner les roues. Elle a roulé plus de 300 kilomètres pour échapper aux bombardements. Ses parents ont fait le trajet en carriole tirée par un cheval. On verra à l'étage des photographies d'époque montrant les routes investies par les civils en déroute. Et je serai émue d'y découvrir celle d'une jeune fille endormie au pied de son vélo.



La Seconde Guerre mondiale a tué plus de civils que de militaires
Eric Macé, maire de la ville et premier Vice-président à la Communauté de Communes du Pays de Falaise rappelle que l'objectif n'était pas de créer un musée de plus. Le projet a été porté par les collectivités locales du territoire de Falaise parce que cette ville figure parmi les villes normandes très durement éprouvées par les bombardements de l’été 1944 : dans les décombres fumants de Falaise détruite à 80%, morts et blessés se comptent alors par centaines.

Son nom reste également attaché à l’épisode militaire décisif d’août 1944 qui voit les troupes allemandes prises en étau dans la fameuse poche de Falaise-Chambois. La Libération ne se résume pas au débarquement des Américains.

La Bataille de Normandie a continué pendant les cent jours qui suivirent le Débarquement allié. Elle opposa deux millions de soldats au milieu desquels tentaient de survivre un million de civils.

Pendant ces trois mois interminables, pas moins de 150 000 Normands furent contraints de quitter leurs habitations à cause des combats et on estime que près de 20 000 d’entre eux y ont trouvé la mort.

Il est important de comprendre qu'à l'inverse de la Première Guerre mondiale la seconde a tué plus de civils que de militaires. 35 millions de civils ont perdu la vie dont 15 millions de Chinois (tués par les Japonais), 8 millions de Russes, plus de 5 millions de Polonais et 3 millions d'Allemands. Les chiffres sont terrifiants, mais rigoureusement exacts. Apprendre qu'il y a eu beaucoup plus de tués à l'Est de l'Europe est une révélation pour plusieurs d'entre nous. Le nombre de blessés et estropiés est estimé à 100 millions de personnes supplémentaires.

Une démarche avant tout pédagogique
Il s'agit comme le dit Stéphane Grimaldi, d'ouvrir des fenêtres, en d'autres termes de faire réfléchir. La scénographie a été conçue pour que l'endroit permette d'abord l'apprentissage d'une histoire avant d'être un lieu de mémoire. D'autant que les témoignages peuvent être conflictuels, y compris au sein d'une même famille.

Il avait lui-même 20 ans en 1944 et a travaillé dans des équipes d'urgence. Et il semble particulièrement impliqué dans la démarche.

Le témoin n'est pas un historien. Il faut apprendre aux visiteurs et au public scolaire (à partir du CM1) à critiquer. La tâche est devenue plus difficile à mettre en oeuvre puisque l'Education nationale a supprimé les postes des 4 ou 5 enseignants détachés pour cette mission, mais elle sera pilotée par les équipes du Mémorial de Caen qui ont un grand savoir-faire en la matière.

Stéphane Grimaldi, nous a entrainés dans une visite particulière en sollicitant notre imagination devant des vitrines qui n'étaient pas encore finalisées. En tant que directeur du Mémorial de Caen, il connait le sujet par coeur et l'écouter est passionnant. Il est un des acteurs de la création de celui de Falaise et a résumé toute la réflexion qui a précédé le projet qui sera exploité par le Mémorial de caen, par délégation de service public accordé pour une période de 7 ans.

On s'est d'abord interrogé sur la faisabilité d'installer un mémorial dans un ancien tribunal.

Les civils et l'occupation
Le parcours commencera par le 2ème étage pour présenter la spécificité de la France occupée, à la fois du fait de la pesante administration militaire allemande mais aussi de la présence de ce qu'on désigne sous le terme de "Etat français".

Le public y est invité à comprendre ce qu'était la vie quotidienne, sous la répression et l'ampleur des persécutions, principalement des populations juives et comment a fonctionné la propagande.
Malgré les privations, les violences et les tragédies, les populations civiles continuent à vivre. Mais la durée du conflit, la diversité des statuts en Europe occupée et la différence de traitement des populations selon leur identité ou appartenance vont générer une multitude de situations particulières.

Chaque panneau d'information, chaque cartel est lisible en français, en anglais et en allemand. La figure de l'occupant est clairement représentée. On remarque le portrait d'Hitler derrière la cloison métallique qui, métaphoriquement illustre la pesante administration militaire allemande, renforcée par la présence de l'"Etat français".

Il faut avoir conscience qu'Hitler avait pour principal objectif de piller la France et sa réserve en or.

C'est Dominique Paolini (ci-dessous à droite) qui a oeuvré à la scénographie des trois plateaux de 800 m2. Au bout de 23 mois, ce qui est un temps record, le résultat devrait être à la hauteur des objectifs pour ce qu'on peut juger à l'heure actuelle.
L'administration de la zone occupée est placée sous le commandement militaire allemand, le Militärbefehlhaber in Frankreich, qui agit comme un gouverneur militaire. S'y ajoutent la Felfgendarmerie, la police de sûreté du III° reich (ou Sipo) et les services de sécurité de la SS et du SD, souvent appelées "Gestapo" par la population, et enfin le personnel des services de l'ambassade du Reich à Paris. L'ensemble compte environ 140 000 femmes et hommes allemands pour une population française de 40 millions d'individus.
Et on expliquera comment la vie s'organisait entre civils et militaires.
Dans chaque salle des tables lumineuses seront opérationnelles pour apprendre comment le conflit s'est déroulé ailleurs.

Des écrans feront parler des témoins, survivants de la bataille. Car elle ne s'est pas terminée le jour de la libération. C'est Pascal Vannier, ancien journaliste de France 3 qui a recueilli les témoignages. Ils sont pour le moment 45 mais la tâche sera poursuivie, avec naturel, sans héroïsme ou emphase.
L'école de Vichy renvoie à la question de notre propre jeunesse et de ce qu'on lui enseignait en juin 1940 dès lors que la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" a été remplacée par "Travail, Famille, Patrie". La chanson Maréchal nous voilà, recopiée à la craie sur un immense tableau noir témoigne de ce moment là.
Puis en 1942, avec l'instauration du STO (Service du travail Obligatoire), on comprendra pourquoi Hitler a recours à cette main d'oeuvre française, forcée ... ou pas. L'ancien couloir du Tribunal explique comment la répression s'organise. 75 000 juifs français sont livrés aux allemand. 2 000 seulement reviendront.
Les hommes partent ... la vie sociale s'organise sans. Cela peut surprendre mais le cinéma continue de produire des films majeurs comme par exemple Le Corbeau, et on peut s'étonner qu'il n'ait pas été censuré. Les projections sont alors précédées par des films dits d'actualité qui entretiennent la propagande pour Vichy et l'occupant.
Une des formes de résistance consistait à siffler l'image de Pétain, si bien qu'à partir de 1942 les actualités sont projetées dans une salle encore éclairée de manière à repérer les fauteurs de trouble.

Les salles de cinéma ont aussi une fonction sociale : on y va pour avoir chaud.
On voit aussi quelle fut la vie quotidienne des populations, l'importance de la radio (on écoute Radio Londres), les conseils d'économie ménagère, les tickets de rationnement ...
On jette un oeil sur la forteresse du château avant de descendre au 1er étage.
Les salles du premier étage sont consacrées au sort des civils normands à la Libération, leurs souffrances et leur exode durant les bombardements, leur rude retour à la vie après-guerre et les difficultés de la Reconstruction.
Peut-on imaginer 8 à 9 millions de personnes sur les routes dans des conditions épouvantables ? Beaucoup mourront. Un second exode se superpose au premier, avec les allemands fuyant les polonais et les soviétiques.
Pendant la bataille de Normandie ils seront un million à fuir. Sur la table on voit ces ordres d'évacuation exhortant les populations à tout quitter sur le champ parce que le choix de l'armée était de bombarder les zones pour pousser les allemands à la reddition.
Pendant longtemps ces opérations furent tabous car il était difficile d'admettre que c'était "pour notre bien" que les alliés avaient détruits nos maisons, nos villes, avec des conséquences terribles.
Puis viendra le temps de la Reconstruction, après avoir déblayé les ruines.
La France sort profondément meurtrie du conflit. Avec 80 000 immeubles et 180 0000 bâtiments détruits, le Calvados représente à lui seul 1/10ème du total des destructions. Sur les 763 communes du département, 744 sont sinistrées. Des villes normandes comme Caen, Vire, Falaise, Saint-Lô ou Le Havre, sont détruites à plus de 70%.
La vie reprend grâce à la solidarité nationale et internationale, mais la population va devoir vivre dans les ruines et le provisoire en attendant la réalisation des programmes de reconstruction entre 1955 et 1965.
Et il faudra aussi déminer ...
Au rez-de-chaussée se trouve la salle immersive censée reproduire une scène de bombardement.
Le hasard a en quelque sorte bien fait les choses puisqu'ils sont tombés sur les fondations d'une maison qui a été réellement bombardée. Nous sommes au-dessus d'une salle à manger et on pourra même voir le cratère d'une bombe. Il est certain que disposer d'un bâtiment de la destruction au sein d'un bâtiment de la reconstruction apporte une vérité au musée.
On tient à suggérer la violence, en restant dans l'évocation et j'avoue que je n'ai pas une idée très précise de l'atmosphère qui règnera dans cette dernière salle qui ne sera pas interdite aux jeunes enfants. Le sol est encore protégé par des cartons. Il est difficile d'imaginer ce que les visiteurs pourront ressentir. Une forte émotion sans doute en apprenant que les ponts étaient visés mais que ce sont les centre villes qui ont été pulvérisés. Comme dans cette maison les gens étaient à table et brutalement ont tout perdu.

Il est prévu que le mur du fond joue le rôle d'un écran de cinéma. Ce seront des images d'archives françaises, allemandes, anglaises et canadiennes. On expliquera en 9 minute 30 les différentes phases d'un bombardement : 
  • le décollage de l'avion et son survol de la Manche
  • les premières alertes
  • les premiers tirs de DCA pour tenter d'arrêter cet avion
  • l'ouverture des soutes
  • le lâchage des bombes, et pour ne pas stigmatiser un pays plus qu'un autre les bombes proviendront de plusieurs pays différents.
Des veillées ont pu être organisées avec France bleu Normandie à partir de 2009 pour offrir des espaces de paroles aux civils.

Il a fallu accepter que la mémoire ne soit pas identique ... pour que soit enfin raconté ce "martyre silencieux", parfois tragique et violent (les bombardements, la déportation), le plus souvent trivial (le rationnement, la propagande…), qui, bien que longtemps occulté, fait intimement partie de la mémoire collective.
Véritable Musée de Site, c’est à toutes les victimes civiles des guerres d’hier et d’aujourd’hui que le Mémorial des Civils dans la Guerre sera consacré. En ouvrant au public ce lieu de mémoire unique au monde, le Pays de Falaise entend redonner – enfin – aux populations civiles prises dans le tourment des conflits, la place qui leur est due.

Le 8 mai 2016 sera une intense journée de commémorations à partir de 15 heures sur la place de l'hotel de ville de Falaise où la présence du président de la République est espérée après 17 heures, mais pas encore confirmée.

Un site remarquable à visiter ainsi que le château.

Memorial des Civils dans La Guerre
12 Place Guillaume le Conquérant, 14700 Falaise
Ouvert de 10 heures à 18 heures (19 heures en juillet et août) jusqu'au 3 novembre 2016.

Divorce au scalpel

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Vous pouvez penser que je ne suis pas adepte des spectacles de divertissement parce que j'y consacre rarement un article. C'est qu'il y en a (hélas) peu de bons. Alors quand arrive une pièce comme Divorce au scalpel il ne faut pas bouder son plaisir.

Voilà enfin une comédie où ce ne sont pas les portes qui claquent mais les répliques.

Frédérique Fall et Alain Étévé ont écrit des dialogues qui s'inscrivent dans l'air du temps. Avec la crise, une séparation est un luxe que bien des couples ne peuvent plus se permettre et la cohabitation (courante en Pologne il y a vingt ans) est devenue fréquente.

Le  paradoxe est qu'il faut désormais faire preuve de cette tolérance qui précisément a mis l'union en péril. Comment être disposé à faire des concessions quand la seule vue de l'autre exaspère ? La situation frôle l'intolérable quand la mère d'Orianne arrive à l'improviste pour célébrer ... les dix ans de l'anniversaire du mariage de sa fille avec Aurélien.

Si je vous dis que les trentenaires n'ont pas informé leur famille qu'ils avaient divorcé vous devinerez l'imbroglio qui se prépare. Pour une fois ce n'est pas l'amant qui est dans une position inconfortable mais le mari.
Les rebondissements secouent les personnages à qui les auteurs ont taillé des costumes sur mesure. La mère (Hélène Derégnier) exige d'être appelée par son prénom, Mathilde. Elle a l'art de s'imposer, à l'improviste en cachant son affection pour sa fille derrière des sous-entendus provocateurs et vexants.
L'ex compagne d'Aurélien (Karine Lyachenko) surgit en agent immobilier prête à dénicher l'appartement idéal pour le mari à moins qu'elle ne cherche à le reconquérir puisqu'il est soudainement disponible.

Un psychothérapeute conjugal (Loïc Blanco), bafouera tous les principes déontologiques de sa profession en séduisant sa patiente.
Orianne (Laurence Oltuskiet Aurélien (Pierre Khorsandse trouvent embarqués dans une tourmente qu'ils maitrisent de moins en moins. La jeune femme affirme un tempérament de feu et fourmille d'idées qui pourraient résoudre les problèmes si ceux-ci ne se multipliaient pas à l'infini. On retiendra sa méthode du cercle de craie pour imposer des limites. Le jeune homme voudrait s'affirmer mais sans moyen financiers il reste sous la dépendance des autres.

Bref, la liberté des uns comme des autres est somme toute relative. Les auteurs ont l'habitude de travailler pour la télévision, cela se sent dans leurs répliques qui sont drôles, ou féroces mais qui sonnent juste et que l'on aurait envie d'apprendre par coeur pour les ressortir à bon escient.

La salle rit beaucoup. Il faut entendre par exemple Orianne épingler le machisme médiéval de son ex-conjoint ou Mathilde la bourgeoise nous confier que faire des économies quand on n'en a pas besoin c'est d'un ludique ...

J'ai vu la pièce le soir de la première représentation. Tout était déjà en place alors que l'équipe était encore en répétition à 19 heures. Jean-Philippe Azéma, le metteur en scène (qui est aussi comédien, mais dans d'autres spectacles) a une large expérience, allant de la comédie musicale à la dramatique radiophonique. Il est heureux qu'on ait fait appel à lui parce que tous les ressorts de la comédie ont été pensé par les auteurs : une situation détonante, des personnages antinomiques, quelques grains de sable... On actionne le tout et boum !

Il a été assisté par Aude Galliouà propos de qui il m'a confié que son aide avait été précieuse, ce qui est un compliment rare dans la profession.
J'ai senti combien ils avaient tous travaillé "la main dans la main", en particulier aussi Pierre Khorsand qui a repris le rôle en quelques jours. Il faut le voir éméché sur scène. On jurerait que c'est vrai.

C'est une des forces du spectacle : les comédiens jouent sans surjouer, un travers trop fréquent dans la comédie. Aucun rôle ne domine sur les autres. Avoir écrit cinq rôles de puissance équivalente est un autre des atouts de la pièce.

Plusieurs astuces ont été trouvées pour rompre les codes du théâtre de boulevard et apporter un zeste de fantaisie intelligemment pour distraire sans forcer le trait. Les costumes ont été pensés avec intelligence. Les lumières sont signées André Diot, un des grands éclairagistes  e la profession (et qui a fait personnellement la mise en place).

Vous ne remarquerez pas les points d'exclamation à la fin des répliques, ni les clins d'oeil racoleurs appelant des applaudissements. Aucun comédien ne songerait à allonger son texte pour mettre son acolyte en péril comme je l'ai constaté ailleurs. Ils ont accepté d'effectuer les changements de décor dans la pénombre, mais encore à vue, et prennent alors la pose, un peu à l'instar des arrêts sur images que l'on utilise au cinéma.

La distribution est susceptible d'être modifiée en fonction de leurs emplois du temps respectifs mais la qualité est inscrite dans l'ADN de cette production.

Le quintette se produira au Grand Point Virgule jusqu'au 3 juillet et vous manquerez un début de soirée joyeux en vous en privant. Divorce au scalpel est programmé à 19 heures, un horaire idéal pour oublier très vite une journée de travail difficile et qui laisse encore le temps de dîner ... pourquoi pas en terrasse en profitant des douces soirées que la météo nous offre enfin.
Divorce au scalpel
De Frédérique Fall et Alain Etévé
Mise en scène de Jean-Philipe Azéma
Avec Laurence Oltuski, Pierre Khorsand, Karine Lyachenko, Hélène Derégnier et Loïc Blanco
Du 28 avril au 3 juillet 2016
Au Grand Point Virgule
8 bis rue de l’Arrivée 75015 PARIS (M° Montparnasse)
Du mercredi au samedi à 19 h 45, le dimanche à 18h

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Alain Etévé

Rencontre avec Virginie Grimaldi, à propos de Tu comprendras quand tu seras plus grande

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Il arrive qu'on me propose de rencontrer de jeunes auteur(e)s. J'ai toujours la prudence de demander à lire leur livre avant de donner une réponse définitive. Je ne serais pas à l'aise de vanter le travail de quelqu'un qui n'aurait pas provoqué en moi une émotion positive.

J'ai lu Tu comprendras quand tu seras grande quasiment à la vitesse de l'éclair (en ralentissant pour avoir le temps d'apprécier) et j'ai enchainé avec le premier roman de Virginie Grimaldi qui avait été précédemment publié chez City et que le Livre de Poche ressortait simultanément à la parution du second.

Deux coups de coeur ne peuvent pas être le fruit d'un hasard et j'avais la conviction que j'allais rencontrer une jeune auteure qui monterait, qui monterait ...

C'est en plus ce qu'on appelle une belle personne, modeste, sachant malgré tout goûter à juste titre le bonheur de son succès.

Tu comprendras quand tu seras plus grande
Le sujet n'est pas facile à traiter. Avant elle, Caroline Vié avait réussi à me faire rire avec Dependance Day, publié l'an dernier chez JC Lattès alors que ma mère venait de décéder. Virginie Grimaldi a réussi tout autant à rendre plutôt léger un livre dont l'essentiel se passe dans une maison de retraite, une MDR, pour employer le même raccourci (p. 83). Parce qu'elle a l'art de camper des personnages attachants avec une profonde humanité sans occulter leurs travers de comportement.

Le personnage principal, Julia, a fui sa réalité quotidienne sur un coup de tête (ou un énorme blues). Pour éviter la dépression elle fait acte de candidature aux Tamaris où elle découvrira que les pensionnaires ont bien des choses à lui apprendre, toute psychologue qu'elle est. Pour résumer on peut dire qu'elle y prendra une leçon de bonheur à commencer par Louise qui bien qu'atteinte de la maladie d'Alzheimer a une aptitude infinie pour cet état d'esprit.

Virginie a souvent entendu cette petite phrase, tu comprendras quand tu seras plus grande, de la bouche de son père et je pourrai en dire autant (alors que nous n'avons pas le même ... père). Chacune étions agacée de cette forme de suffisance des adultes à vouloir faire mystère des choses de la vie.

Le "secret" est tout simple (p. 72) : on reste des bébés toute notre vie. Avec les mêmes besoins, être aimé, rassuré, ne pas être seul, avoir toujours à manger et à boire (...) avoir à ses cotés une personne qui t'aime plus qu'elle-même.

J'ai coupé mes cheveux et des ponts, déclare Julia (p. 85) avant de se coincer les lombaires dans une désopilante séance de gymnastique (p. 111). Derrière le sérieux du propos il y a beaucoup de sensibilité mais aussi du second degré et de l'humour dans ce roman comme il y en avait dans la manière que Virginie Grimaldi avait (a toujours mais elle y écrit moins) de raconter sa vie dans un blog qui a connu un immense succès, "Femme Sweet Femme".

C'est ce qui fait que sa lecture est réconfortante. Si comme elle vous êtes sujet à la procrastination vous apprendrez que vous tentez ainsi de conjurer votre peur de la mort. Et si vous pensez vous aussi qu'on peut décider de ne plus aimer (pour ne plus souffrir) comme on peut décider de ne plus manger de sucre (p. 148) n'hésitez pas, il est urgent de vous plonger dedans.

Ce type de littérature mérite bien son label de feel-good (qui vous veut du bien). Et soyez convaincu(e) que la peur découle du passé et abime le futur.

Appliquez sans attendre le conseil (p. 409) de vous débarrasser de votre peur de vous-même, vous n'aurez plus peur de personne. Personne ne vous fera plus souffrir si vous croyez en vous.

Le premier jour du reste de ma vie
Je l'ai lu dans la foulée et j'ai été surprise de constater que le point de départ était déjà un burn-out même si le traitement est différent. On peut dire que le ton est plus léger dans celui-ci.

Il est cependant très abouti et rien ne permet d'y voir un "premier" roman. Sans doute parce que l'auteur avait une large et longue expérience d'écriture préalable, du fait de son blog. Elle consacre beaucoup de temps à écrire, à commencer par des listes dont elle est devenue spécialiste.
Marie a tout préparé pour l’anniversaire de son mari : décoration de l’appartement, gâteaux, invités… Tout, y compris une surprise : à quarante ans, elle a décidé de le quitter. Marie a pris "un aller simple pour ailleurs". Pour elle, c’est maintenant que tout commence. Vivre, enfin.Elle a donc réservé un billet sur un bateau de croisière pour faire le tour du monde. À bord, Marie rencontre deux femmes qui, elles aussi, sont à la croisée des chemins. Au fil de leurs aventures, parfois loufoques, elles pleurent et rient ensemble, à la reconquête du bonheur. Leurs vies à toutes les trois vont être transformées par ce voyage au bout du monde.
Dans un style différent Bruno Delesalle m'avait donné Le goût du large il y a quelques semaines et il me tarde de prendre la mer. Nul doute qu'on revient changé après une telle expérience.

L'explication du titre arrive p. 189 qu'il faut entendre comme un serment épicurien. Il ne s'est pas imposé immédiatement à Virginie Grimaldi qui m'a confié que cette phrase l'avait amenée à récrire tout le livre. Ce n'est donc pas la première version qui a été imprimée. Quoiqu'il en soit la maitrise est au rendez-vous.

Je pourrais faire les mêmes compliments à son propos que ce que j'ai pointé plus haut. Il faut saluer le sérieux des descriptions. On jurerait que Virginie est allée en repérage dans chacun des pays que ses héroïnes visite au cours de ce tour du monde. Et puis la justesse avec laquelle Marie démonte (p. 182) le processus avec lequel Rodolphe tente de la manipuler est absolument parfait. Je n'ai pas été étonnée que l'auteure ait aimé l'écriture d'Agnès Ledig avec qui je trouve des affinités, notamment à travers Pars avec lui.

D'une manière générale les personnages semblent si réels qu'on a le sentiment qu'ils existent dans la vraie vie. Quel que soit son âge on peut connaitre des difficultés à vivre à deux. A 20 ans en masquant un romantisme effréné derrière un coeur d'artichaut, à 40 en étant trompée par son mari (qui ne la mérite pas), à 60 en ne sachant plus exprimer ses sentiments.

Les chansons de Jean-Jacques Goldman ponctuent à la perfection les principales étapes de la reconstruction du personnage principal. On redécouvre (p. 315) les paroles de Sache que avec l'envie de l'écouter en boucle les jours de cafard. encore que je vous recommande plutôt de glisser dans le lecteur DVD un des titres de sa liste des feel-good de la page 113.

J'ajouterais La famille Bélier, d'Eric Lartigau, 2014, Intouchables d'Olivier Nakache et d'Eric Toledano, en 2011 que vous connaissez forcément, mais aussi, moins médiatisé, Conversations with Other Women, réalisé par Hans Canosa en 2004 qui est d'une grande subtilité.

Deux Grimaldi d'un coup n'empêche pas d'espérer une prochaine ode à la vie et aux petits bonheurs.

Tu comprendras quand tu seras plus grande, de Virginie Grimaldi, Fayard, sortie en librairie le 4 mai 2016
Le premier jour du reste de ma vie, de Virginie Grimaldi, City, 2015, publié en Livre de Poche en mai 2016. Prix E-crire Aufeminin 2014

Les rencontres de Cambremer 2016 autour des AOC de Normandie et de Savoie

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Je suis arrivée hier soir dans ce Pays d'Auge qui est pour moi le coeur du bocage normand. Je ne me lasse jamais d'y revenir. Pour beaucoup de raisons que je vais énumérer rapidement et sur lesquelles je reviendrai au cours du mois prochain.

Tout le monde joue le jeu des AOC-AOPà Cambremer (14340 Calvados). Le P'tit Normand propose un menu spécial. Et la Boulangerie-pâtisserie Morgane et Hébert Samuel (Rue du Commerce, à Cambremer, 02 31 61 22 13) a créé un macaron spécialement pour l'occasion.
Même la météo pourrait être labellisée parce que le soleil est au rendez-vous. ce n'était pourtant pas gagné. et de fait nous avons pu voir s'ouvrir les premières fleurs des pommiers.
La typicité du bocage n'est pas "touristique". Les haies sur talus jouent un rôle déterminant pour la défense des terres arables en empêchant l'érosion en cas de grosses averses. Or il faut savoir qu'elles sont de plus en plus fréquentes.
La préservation des paysages, qui est une des conséquences positives des AOC, a un impact important sur l'environnement, aussi bien en Normandie qu'en Savoie qui était la région invitée à Cambremer.

Les rencontres de Cambremer ont fourni l'occasion de suivre ce matin dans la Grange aux Dîmes de passionnants débats que je vais synthétiser. Comme l'a souligné Xavier Charles, conseiller général du canton de Cambremer  il y a de quoi s'interroger sur l'avenir de notre système de production nationale. Des remises en cause se profilent à l'horizon quand des accords de libre échange "troquent" des sous-marins contre le renoncement à la protection de certaines AOP. Il y a trop d'enjeux par rapport à l'alimentation entre ceux qui ne peuvent pas se nourrir et ceux qui n'arrivent plus à en vivre.
J'ai été très intéressée par les échanges que nous avons eu avec Patrick Mercier, Président de l’Organisme de Défense et de Gestion du Camembert de Normandie et Cécile Rose-Lefebvre de l’Agence de l’eau Seine-Normandie. Ils nous ont convaincu que préserver la ressource en eau grâce à l’élevage à l’herbe était non seulement envisageable mais rentable.


La veille, Stéphane Grandval, producteur cidricole et éleveur laitier, nous avait annoncé qu'il allait  finalement "passer au bio", ce qui n'est pas une démarche qui va de soi pour des agriculteurs dont les parents ont pratiqué une agriculture très dépendante des traitements. Cela suppose de repenser les choses à long terme, ce qui n'est pas du goût de certains lobbyings.

On remarquera en tout cas que ce sont ces producteurs là qui reçoivent le plus de médailles, preuve s'il en faut que le bon passe par eux. J'ai eu ainsi le plaisir de retrouver Ginette Cenier, une femme passionnée au sourire resplendissant, chez qui j'étais allée il y a trois ans, dans sa ferme de la Vallée au Tanneur - 14340 Repentigny (02 31 64 38 69) où elle cultive beaucoup de variétés anciennes comme la Bretelle, la Hongrie, la Sauget, et d'apprendre qu'elle avait été primée une fois de plus.

Elle propose un cidre labellisé AOP Pays d'Auge, réalisé à partir de variétés bien définies comme la Rouge Mulot ou la Saint Aubin appréciée pour sa saveur sucrée et sa légère amertume. Ce cidre sera plus fruité en raison de la longueur du cuvage.

Ici on exploite 4 à 5 variétés de pommes dans une même parcelle pour favoriser la pollinisation. La ferme fournit en lait la fromagerie Graindorge. Ses laits sont exceptionnels et très riches en raison de la flore locale et parce que les vaches mangent aussi (raisonnablement) la pulpe de pommes à l'automne. Mais le gros de son activité tourne autour de la pomme : jus de pommes, cidre, cidre AOP, vinaigre de cidre (naturel, non pasteurisé), Pommeau de Normandie, Calvados et même Poiré ...

Des personnes comme elle témoignent qu'on peut conjuguer qualité-préservation du patrimoine et rentabilité.
Le cidre Pays d'Auge est plutôt équilibré. Sa richesse aromatique est large. Sans doute parce les pommes douces amères (Bedan, Bisquet, Noël des Champs...) sont dominantes pour apporter un équilibre en sucres, en acidité, et en amertume et en parfums. Les variétés amères (Domaine, Fréquin Rouge...), riches en tanins, donnent du corps et une couleur intense au cidre. 
Dans une moindre proportion les douces (Germaine, Rouge Duret...), parfumées et plus sucrées contribuent à la rondeur de cette boisson et les acidulées (Rambault, René Martin...) apportent de la fraîcheur. Et quoi qu'on en dise le cidre accompagne très bien les fromages normands.
La journée s'est poursuivie en musique avec le concert de Rakia dans le Foyer communal de Cambremer. Cette proposition musicale sera très probablement réitérée l'an prochain. Je ne peux que souscrire à l'idée d'associer le culturel au culinaire.
En soirée j'ai découvert à Notre-Dame-d'Estrées une des nombreuses chambres d’hôtes que compte la région.
Son nom, Au repos des Chineurs traduit parfaitement l'esprit du lieu. La patronne est passionnée d'antiquités et par un style de décoration anglais.
Tout chez elle est à vendre, y compris la tasse dans laquelle vous prendrez votre petit-déjeuner ou le pichet en cristal qui contient le jus de pomme. Claudine cuisine bio. Acceptez sa faisselle, elle est tout bonnement divine.
Et le soir l'éclairage du bois rouge vif de l'étrange clocher vous assurera des rêves inspirés.
Rendez-vous demain avec la recette d'une Rosace feuilletée au Livarot, Pommes et parfum de Sésame avec Stéphane Carbona. Et très prochainement pour parler de la Savoie.

Rosace feuilletée au Livarot, Pommes et parfum de Sésame avec Stéphane Carbone

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Les Rencontres de Cambremer offrent l'occasion de faire des dégustations, de suivre des débats avec des personnalités et des acteurs du monde agricole (je rendrai compte de ces différents axes) mais aussi d'assister à la réalisation d'une recette au cours de laquelle un chef met en valeur un des produits AOP.

Cette année un(e) bloggeur/euse avait été choisi(e) pour être commis de chaque session et c'est avec Stéphane Carbone, du restaurant éponyme de Caen que nous avons préparé quelques Rosaces feuilletées au Livarot, Pommes et parfum de Sésame, enfin surtout lui ...

Il avait choisi le Livarot, AOC depuis 1975 qui est un fromage au lait de vache, à pâte molle et à croute lavée. Il est entouré de cinq bandelettes parce que à l'origine (à la fin du Moyen-Age) il était réalisé avec du lait écrémé et s'affaissait.

Ce sont des roseaux de marécage, appelés laiches qui sont encore employés aujourd'hui et qui lui ont donné le surnom de colonel. Il est également reconnaissable à sa couleur orangée due à certaines bactéries et parfois à l'emploi du rocou.

Ce fut le fromage le plus consommé en Normandie au XIX° siècle. Sa fabrication est devenue marginale après la guerre mais l'obtention de l'AOC lui a permis de revenir en bonne place sur les plateaux.
Il vous faudra 4 bandes de pâte feuilletée et Stéphane recommande de la faire maison selon la recette de la pâte inversée (cela ferait plaisir à Mercotte de l'apprendre), 1 pomme ... normande comme la Royale Gala, 100 grammes de sucre, 1 jaune d'oeuf, 50 grammes de sésame doré ... et un Livarot cela va de soi.
Pendant qu'une petit (ou grande) main coupe la pomme et le fromage en lamelles on abaisse la pâte. On dispose les tranches en les faisant se chevaucher comme sur la photo.
Puis on replie le bord inférieur et on dore à l'oeuf avant de parsemer de graines de sésame doré.
Deux possibilités s'offrent alors à vous. Soit la version familiale, ou gourmande en composant une rosace unique que vous ferez cuire dans la boite du fromage sur un carré de papier sulfurisé.
Soit des portions individuelles en coupant la rosace dès qu'elle atteint la taille du contenant.
Vous enfournerez à 200° pendant 15 à 20 minutes. On pourra servir tel quel ou démoulé.
Personnellement je préfère la version grand format et je vous conseille de conserver vos emballages à cet effet, ce qui s'inscrit dans une démarche de recyclage.
Evidemment vous dégusterez avec un cidre AOP Pays d'Auge.
Il faut croire que cette réserve est top mode parce que le même jour Dorian (qui est lui aussi à Cambremer) publie sur son blog une recette de Mini-tartelettes aux roses de courgettes et au Chavroux. Vous y trouverez des conseils complémentaires.

L'inconnue du quai de Mary Kubica

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Une fille parfaite, son premier roman m'avait époustouflée par la maitrise des ressorts psychologiques, un suspense haletant et la solidité de l'intrigue policière. Depuis ce succès Mary Kubica a choisi son camp, celui de la psychologie. Elle a resserré le nombre de personnages. Ils sont essentiellement quatre.

Il y a Willow, une jeune fille paumée avec un bébé dont elle ne sait pas prendre soin correctement. Heidi, mère modèle dont le métier est de venir en aide aux démunis. Chris, son mari toujours entre deux avions, au bord du surmenage, loin de toute sollicitude, et puis Zoé, leur fille en pleine crise d'adolescence. Quatre personnes qui ne peuvent pas vivre ensemble sans se heurter.

L'intrigue est solide. Le lecteur entend la part de vérité de chacun à tour de rôle mais sans avoir le temps de prendre parti pour l'un d'entre eux. Chacun à ses fêlures et pourrait basculer dans la folie et commettre un acte ultime. Chris serait peut-être le plus solide mais il ne parvient pas pour autant à maîtriser la situation.
La première fois que je l'aperçois, elle se tient sur le quai bondé de la gare de Fullerton, à Chicago. Il fait un froid à vous glacer les os, il pleut à verse. Elle serre un bébé dans ses bras. Rien ne les abrite. Quelques jours plus tard, elle est de nouveau là. Aussi fragile. Cette fois, je vais lui parler. Sans trop savoir pourquoi. Ni où tout cela va me mener…Hantée par l’image de cette jeune sans-abri et de son bébé,  Heidi néglige l’avis de son mari et l’hostilité de sa fille : elle ouvre sa maison à l’inconnue du quai. Qui est vraiment Willow ? Mutique, vulnérable, a-t-elle quelque chose à voir avec l’inquiétante Willow Greer, dont le compte Twitter est plein de conseils macabres sur le suicide ?Peu à peu, la présence de l’inconnue dans la maison agit comme un révélateur des fissures familiales…
L'écriture est maitrisée, peut-être un peu plus que dans le précédent roman. Et pourtant je n'ai pas ressenti une intensité comparable. Une des composantes essentielles pour que j'aime un livre réside dans sa capacité à me surprendre. J'ai tout de suite compris ce qui perturbait Heidi et le passé de Willow me semblait évident. Je n'ai donc pas été bouleversée comme je supposais que je le serais. D'autres lecteurs pourront aisément être surpris s'ils ne connaissent pas le domaine de la maltraitance (ce qui n'est pas indispensable du tout).

J'ignorais que 30% des adultes vivant à Chicago savent à peine lire et écrire (p. 12) et que la ville compte près de 100 000 sans abri (p. 77). Je ne me doutais pas qu'héberger une fugueuse pendant plus de 48 heures est considéré comme un crime dans cette ville (p. 77) passible d'une peine d'emprisonnement d'un an. Les Etats-Unis enregistrent plus de 3 millions de plaintes pour mauvais traitement à enfants. Une des forces du roman est d'ailleurs de traiter cette question sensible sans tricher. En démontrant cependant que la générosité peut avoir deux visages tout en laissant subsister l'espoir : un jour ... (sous-entendu tout ira mieux).

Après des études d’arts et d’histoire de la littérature américaine, Mary Kubica a d’abord été enseignante. Aujourd'hui écrivain à temps plein, cette passionnée de Dickens et d'Hemingway elle vit près de Chicago, la ville où se déroulent l’intrigue de ses romans.

L'inconnue du quai de Mary Kubica, chez Mosaic, en librairie depuis le 13 avril 2016

Le 61 ème salon de Montrouge

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J'avais été convaincue l'an dernier par la manière de fonctionner de Stéphane Corréard et j'avais apprécié la manière qu'avait Matali Crasset de concevoir la scénographie du Salon de Montrouge. L'équipe a changé. Je comprends le point de vue du nouveau directeur artistique, Ami Barak, d'organiser les choses sous la forme d'une exposition collective en organisant un parcours thématique en 5 chapitres.

Il est probable que l'affluence de la soirée inaugurale ne m'a pas permis de saisir la subtilité de cette direction. C'est en triant les photos que j'ai prises ce soir-là que j'ai remarqué sur l'une d'elle un bandeau rouge signalant un des axes : Chez moi, chez toi, chez les autres ...

Cette signalétique m'avait complètement échappée. J'ai été touchée par certains artistes mais j'avoue qu'il faudrait que je retourne sur place pour savoir dans quelle thématique ils s'inscrivent.
Aucune indication n'est mentionnée à ce propos dans le catalogue (qui d'ailleurs ne présente pas toujours les mêmes oeuvres que celles qui sont enregistrées sur le site, si bien que j'ai eu du mal à attribuer un oeuvre à un artiste).

En tout cas c'était le travail d'Elsa Guillaume, née en 1989 à Carpatras, vit et travaille à Saint-Ouen, qui m'avait interpelée. Les feuilles suspendues de Succulente (2015) évoquent la survie dans une contrée imaginaire aussi bien qu'une référence à des traditions alimentaires que l'artiste revendique d'ailleurs.

J'avais envie de la mettre en parallèle avec celle-ci, dont je ne trouve pas la signature (et qui n'appartient peut-être pas à la même thématique ...).

Cet équilibre de bocaux m'a intriguée, tellement "raccord" avec les thématiques du blog.

Au loin, Dans l'air, le fond, 2013 sur une cimaise peinte en vert, de Marie B. Schneider, née en 1984 à Sarlat-la-Canéda, vit et travaille à Pantin.

Marie créé une atmosphère où l'on perd ses repères entre fond et forme, champs et hors-champs, réalité et imagination sans que nous parvenions à identifier un lieu tant ses frontières sont  incertaines.

Chez moi, chez toi, chez les autres traite de la subjectivité artistique à l'oeuvre dans notre onde globalisé. Le chez soi est constamment le miroir du voisin de palier ou celui des antipodes. La dissemblance n'a de cesse de muter et de muer à chaque génération.
Ayant très vite arpenté le Salon à l'instinct (je ne dis pas que mon instinct est le bon mais il est mon instinct) je suis allée vers Camille Bondon, née en 1967 à Lyon, vit et travaille à Rennes qui m'a raconté l'histoire d'une lecture en témoignant de ce qui se révèle être autant de mécanismes d'influence que de méthodologies de lecteurs, capturés dans l'instant de la lecture d'un livre.
La jeune femme a développé des compétences de graphiste pour servir sa démarche artistique puisqu'elle a tout fabriqué elle-même, reproduisant fidèlement de vrais-faux documents. Qu'on ne s'y trompe pas, Faire partager les livres (2016) n'est pas un travail de faussaire puisqu'elle a conservé sa véritable écriture.
Les visiteurs avaient envie de feuilleter mais il n'y a rien à voir qui n'est pas montré. Et les baguettes en laiton sont là pour empêcher le geste.

A l'inverse Golnâz Pâyâni, née en 1986 à Téhéran, vit et travaille à Saint-Ouen, met à la disposition du visiteur une paire de gants pour qu'il ose feuilleter son délicat Oasis, 2015.
Ce livre d'artiste est une cartographie de la dissolution des formes. Les surfaces manquantes de 197 pays, unifiés par une mise à l'échelle dans un cadre unique, forment un cahier de géographie de l'invisible. L'ensemble des contours des frontières qui s'entremêlent les unes les autres forme une trame aussi délicate que la dentelle.
Chaque pays a été découpé par l'artiste qui a ensuite assemblé les pages selon un ordre particulier allant je crois du plus grand territoire au plus petit.

Florence Lattraye, née en 1988 à Nancy, vit et travaille à Nice adopte un point de vue trsè radical avec la performance d'un agent cynophile, Facteur Peur, 2016.
Un agent de sécurité cynophile est engagé pour surveiller les sculptures de l'artiste lors des temps forts du Salon. Une mise à distance mal venue, un rappel à l'ordre qui devient explicite et autoritaire. C'est une interdiction de plus qui se concrétise à travers la présence impassible et attentive du Binôme : uniforme et muselière. Un regard cynique posé sur l'objet d'art devenu oeuvre par promotion offerte à travers le format de l'exposition. valeur, propriété, attachement : l'artiste prise par la peur, protège le fruit du couronnement de son ego.
Mais le soir du vernissage l'homme souriait avec la conscience d'être une vedette sans la moindre intention de "surveiller" l'alignement de bilboquets, l'Impossible jeu, 2015. En les choisissant  défectueux et avec lesquels il n'est pas possible de gagner l'artiste fait ici se confronter l'espace de liberté qu'est censé être le jeu et l'oisiveté à laquelle il renvoie. Empêchés dans leur fonctionnalité premières, les bilboquets sont ici autant de corps inutiles et contraints. Abandonnés sur cette table, le défi lancé semble perdu d'avance, et le temps s'être figé sur une impossibilité qui laisse les formes libres à la contemplation du spectateur.
Juste à coté l'artiste présentait Une étrange habitude fantomatique, Manufrance 2016, en se donnant beaucoup de mal pour éviter que les pieds du public ne viennent mordre la poussière de bois du disque façonné sur le sol.

Evoquant à travers cette oeuvre la mémoire de l'âge d'or industriel, Florence s'intéresse ici au spectre fonctionnel des objets. Cherchant à en révéler les aboutissants psychologiques, présents dans l'inconscient collectif, elle met ici le doigt sur une absurdité : l'aspirateur, en bois, aspire en fait sa propre matière de fabrication. Symboliquement inefficace et débarrassé de toute vanité, l'objet devient une sorte d'outil traceur ...

Clarissa Baumann, née en 1988 à Rio de Janeiro, vit et travaille à Paris, a elle aussi pris un objet du quotidien pour en faire une oeuvre d'art. Elle recevra le Prix des Beaux-Arts de Paris.
Cuillère, 2015, sculpture, photographies et photocopies, ouvrage réalisé grâce au soutien de la Fondation d'entreprise Hermès, est un projet qui s'étend sur la longueur, comme un prétexte à l'échange. Fruit d'une résidence aux ateliers de l'orfèvrerie Puiforcat, le travail qui s'est construit sur des mois a consisté en la réduction d'une cuillère de l'usine en un simple fil, étiré sur plusieurs mètres. Il aura fallu de nombreuses étapes afin d'aboutir à cette forme enroulée autour d'une bobine et, ainsi, à l'anéantissement de l'objet qui avait préalablement subi les multiples manipulations des artisans.

Marwan Moujaes, né en 1989 à Beyrouth, vit et travaille à Valenciennes, joue lui aussi sur ce qui est vu/caché avec 54 55, 2015. L'oeuvre se compose d'un vase et des fleurs cachant une image encadrée. Il s'agit de la photographie de deux enfants victimes d'un attentat chimique à Gotha en Syrie, le 21 août 2013, désignés par de simples chiffres d'identification, 54 et 55.
Entre le parfum des fleurs et l'image des corps, 54 55 réinvestit la question de la représentation à travers les rituels du deuil et de la consécration des corps.
Ce même artiste propose aussi la video, 40 jours de deuil, retraçant l'activité solaire pendant les 40 jours qui ont suivi ce bombardement chimique.
D'autres sphères attirent le visiteur. Ce sont celles de Guillaume Barth, né en 1985 à Colmar, vit et travaille à Strasbourg. D'abord avec Après le noir, 2016 qui se compose d'une cuve en équilibre dressée sur sa tranche éventrée tandis que le reliquat de noir des précédentes étapes a été mis en bouteille.
Ensuite avec Elina (J+3), 2015 qui est la photographie numérique de la sculpture Elina (sel, eau, 300 cm de diamètre) dont le nom est hérité du grec Hélé, "éclat de soleil", et des symboles Li, Lithium, et Na, Sodium, éléments qui la composent. La sculpture, en briques de sel, a la forme d'un hémisphère, mais elle apparait, par un effet de miroirs tel un planisphère. L'eau de pluie qui révèle la sphère est aussi responsable de sa disparition. Ephémère, Elina une fois dissoute rend au paysage son visage originel. Elina (J+3) commence à se morceler dès son troisième jour d'existence.
Autre image sphérique avec La Crue, 2016, Vidéo HD, couleur, musique de Luc Kheradmand, 7 minutes 37 d'Anne-Charlotte Finel née en 1986 à Paris, vit et travaille à Paris.
Cette jeune femme explore des paysages dont elle ne dévoile pas l'identité. Elle cherche à révéler le caractère transitoire et ambivalent de ces lieux. A la tombée du jour, elle filme le mouvement perpétuel des eaux jusqu'à leurs chutes. Pour réaliser ces vidéos, elle emploie une caméra non adaptée au manque de lumière. En résulte des images pixélisées en faux noir et blanc, qui plongent le spectateur dans une atmosphère de dépaysement hypnotique. Elle recevra le soutien du Conseil Départemental des Hauts de Seine pour la réalisation d’un projet inédit.
Julien Fargetton, né en 1979 à Lyon, vit et travaille à Berlin avait disposé de drôles d'objets sphériques sur le sol. Comment ne pas faire une omelette, 2015-2016,  est une collection de prothèses d'oeufs sur mesure, faites de matériaux divers, pleine d'humour et d'ironie, inspirée d'une théorie de Darwin selon laquelle la forme ovoïdale des oeufs aurait pour but de les empêcher de rouler, et donc de préserver l'espèce des aves.
Autre oeuvre de cet artiste : Ketamin Cousteau (Katerholzig), 2014. Sculpture, peinture

Julien Fargetton a été choisi par le Conseil Municipal des enfants de Montrouge, pour bénéficier d’une dotation de la Ville de Montrouge et d’une exposition à l'automne 2016 à la Galerie Artyfamily, à Paris.
Beatriz Toledo, née en 1979 à Sao Paulo, Brésil, vit et travaille à Paris, a conçu une oeuvre étonnante, en plâtre, photographie et structure métallique. Intitulée Entre deux (2016), elle confronte l'image et son environnement.
Le travail de Mathieu Dufois, né en 1984 à Chartres, vit et travaille à Tours, nous place spectateurs d'un "dessin en volume" qui, contrairement aux maquettes immaculées des architectes, représente un coin de rue bel et bien sali, détruit et abandonné. Affiches, 2014, maquette en papier, table en bois, fait revivre cet endroit désaffecté par un jeu remarquable de textures, de teintes et d'accessoires.
De la maquette on passe au mur avec Florian Viel, né en 21990 à Bayeux, vit et travaille à Paris, avec Life Is(n't) a Beach, 2016, néon. Sur la surface d'un papier peint aux allures tropicales, des lianes en résine blanche s'étendent et s'entremêlent sous les reflets d'un néon rose qui porte les mots Life Is(n't) a Beach, où la négation grésille comme l'enseigne d'une boutique désuète.
En kit, comme les éléments d'un jeu de construction qu'on agrandit, les lianes envahissent l'espace et submergent nos pensées. L'image perçue, symbole admis de tous, nous fait oublier l'irréalité. A l'encontre de la nature, voici la représentation d'une vie artificielle rêvée.
Quant au duo d'artistes Johanna Benaïnous et Elsa Parra, nées respectivement en 1991 à Paris et 1990 à Bayonne, vivent et travaillent à Paris.
Elles jouent devant et derrière l'objectif, interprètent ainsi le rôle du créateur et de son sujet. entre la France et les Etats-Unis, grimées en un éventail d'individus qu'elles incarnent, participant à un imaginaire collectif, à travers cette foultitude de personnages que l'on jurerait avoir déjà vus.
A couple of them est constitué de 72 portraits photographiques et de 23 micro-métrages et dépeint une jeunesse ordinaire et décomplexée.
C'est en référence au comté imaginaire de Faulkner dans son livre le Bruit et la Fureur que Léonard Martin né en 1991 à Paris, vit et travaille à Paris a conçu Yoknapatawpha, 2016, vidéo HD de 10 minutes, production le Fresnoy
Le choix de la vidéo est né du désir de voir la peinture s'animer. Ainsi les personnages et les éléments de décor en deux dimensions s'activent sous les mains de l'artiste. La vidéo reprend les codes narratifs  du roman (association de couleurs, connexion temporelle, etc).
Présenté ici comme in work in progress, le film permet d'apercevoir un univers onirique, décalé et bricolé.
Enfin Anne le Troter, née en 1985 à Saint-Etienne, vit et travaille à Paris, nous fait une proposition très originale. Elle est partie de sa propre attitude : quand je visite une exposition je cherche en premier une fenêtre. Je l'ai reconstituée ici en plaçant les spectateurs dans une situation d'écoute collective en orientant le regard aussi bien vers l'intérieur que vers l'extérieur de l'espace d'exposition.

Une visiteuse qui n'a probablement pas entendu l'artiste s'exprimer incarnait parfaitement le concept par son attitude au moment où j'ai déclenché mon appareil photo.

La boudeuse, 2016, est une installation sonore, acier, assises, bois, carte son, haut-parleurs, mini-mac qui permet d'entendre une chorale de chuchotements, tapotements et effleurages et qui est inspirée par la forme des confidents. Cette pièce sonore est réalisée en collaboration avec les protagonistes de l'ASMR, une pratique de la relaxation fondée sur l'exhaustivité de détails sonores. L'artiste recevra dans la soirée le Grand Prix du salon.
Le vernissage est conçu de telle manière que les invités font d'abord une déambulation dans l'exposition où tous les artistes sont présents et font volontiers une médiation culturelle directe. Vers 19 heures on se rassemble dans le hall pour écouter les discours (plutôt brefs) et surtout découvrir le palmarès.
Jean-Loup Metton, Maire de Montrouge, Ami Barak, commissaire artistique du Salon et Alfred Pacquement, Président du Jury, ont présenté les noms des lauréats du 61e Salon de Montrouge. Cette année 4 femmes figurent parmi les 5 lauréats mais personne n'a souligné cette performance qui sembla toute "naturelle" ...
LE GRAND PRIX DU SALON : Anne Le Troter (à gauche ci-dessous)
Le Palais de Tokyo accueillera un projet personnel du lauréat en février 2017, dans le cadre de sa mission de soutien à la création émergente.
LE PRIX DES BEAUX-ARTS DE PARIS : Clarissa Baumann (à droite ci-dessus)
Le lauréat bénéficiera d’un aide à la production de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris (ENSBA).
LE PRIX DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DES HAUTS-DE-SEINE : Anne-Charlotte Finel (ci-dessus à cote d'Ami Barak)
Le lauréat recevra le soutien du Conseil Départemental des Hauts de Seine pour la réalisation d’un projet inédit.

LE PRIX ADAGP DES ARTS PLASTIQUES : Clarissa Baumann (qui est donc doublement lauréate)
Le lauréat recevra une dotation de l'ADAGP et aura également son portrait filmé par Arte et diffusé sur le site d’Arte Créative.
LE PRIX KRISTAL : Julien Fargetton
Le lauréat, choisi par le Conseil Municipal des enfants de Montrouge, bénéficiera d’une dotation de la Ville de Montrouge et d’une exposition à l'automne 2016 à la Galerie Artyfamily, à Paris.
Nous pouvions alors reprendre le cours de la visite en allant voir l'exposition hommage imaginée pour les 100 ans du Cabaret Voltaire et de Dada, mêlant documents d’archives et œuvres d’artistes contemporains, dans le Grand Salon du Beffroi.

Il est amusant d'y trouver un artiste qui avait été retenu l'an dernier au salon comme artiste émergent, Tarik Kiswanson, né en 1986 à Halmstad, en Suède, vit et travaille à Paris.
Il a travaillé avec son père, souffleur de verre, et réalise des séries qui croisent en quelque sorte des univers apparemment opposés. Il a ainsi créé des masques en laiton en conjuguant ceux que portaient des guerriers avec les niqabs qui recouvraient les femmes de la péninsule arabique jusqu’au XVIIIe siècle en soulignant l'ambiguité de leur nature. Leur taille est devenue trop grande ou trop petite pour être portés, d'autant que les bords sont coupants.

Entre cage et squelette, Croisement 12, 2014, laiton et argent, et comme toute ses sculptures, semble revisiter, dans une veine inédite et plus abstraite, les statues africaines qui ont influencé Henri Matisse et Pablo Picasso.
Ou encore Pascale Marthine Tayou, né en 1967 à Yaoundé (Cameroun), vit et travaille entre Yaoundé et Gand, Belgique, dont j'avais remarqué des oeuvres à la réouverture du Musée de l'homme.

Avec Masque, 2014, cristal, techniques mixtes, il combine, avec ironie et poésie, des symboles africains et européens pour redéfinir l'héritage postcolonial et les questions liées à la globalisation. Ses masques de cristal dialoguent avec ceux de Marcel Janco et deviennent ainsi le vecteur d'une histoire et d'une identité culturelle épurée des tabous tribaux africains liés au sexe, au culte, aux divinités et à la fertilité.
Egalement Neïl Beloufa, né en 1985 à Paris, vit et travaille entre Paris, New York et Los Angeles, qui figurait parmi les artistes du festival 100% de la VilletteVide Rationalisé de la série Jambes, 2015, fer peint, résine et colorant, propose une vision fractionnée du monde qui nous entoure.
Et d'autres oeuvres de Kader Attia, Joan Brossa, Valentin Carron, Abraham Cruzvillegas, Daniel Firman, Fischli & Weiss, Sylvie Fleury, Mescha Gaba, Kapwani Kiwanga, Július Koller, Jirí Kovanda, Jean-Luc Moulène, Anca Munteanu Rimnic, Roman Signer, Ulla von Brandenburg ... et Présence Panchounette, collectif actif niçois avec Guerre et paix ou le Grand Défi, composé d'un nain en plastique et de 15 livres. A partir de la publication de leur manifeste en 1969, le collectif est animé par l'obsession du bon et du mauvais goût, de ce qui est chic et ce qui ne l'est pas.


Actif de 1969 à 1990, le groupe célèbre "l'esprit chounette", qui fait l'éloge du banal et du vulgaire, en opposition aux modèles du goût défendus par les milieux culturels les plus influents de l'époque, s'inscrivant ainsi pleinement dans l'esprit dada du Cabaret Voltaire.

C'est une oeuvre qui me semble parfaite pour conclure.

Organisée et financée par la Ville de Montrouge depuis sa création en 1955, le 61ème Salon de Montrouge sera en entrée libre du 4 au 31 mai 2016
De 12h à 19h et 7 jours sur 7 au Beffroi.
43 Avenue de la République, 92120 Montrouge

Il devrait accueillir environ 25 000 visiteurs.

Ancien malade des hôpitaux de Paris

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C'est une chance que le Théâtre de l'Atelier ait décidé de prolonger Olivier Saladin et de continuer à offrir au public ce texte de Daniel Pennac, Ancien malade des hôpitaux de Paris, qu'il avait sous-titré Monologue gesticulatoire (Folio éditeur).

Autant je ne partage pas les idées de cet auteur sur l'éducation, autant j'adore sa manière de nous raconter le milieu hospitalier (mais un urgentiste dira peut-être le contraire). C'est vif, plein de rebondissements et joyeux à la fois.

Profond aussi car il interroge sur la dignité humaine et le paraitre. Que nous faut-il pour exister ? Quelle importance de pouvoir brandir une carte de visite ?

Olivier Saladin est un de ces acteurs prodigieux qui savent tout faire, suggérer les larmes comme nous permettre de rire de bon coeur.

Rien d'étonnant donc à ce que le premier jury Molières ait retenu son interprétation dans la catégorie Seul en scène pour concourir aux Molières 2016. Nous aurons la réponse le 23 mai au soir (sur France 2). je le saurai un peu plus tôt mais j'ai promis, je tiendrai ma langue jusqu'à la levée de l'embargo.
Il démarre sur les chapeaux de roues dans un décor astucieusement inhospitalier (vous découvrirez vous-même la signification du mur du fond de scène) et ne nous lâche jamais.

Faudrait faire un bilan et poser un diagnostic ... Une heure durand nous sommes au chevet du docteur Galvan pour partager ses péripéties de couloir en couloir, de salle en salle, jusqu'à devenir nous-mêmes hypocondriaque à l'énoncé de ses symptômes.

Gérard Galvent endosse tous les rôles. Il sert un café à un spectateur et à tous ce qu'on appelle (et ce n'est pas péjoratif) un numéro d'acteur. Il est très agile, prend l'accent et les mimiques qui conviennent.

Vous connaissez forcément Olivier Saladin. Si je vous dis Deschiens ... Canal+ (avec François Morel et Yolande Moreau),  ou encore Boulevard du Palais (il était Pluvinage) ... ça vous revient ?

Il communique toutes les émotions, coté patient : la peur, l'angoisse, l'effroi, l'optimisme aussi. Et coté médecin : la suffisance, comme la passion, quasiment la foi ... On aurait presque envie qu'il fasse sur le champ et sur un dos volontaire une ponction lombaire pour vérifier l'ensoleillement du liquide céphalo-rachidien.

On rit beaucoup, ce qui est une excellente thérapeutique, extrêmement contagieuse au demeurant.
Le comédien a le génie de nous faire toucher la mécanique de l'âme ! Il ne faut pas manquer ce spectacle que je regrette sincèrement de ne pas avoir été voir plus tôt.

Ancien malade des hôpitaux de Paris
Texte de Daniel Pennac
Avec Olivier Saladin
Mise en scène de Benjamin Guillard
Du Mardi au Samedi à 19h00
Relâche le 21 juin
Théâtre de l'Atelier
1 Place Charles Dullin, 75018 Paris
01 46 06 49 24

Quand un restaurateur de Cambremer célèbre les AOC

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C'est un grand débat que j'évoquais à mon retour des Rencontres de Cambremer. Savoir que les appellations d'origine contrôlées françaises sont parfois sacrifiées pour favoriser l'exportation de matériel militaire mérite qu'on ne ferme pas les yeux et qu'on ne se bouche pas les oreilles.

C'est à chacun de défendre notre patrimoine français, dans la mesure de ses possibilités. En achetant français et en consommant français, local ce serait encore mieux mais comme chacun a l'ambition de déployer ses gammes au-delà de son premier périmètre il faut être réaliste. j'aime bien l'expression d'Yves Camdeborde qui s'affirme locavore national.

Le restaurant Au P'tit Normand joue le jeu à longueur d'année et particulièrement en mai, en proposant un menu dit des AOC à 27 € avec entrée-plat-fromage ou dessert, mais attention sans changement possible.

D'abord il faut apprécier la verrine de saumon fumé-ciboulette-crème citron en guise d'amuse-bouche avec un premier verre de cidre AOP Pays d'Auge de Stéphane Grandval.

On peut conserver un cidre bien au-delà d'une année. Celui de Stéphane peut se garder 10 ans à une température de 8 à 12 °. Voilà une idée reçue qui tombe. La boisson évoluera au fil des temps en devenant plus sec mais il gardera son potentiel. Par contre veillez à stocker vos bouteilles debout et non couchées. Ce n'est pas grave mais si vous ne suivez pas ce conseil vous risquez un dépôt de matière le long de la bouteille et ce n'est guère élégant.

On est loin des cidres qui étaient commercialisés il y a 20 ans et qui pêchaient par excès de gaz. Le cidre AOP Pays d'Auge a peu d'acidité car le cidriculteur privilégiera la rondeur.

Stéphane Grandval cultive 25 variétés différentes de pommier sur son exploitation de 28 hectares. Il n'en retiendra que 4 ou 6 par cuvée. Le Manoir de Grandouet se visite et on peut y acheter son cidre, après dégustation en toute modération (et pommeau et calvados).

Pour éviter les risques bactériens l'assemblage des lots ne se fait pas après broyage mais en amont. Ses pommes sont peu acides et résisteraient moins. Mais elles sont plus gouteuses. D'où un cidre très agréable du début à la fin d'un repas, y compris avec les fromages.

Le cahier des charges de cette AOP exige une oxydation du marc (des pommes broyées) pendant 5 à 6 heures, le temps que la boissons prenne sa jolie robe dorée caractéristique et que se développent les arômes tanniques des peaux. Il dépasse ce temps pour la Cuvée Réserve allant jusqu'à la nuit entière. Et le résultat est à la hauteur.

Chez Stéphane Grandval on mange bio depuis longtemps. L'exploitation va entamer la conversion très prochainement et en toute logique, même si les "anciens" ne sont pas encore convaincus que c'est la voie de la sagesse. L'habitude des traitements est difficile à combattre même avec des arguments sanitaires.

On poursuivra avec une Terrine de foie gras ou une Terrine de poissons servie en rosace autour d'une salade impeccablement assaisonnée, probablement avec un vinaigre de cidre.
A moins d'opter pour le troisième choix avec ces Quenelles de chèvre frais au basilic.
Pour suivre, une Entrecôte grillée sauce camembert ou des Grosses crevettes roses fraiches sautées au Pommeau. Personnellement j'ai opté pour une spécialité de la maison, la Pintade au cidre et ses petites pommes de terre rôties.
La sauce reste mystérieuse mais l'association avec raisins et noix est très heureuse, renforçant le côté giboyeux de cette recette.
Les desserts sont plutôt classiques avec des Fromages normands, un Fondant au chocolat ou une part de Tarte fine aux pommes ou encore un Sorbet pommes Calvados.
Au P'tit Normand
Place de l'Église, 14340 Cambremer
02 31 32 03 20

Le Misanthrope vs Politique

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Entre Cyrano et Alceste mon coeur balance. Je connais par coeur une grande partie de chacune des deux pièces. Je joue (trop souvent pense mon entourage) dans la vraie vie ce rôle d'Alceste et cela me vaut parfois des désagréments mais comme lui je ne veux pas changer.

Il est difficile de me surprendre avec ce texte et pourtant c'est ce que Claire Guyot a réussi ultra brillamment avec toute son équipe. En sortant du Vingtième Théâtre, je suis autant enthousiaste que j'ai pu l'être après le Don Juan d'Anne Coutureauà la Tempête.

Je sens que je vais encore mettre un 10 sur 10 sur le site du Balcon qui reprend mes chroniques. Et je parie qu'un théâtre va bientôt reprogrammer cette mise en scène qui ne peut pas s'arrêter comme ça le 8 mai prochain.

Une telle intelligence se doit d'être remarquée et approuvée.

Il ne faut pas croire qu'installer Molière dans un décor moderne (qui fonctionne très bien, on peut féliciter le décorateur Jean-Michel Adam) et faire porter aux comédiens des vêtements contemporains (très bon choix de la costumière Nadia Rémond qui par exemple habille Célimène en tailleur pantalon, code masculin s'il en est) suffisent pour installer la pièce dans une forme d'actualité. Ce sont les partis pris de mise en scène et la formidable interprétation des comédiens qui sont essentiels.
J'ai retrouvé l'atmosphère intrigante des cabinets ministériels ou des antichambres des grandes collectivités territoriales. L'affrontement entre utopie et raison est éternel. Alceste fait l'éloge de la franchise et dénonce flatteries, injustices, fourberies et trahisons en feuilletant la presse. Philinte le met en garde contre toute vélléité : le monde par vos soins ne changera pas.

Le "conseiller technique" est manifestement en train de peaufiner un discours politique reprenant l'idéologie qui fera gagner le candidat qu'il soutient. En 2016, sa "plume" est désormais électronique.  Le chef de cabinet signe des parapheurs. Et quand le téléphone sonne l'un comme l'autre peut mimer un "je ne suis pas là" peu honnête ...
Alceste clamera tout au long de la soirée son intransigeance face au pouvoir et à ses compromissions. Son indignation et sa souffrance font craindre le pire. Molière aurait écrit la pièce hier son héros fera un vrai burn-out. Mais pour son bien, ou pour un mal de plus, il tombe amoureux de Célimène, la jeune et jolie veuve du Président.

Il va tenter de la convaincre de l'accompagner dans sa quête de rédemption pour un monde plus juste et plus honnête, mais vous connaissez la pièce ...

Que dire pour vous convaincre ? Molière est décidément une valeur zénitale. La qualité du texte demeure intact. La violence des propos ne s'est pas flétrie.

Whisky, coke et petites pépés, téléphones portables, ascenseurs, sac de sport ... tout cela n'est qu'accessoires permettant de transposer l'univers du XVII° jusqu'à aujourd'hui. Il n'y a là rien de racoleur comme pouvait l'être un autre Misanthrope sur une scène nationale, chantant à tue-tête un standard rock en fracassant des chaises.

Claire Guyot nous révèle un "Misanthrope" réellement politique. Ses acteurs sont prodigieux et le combat entre vérité et hypocrisie est universel. C'est dans cette version là (même si le texte n'a pas bougé d'une virgule) qu'il faut montrer Molière aux lycéens.

Le Misanthrope vs Politique
d’après Molière jusqu'au 8 Mai
du jeudi au samedi à 21h30 - dimanche à 17h30
Vingtième Théâtre
7 rue des Plâtrières, 75020 Paris
Téléphone : 01 43 66 01 13
Mise en scène et adaptation : Claire Guyot, assistée d’Anne Rondeleux
Avec : Julie Cavanna, Pierre Margot, Emmanuel Lemire, Edgar Givry, Nastassja Girard, Benoit Du Pac, Denis Laustriat, Annick Roux.
Coréalisation Vingtième Théâtre et La Vallée des Arts

La Crêperie des Druides à Saint-Brieuc (22)

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Lors de mon séjour dans les Côtes-d'Armor j'ai juste traversé Saint Brieuc, ville de la plume et du pinceau, (les soies de porc) mais j'y suis restée suffisamment pour apprécier une crêperie authentique. C'est une bonne adresse.

Je croyais bien connaître crêpes et galettes, ne serait-ce que parce que j'ai eu l'occasion d'en manger quand j'étais  en vacances sur la côte Sud.  Mais aussi parce que nous avons tout de même la chance à Paris d'avoir plusieurs établissements spécialisés dans le quartier de Montparnasse. Je pense en particulier à Josselin.

Le patron de m'a fait découvrir la galette de pomme de terre, comme celle que faisait sa grand-mère. Il a quitté il y a trois ans la banlieue parisienne où il travaillait dans le secteur culturel pour se lancer dans l'aventure de la restauration et il propose une cuisine de terroir simple mais inventive, et surtout avec des produits de qualité.

Ce qui surprend en premier quand on pousse la porte de son établissement c'est le côté "comme à la maison". On se sent immédiatement invité comme dans une famille. Stéphane a mis en scène des objets qui appartenaient à ses grands-parents sans surcharger l'espace.




Sa décoration évoque les sports d'hiver au temps où les skis étaient encore en bois. Des dessous féminins en dentelle pendent dans une autre salle autour du mythique Petit Echo de la Mode, équivalent du magazine ELLE au siècle dernier. Des cafetières en tôle émaillé attendent de reprendre du service sur une desserte. Une  immense carte de France occupe la moitié d’un mur, comme autrefois dans les écoles communales.

Bientôt il accrochera d’anciens outils de jardin mais point trop n’en faut, il le sait.

Près du comptoir on remarque un fouet ancien, à spirale, ancêtre de nos batteurs électriques, qui servait autrefois à monter les blancs des œufs en "neige".

Pour s'en servir, il fallait appuyer dessus, puis remonter en faisant un cercle d'avant en arrière. La manoeuvre exigeait un certain tour de main. Je préfère celui qui est pourvu d'une manivelle et que j'ai utilisé il y a très peu de temps pour foisonner une mousse de chocolat. Un ancien gaufrier en tôle émaillée jaune, fixé sur un plateau est assez intrigant. Il est probablement toujours en 110 volts.

Les nappes à carreaux rouges et blancs invitent à prendre place et attisent l’appétit. Un pichet de cidre pression  Le Petit Fausset désaltère avant le premier coup de fourchette. Il doit son nom à celui de la cheville de bois placée sur le devant du fût et que l’on ôte pour goûter le bon cidre.
Il est produit par un artisan cidrier depuis 1948, labellisé agriculture biologique, Située dans des Landes du Mené, la cidrerie BARBÉ, quatorze fois médaillée au Concours Général Agricole de Paris depuis 1974, se pose comme ambassadrice du terroir Breton au savoir-faire reconnu. Avec sa gamme de cidres mais aussi son chouchenn "Chamillard" et sa liqueur exclusive "Bouchinot" ... que je n'ai pas goutée.  Quant à l’eau elle arrive dans un pot à lait résolument vintage.
La carte est traditionnelle avec une pointe d’originalité : blanc de poulet grillé épicé, poivrons, tomate, cheddar, oignon, citron. Voici par exemple la Mexicaine, accompagnée d’une salade généreuse et bien assaisonnée.
La Biquette, jambon sec, andouille, fromage de chèvre, Emmental râpé, sauce bleu, salade, noix, n'aurait pas été un mauvais choix non plus.
Quant à la galette de pomme de terre au blé noir, elle est toujours apportée comme un sandwich de deux galettes avec un fourrage. On peut la composer à la mesure de son appétit. Je ne souhaitais qu’un seul ingrédient, des champignons à la crème mais j’aurais pu demander jambon, lardons, poireau à la crème, oeuf, tomate, oignons, pommes de terre persillées, emmental râpé, fromage de chèvre, mozzarella, sauce bleu, sauce tomate maison ... voire même andouille artisanale. Le prix est en conséquence du nombre d'ingrédients demandés.
En dessert des crêpes bien entendu. La Normande est un délice, avec ses pommes caramélisées, caramel beurre salé, crème sucrée vanillée Chantilly, amandes caramélisées. Comme on peut demander une boule de glace on a voulu tenter le parfum mascarpone. Mais comme la cuisine a des goûts classiques c'est tout autre chose qui a été servi. C'était bon, on n'allait pas se plaindre, mais on ne saura jamais quel peut bien être le goût de cette glace mascarpone.
J’avais opté pour une coupe de glace et je me suis régalée du vrai goût de fruit de la mangue Alfonso d'Inde, sans rien cesser à la gourmandise avec la glace Palet breton et une boule de caramel au beurre et au sel de Guérande. Le choix est vaste et crèmes et sorbets proviennent d’un artisan de Lamballe.
Au final, une addition pour deux personnes en dessous de 30 euros. Rien à redire. La crêperie des Druides est placée sous de bons auspices. Vous pouvez y aller en confiance. Avant ou après avoir arpenté le quartier.
La crêperie est à deux pas de la Cathédrale Saint Etienne qui est une des neuf cathédrales historiques de Bretagne. Cette cathédrale forteresse a été édifiée du XIII au XVIII ème, sur un marécage avec des piliers en bois. Un siècle sépare la construction des tours (XIVème et XVème), toutes deux dotées de meurtrières. La Tour Brieuc est la plus basse et la Tour Marie la plus élevée.
Un peu plus haut dans la vieille ville se trouve Notre Dame d’Espérance. A vous de débusquer au détour d'une rue les maisons médiévales à pan de bois, dont l’avancée des étages met en valeur les sablières et les colombages.

Et si vous souhaitez de retour à la maison réaliser cette galette de pommes de terre au blé noir, en voici la recette :

175 g de pommes de terre
150 g de farine de sarrasin
10 à 20 cl d' eau
1 cuillère à café de gros sel (de Guérande si possible)
Du beurre

Tout d'abord, utilisez des pommes de terre pour purée que vous ferez cuire à la vapeur ou dans une casserole en robe des champs.
Une fois froides, épluchez-les puis passez-les au presse-purée ou écrasez-les bien à la fourchette.
Ensuite, tout comme une pâte à galette classique, mettez la farine, le sel et l'eau dans un saladier puis mélangez bien.
Rajoutez votre purée de pommes de terre dans le saladier. La texture finale doit ressembler à une pâte à gaufres donc un peu épaisse qu'une classique pâte à crêpe.
Laissez la préparation reposer pendant 1 h minimum.

Au moment de manger mettez une poêle à chauffer avec une bonne noix de beurre demi-sel.
Versez une louche de pâte, de quoi former une galette d'environ 15 cm.
Patientez quelques instants puis retournez la galette et faites cuire l'autre côté.
Renouvelez l'opération avec le restant de pâte.

Servez double comme au restaurant avec un fourrage.

Crêperie des Druides
1 Bis rue des 3 Frères le Goff
22000 Saint-Brieuc
02 96 33 53 00

Je l'appelais Monsieur Cocteau

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Quelques notes de piano, sans doute une des Gymnopédies de Satie.

Bérengère Dautun est dans la peau de  Carole Weisweiller. Elle raconte la première fois qu'elle se trouve face à celui qu'elle appellera toute sa vie "monsieur Cocteau". La scène se passe en 1949 à l'occasion du Silence de la mer. 

Carole n'a que 7 ans et demi et la "vraie" rencontre marque le début d'un coup de foudre d'amitié entre Cocteau et sa mère, Francine, épouse d'un banquier, qui fut l'amie, la muse et la mécène de l'artiste. Il séjourna souvent, de 1950 à 1962, dans sa villa Santo-Sospir à Saint Jean Cap Ferrat et dont il décora tous les murs.

Des vidéos des fresques réalisées par le poète à la villa montrent sa manière de travailler, très vite, à même le mur, sans croquis préalable, d'une main qui n'hésite jamais, en diluant la poudre dans du lait pour fixer la couleur. Difficile de croire qu'il ne se mit à peindre qu'à 60 ans.

La comédienne revient sur cette période et la présence discrète mais efficace de Guillaume Bienvenu devant ou derrière une toile qui fait figure de miroir, fait revivre l'éternelle, le charme et la fraicheur du poète : mon bonheur est simple, j'aime aimer.

On comprend son mode de fonctionnement, prêt à tout pour se faire aimer, puisqu'il ne s'aime pas lui-même. Il doute de tout : il n'y pas d'amour, que des preuves d'amour.

Le spectacle nous apprend aussi combien Cocteau détestait tous les aspects matériels de la vie. A travers ce récit on se dit qu'il n'a pas davantage su défendre ses possessions que sa réputation. Il avait pourtant les mots pour encourager l'enfant : Ce qu'on te reproche, cultive-le, c'est toi.
Ce qui est original c'est de réussir à souligner combien la poésie de Cocteau était celle de l'enfant qu'il est resté. Rien d'étonnant à ce qu'il ait été si bien compris par Carole qui l'a connu quand elle était très jeune : il avait l'air d'avoir enfilé par mégarde la peau d'un adulte.

On voit aussi l'église de Villefranche où le monde entier défila pour admirer le sanctuaire de sa mythologie.

Je savais combien Pablo Picasso s'était mesuré à Matisse mais j'ignorais sa rivalité avec Cocteau.

Bérengère Dautun a réalisé une adaptation très fine et sensible, bien servie par la mise en scène sobre et pudique de Pascal Vitiello avec lequel elle a l'habitude de travailler. C'était lui qui l'avait mise en scène dans Comtesse de Ségur, née Rosopchine qui sera repris en mars 2017 dans ce même studio Hébertot.

Je l'appelais Monsieur Cocteau
Adaptation de Bérengère Dautun
d’après le roman de Carole Weisweiller
Mise en scène de Pascal Vitiello
Avec Bérengère Dautun et Guillaume Bienvenu
Au Studio Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles 75017
01. 42. 93. 13. 04
Du mardi au samedi à 19h
Le dimanche à 17h

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Lot.

Célibataire longue durée de Véronique Poulain

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On pourrait ranger le roman de Véronique Poulain parmi les romans féminins. Il est plus que cela : féministe et drôle.

Célibataire longue durée est annoncé comme un premier roman. c'est tout de même le second livre de Véronique. J'y ai retrouvé la même énergie que celle qui l'avait poussée à écrire Les mots qu'on ne me dit pas.

Son inspiration est sans doute ici moins autobiographique, encore qu'elle porte la même initiale que son héroïne, que comme elle  elle a été secrétaire de star et a été licenciée, ce qui leur fait au moins trois points communs.

Admettons néanmoins que l'on a entre les mains un roman qui a dépassé le stade du récit. Peu importe puisque je l'ai adoré, littéralement.

À la veille de ses cinquante ans, Vanessa Poulemploi, la bien nommée, dresse un bilan catastrophique : Tout le monde autour de moi est mort. (...) C'est pas bon d'être avec moi. Ça porte malheur. (p. 14)

Elle va devoir relever un quadruple défi : se remettre d'une lourde opération chirurgicale, trouver du travail, un sens à sa vie et... se marier. Autant vous dire que ce n’est pas gagné.

Vanessa réagit comme elle a été formatée pour le faire, en faisant des projets et quand la situation devient vraiment désespérée elle passera aux listes. Oubliant au début du roman la dépression qui ne la terrassera que quelques jours, elle se jettera dans l'achèvement d'un roman et lancera des plans. Si, si , si ... avant de renoncer à l'un comme aux autres : anticiper, c'est se faire chier deux fois. Je décide donc que le principe de réalité n'existe pas, que le plaisir triomphera et que ma vie sera conforme au rêve que je m'en fais. (p. 87)

Elle expérimente l'amour virtuel et ses déconvenues. Elle essaie la Pole dance et ses courbatures. Elle expérimente Pôle Emploi et ses humiliations. Vanessa goûte à tout et attrape indigestion sur indigestion. En bref trouver un mec ET un nouveau métier à plus de 50 ans semble missions impossibles. elle comprends qu'on ne peut pas tout faire à tout âge, surtout au sien.

Elle a eu beau minimiser sa fonction, elle est retoquée par Pôle Emploi qui lui conseille plutôt de faire jouer son réseau, comme si elle n'y avait pas pensé toute seule. Le problème c'est que Vanessa est toujours restée à sa place. Transparente. (p. 43)

Faible et lâche à la fois. Elle confie à sa psy qu'elle en a marre d'être deux personnes à la fois. La Vanessa qui se prend pour Miss Monde, grande gueule et fonceuse. Et l'autre la serpillière, qui s'écrase comme une merde, qui courbe l'échine jusqu'à lécher la moquette (...) qui est en colère contre elle et se trouve pathétique. (p. 33)

Les difficulté font vaciller Vanessa comme vous et moi. La grande différence c'est que si elle tombe bas elle se relève assez vite. Sa plume virevolte, ne craignant pas les idées folles nourries par une vitalité qui devient contagieuse. Véronique a la capacité de faire sourire et rire, ce qui est rare en littérature. Son livre pourrait être prescrit par la médecine, avec une efficacité garantie supérieure à une tablette de P... ou à une dizaine de séances chez un psy. L'investissement est autrement plus rentable.

Son héroïne cinquantenaire est animée d'une vitalité hors du commun, c'est vrai, mais elle peut être contagieuse. On a toutes un peu de Vanessa en nous. Il suffit de l'écouter : Je n'ai pas besoin de partager ma vie avec un homme, j'en rêve, j'en ai envie, mais pas besoin. (p. 172)

Ce n'est pas la psy qui va trouver la solution. Heureusement, les copines existent. Et Greta vaut de l'or.

Véronique Poulain confirme jusqu'au dénouement la naissance d'une auteure qui va compter. J'espère que rien ne l'arrêtera sur cette lancée.

Célibataire longue durée de Véronique Poulain, Stock, en librairie depuis le 4 mai 2016

Et pendant ce temps Simone veille!

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Il y a des spectacles qui sont plus qu'une distraction. Qui par exemple apportent une vraie réflexion sur des problème de société. C'est le cas de la pièce (très bien) écrite par un collectif de femmes.

Elle est non seulement rigoureusement exacte sur le plan historique (les hommes auraient pointé toute erreur depuis longtemps s'il y avait la moindre faille), mais elle est aussi extrêmement drôle, tant par l'humour des répliques que par le jeu des actrices.

Et pendant ce temps Simone veille! est un hommage à toutes les femmes et à la Ministre de la Santé qui, sous le gouvernement de Giscard d'Estaing, a porté le projet de libéralisation de l'avortement. Une loi d'une autre envergure que celles qui sont débattues en ce moment, même si on veut nous les faire avaler comme emblématiques d'une société en mouvement.

Simone Veil est d'ailleurs venue voir la pièce avec l'émotion qu'on imagine aisément.

Savez-vous que le carnet de chèques a été inventé en 1865 alors que ce n'est qu'un siècle plus tard qu'une femme obtient le droit d'ouvrir un compte en banque et d'exercer une profession sans l'autorisation de son mari ?

Pour "faire tourner " les usines pendant la première Guerre mondiale les femmes n'ont pas eu besoin de l'autorisation des hommes (trop heureux de pouvoir les exploiter). Pourquoi leur ont-elles rendu leur tablier sans mot dire à leur retour. On ne leur accorda rien en remerciement du service rendu. La Libération n'a pas concerné tout le monde.

Il faudra attendre une guerre de plus et la reconnaissance de De Gaulle pour que le droit de vote leur soit accordé dans notre pays. La politique demeurera malgré tout une chasse gardée masculine.

Le féminisme (qui n'est pas l'inverse du machisme) est un mouvement historique qui a été rendu nécessaire en premier lieu par l'éducation. On n'a pas de quoi être fières de nos aïeules mais alors qu'elles clament que les filles sont plus dégourdies que les garçons elles les élèvent dans le culte du foyer et des objets ménagers.

Des images d'archives sont projetées en appui des dialogues. Il est difficile de croire qu'elles sont authentiques tant on a l'impression de voir des clichés. Aucune n'a été recontituée pour la pièce. Tout est vrai.

En 1799 porter un pantalon est un délit. En 1909 l'autorisation est donnée aux femmes à condition par exemple d'être cavalière et cette stupide loi n'est abrogée que le 31 janvier 2013. Je me souviens de la tentative de mon premier employeur m'interdisant l'accès au magasin au motif que j'étais en pantalon.

Je n'étais que lycéenne mais j'avais été très choquée et pour ne pas perdre le salaire de la journée j'ai accepté de porter une jupe de flanelle grise à plis sans craindre le ridicule ni la chaleur (c'était un job d'été).

Et quand j'entends siffler des jeunes filles dans les cités parce qu'elles sont en jupe je me dis que les temps ont changé ... pas nécessairement en bien.

L'avortement était un crime dans les années 50. Pas question d'en parler sur un banc public. Le droit de divorcer est accordé mais le Code civil imposé par Napoléon exige encore l'autorisation du père pour se marier. Quand un homme adultérin est passible d'une amende, une femme risque la prison.
Une chanson marque chaque changement de décennie, On reconnait la musique de Bambino réécrite Ma petite libido par Trinidad. Arrivent les années 70 marquées en Avril 1971 par le manifeste des 343 salopes qui fera la une de Charlie Hebdo.

Les trois comédiennes discutent sur l'air de la série télévisée des Drôles de dames pour évoquer le procès de Bobigny et surtout la loi Neuwirth qui libéralise la pilule contraceptive. En 1975 la loi Veil  autorise l'avortement. L'ONU créé le 8 mars de cette même année la journée internationale de la Femme qui ne sera officialisée en France qu'en 1982.

C'est sur la musique des Rois mages chantés par Sheila que sont racontés les voyages vers des pays libéraux accordant l'avortement. Edith Cresson, première femme Premier Ministre, ne tiendra que 11 mois au gouvernement en 1991. Les jupettes d'Alain Juppé ne feront guère mieux en 1995.

Octobre 1981, autre révolution, médiatique cette fois. Christine Okrent présente le journal télévisé de 20 heures (en alternance avec un homme). Scandale du voile en 1989 aboutissant en 2004 à la loi interdisant les signes religieux ostentatoires. Autre scandale, sanitaire avec la reconnaissance de la dangerosité de 14 000 prothèses en silicone en 2012, faisant dire aux comédiennes que voile ou silicone, les femmes sont toujours dans le désir de l'homme.

Le mariage pour tous marque un progrès mais comme son nom l'indique il concerne les deux sexes.
Les progrès sont pointés mais il reste beaucoup à faire encore dans les années 2010. Les chiffres ne font plus rire. Une femme violée toutes les 7 minutes. On a prôné en 1970 le partage des travaux domestiques mais ce n'est qu'en 1996 qu'on affirma le principe du salaire égal pour un travail égal, sans pour autant l'appliquer puisqu'en 2016 les salaires des femmes sont, à travail égal, inférieurs de plus d'un quart à ceux de leurs homologues masculins.
Il y a encore un bout de chemin à faire pour devenir non pas identiques, mais égaux et complémentaires. Encore avancer et surtout ne pas reculer. Le féminisme doit rester actif mais il peut être drôle et c'est une des qualités de ce spectacle qui a été très applaudi par un public mixte.

Je n'ai d'ailleurs pas entendu une seule critique de la part des hommes. Ce spectacle provoque un enthousiasme et des émotions partagés. Le texte est intelligemment féministe, humain, très humain, et d'un humour très élégant. Il est proposé à la sortie. Le jeu des comédiennes sert le sujet à la perfection.

Et pendant ce temps Simone veille!
De Trinidad, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Corinne Berron
Mise en scène et Création lumière : Gil Galliot
Avec Trinidad, Fabienne Chaudat, Agnès Bove, en alternance avec Anne Barbier et Serena Reinaldi
Direction musicale : Pascal Lafa
Textes chansons: Trinidad
Au Studio Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles 75017
01. 42. 93. 13. 04
Jusqu'au 26 Juin 2016
Du mardi au samedi 21h
Le dimanche à 15h

Vous pourrez la voir cet été en Avignon.
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont ©Jogood

Le Vauquelin, une des bonnes adresses de Falaise (14)

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Si vous passez quelques jours en Normandie à l'occasion des week-ends de mai, notamment pour découvrir le nouveau Mémorial dédié aux victimes civils des guerres, inauguré il y a quelques jours à Falaise je vous conseille un "petit" restaurant qui propose un déjeuner plutôt sensationnel ... 

Le seul reproche à lui faire serait d'être hélas à deux heures de train de Paris.

Vivre à Paris a ses avantages et ses inconvénients. Nous avons d'excellentes tables mais pour ce qui est du rapport qualité-prix il faut reconnaitre que les régions se placent très très loin devant.

Situé face à la Poste, Le Vauquelin propose chaque semaine trois menus différents dans le mouvement actuel de bistronomie, heureuse combinaison de brasserie et de gastronomie.

Il en fait la brillante et savoureuse démonstration dans un décor un peu désuet, rassemblant une série d'outils anciens dans un décor contemporain gris et rouge.
Il n'y a pas d'accumulation. Chaque objet est mis en valeur. Chaque publicité est un clin d'oeil à notre époque et surtout la qualité n'est pas sacrifié pour la mode.
Le menu se compose de trois entrées également tentantes. Elles changent chaque semaine. Il peut y avoir un Gaspacho du soleil :
Un Mille-feulles fraicheur du printemps
Comme une Terrine de poulet-légumes de saison,
apportée tiède sur son ardoise.
On aurait pu hésiter entre le poisson rôti et son coulis italien ou l'assiette de Monsieur Seguin, composée autour de crottins de chèvre. Mais personne n'avait le courage de revendiquer une volonté végétarienne.
Le Quasi de veau et son jus de pleurottes a fait l'unanimité des convives. Le petit goût de noisettes de la purée de pommes de terre était si singulier, si réussi, que j'ai demandé au chef quelle variété il avait employé, la Melody, qui a la particularité d'être tardive. Une viande aussi tendre est une rareté à souligner.
Assiette de fromages, Gateau renversé-poires-granola, ou sablé breton-citron-fruits rouges, prouvant qu'on n'est pas chauvin en Normandie figuraient sur la carte des desserts.
J'ai opté pour le Fantastique crousti-crémeux-chocolat et pistache. Tout simplement parfait. Nous avons bu (avec modération) du cidre mais cette bouteille de Saint-Amour témoigne que le patron sait faire de bons choix.
Une lessive promettait de laver plus blanc au milieu du XX°siècle. Il existe peut-être un secret rapport avec les recherches du pharmacien et chimiste normand, Louis-Nicolas Vauquelin, (1763-1829). Il découvrit notamment deux éléments chimiques, le chrome et le béryllium.
Le Vauquelin peut se vanter de régaler goûteusement.

Le Vauquelin
2 Rue Vauquelin, 14700 Falaise
Téléphone : 02 31 42 66 26
Possibilité de manger en terrasse l’été.
Fermeture le dimanche et le lundi midi.

Gelsomina d'après la Strada de Fellini

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Le spectacle a été créé dans sa première version par l'auteure Pierrette Dunoyer en Avignon en 1992 avant de confier le rôle à d'autres comédiennes ensuite. Nina Karacosta l'a repris l'été dernier en Avignon et la voici qui arrive au Studio Hébertot.
Gelsomina, c'est l'histoire de cette femme enfant naïve et généreuse, vendue par sa mère à un hercule de foire brutal et obtus, Zampano, qui accomplit un numéro de briseur de chaînes sur les places publiques. 
A bord d'un étrange équipage, une moto à trois roues aménagée en roulotte sans confort, le couple sillonne les routes d'Italie, menant la rude et triste vie des forains. Zampano ne cesse de rudoyer sa compagne et de la tromper sans vergogne. Elle éprouve cependant un certain attachement pour lui et s'efforce de lui plaire avec une touchante obstination.
La Strada est un film qui a été présenté, en noir et blanc, en 1954 à la Mostra de Venise par Federico Fellini. Faire revivre son héroïne si brillamment et si subtilement interprétée par Giuletta Masina (qui était tout de même l'épouse du réalisateur) était un pari osé. Le spectacle a bénéficié du soutien et des conseils de Federico Fellini et de Giulietta Masina qui ont pu apprécier l’œuvre juste avant leurs décès en 1993 et 1994.

Ce film est un des moments très forts que le cinéma a fait vivre à Nina. Elle se souvient de la projection à laquelle elle a assisté avec sa mère. Elle avait 8 ans. Après Pierrette Dunoyer, elle réussit haut la main à faire revivre la femme-enfant. Sans nul doute parce qu'elle a beaucoup de talent, mais aussi parce qu'elle est une Gelsomina toute en candeur et en joie de vivre. Son interprétation est à la limite de la maladresse et c'est ce qui fait toute son humanité. Elle est extrêmement touchante et les paroles résonnent avec justesse : est-ce que ça s'apprend, devenir une femme un jour ?

Nina Karacosta chante en italien, avec un léger accent charmant, depuis les coulisses et quand elle entre sur le plateau, pieds nus, elle est déjà Gelsomina mais elle sera tout à l'heure les autres protagonistes, réussissant à la perfection à interpréter plusieurs rôles ou à nous faire revivre des scènes d'anthologies comme la marche du funambule sur un fil à quarante mètre de hauteur.

Etait-ce une erreur ou une volonté de l'éclairagiste, mais la salle n'était pas plongée dans la pénombre le jour de ma venue ? Toujours est-il que cette disposition a pour heureuse conséquence de rendre le public partenaire. Il est embarqué sur la route avec la comédienne.

Il y a eu quelques instants où un faisceau rouge tombait en aplomb de son visage, comme si elle portait un nez de clown. Effet très heureux.

La toile peinte du décor est une évocation de la campagne toscane. Elle suffit à nous faire voyager. Un squelette de vélo git à coté d'une sorte de caisse. L'ensemble deviendra triporteur figurant la carriole des circassiens.

Nina semble prendre une sorte de revanche sur le personnage de Gelsomina. Fellini lui avait donné peu de dialogues. A l'inverse la comédienne, intarissable, enchaine confidence sur confidence, osant dire la peur, la maltraitance, les violences de toutes sortes ... et puis les petits bonheurs comme celui d'apprendre à jouer de la trompette et surtout à exister ... enfin. Pour conquérir ne serait-ce qu'un tout petit bout d'estime de soi, parce qu'un même si on est un tout petit caillou on sert à quelque chose.

On quitte la salle avec la musique de Nino Rota toujours en tête mais quelques nouvelles images en plus.

Gelsomina, de Pierrette Dupoyet
d'après La Strada de Fellini
avec Nina Karacosta
Directeur d'acteur : Driss Touati
Jusqu'au 3 juillet 2016
Le samedi à 17h, dimanche à 19h
Au Studio Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles 75017
01. 42. 93. 13. 04

Photo de Rachele Cassetta.

Le château de Berne invité à l'Hexagone

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On le voit surgir un peu partout dans la ville, le rosé s'impose pour nous rappeler que même si la météo n'est pas raccord c'est bien l'été qui se profile sur le calendrier.

Il y a rosé et rosé. Je ne veux pas entrer dans la distinction entre le Rosé rosé, le rosé qu'on appelle Gris mais vous conviendrez qu'il en existe une large palette et même aussi du bas de gamme qui vous fait la tête au carré et qui ne contribue pas à la réputation de la catégorie.

Les vins Château de Berne sont très différents et on comprend qu'un établissement aussi prestigieux que l'Hexagone ait décidé de les mettre à l'honneur pendant tout le mois de juin.


Situé au 85 avenue Kléber, à quelques pas du Musée de l'Homme récemment rénové, le bar proposera un verre de Terres de Berne, de Château de Berne ou d'Initiale, ou encore de Château des Bertrands, histoire de faire voir la vie ... en rosé et consoler de n'avoir pas été sur la Croisette au moment du Festival.
Il n'est pas facile à photographier mais il ne faut pas s'arrêter à ce détail. Ma préférence va au Château de Berne rosé pour sa robe rosée légèrement saumonée et ses reflets irisés. Pour ses arômes très nets de fruits à chair jaune et de zestes d’agrumes. Pour sa note finale florale qui selon moi est indispensable pour un tel vin.

Comme il n'est pas question de le déguster le ventre vide je vous conseille de picorer quelques Cannellonis de foie gras et condiment pomme verte spécialement créés pour l'occasion par les chefs Mathieu Pacaud et Julien Lefebvre.

N'étant pas du genre à faire cruellement saliver mes lecteurs, surtout ceux qui vivent en région je vais en donner la recette même si de toute évidence il est impossible d'égaler le talent du créateur.

Ingrédients :
2 feuilles de brick, un peu de beurre clarifié
30 cl de crème fleurette, 30 gr de foie gras mi-cuit
2 Granny smith, 50 cl d’eau
65 gr de sucre, une branche d’Apple Blossom, sel et poivre

Tailler 4 rectangles de feuille de brick, les badigeonner de beurre clarifié. Les rouler autour de petits cylindres (en cuivre par exemple). Les disposer sur une grille et enfourner à 180°c pendant 6 minutes. Retirer soigneusement les cylindres et réserver.
Monter la crème bien serrée et réserver. Mixer le foie gras puis l’incorporer à la crème montée. Rectifier l’assaisonnement si nécessaire. Mettre la mousse en poche et réserver.
Couper une petite partie de pomme en bâtonnets et réserver. Eplucher et tailler le reste en petits morceaux. Réaliser un sirop : disposer l’eau et le sucre dans une casserole et porter à ébullition. Y verser les morceaux de pomme et laisser cuire à feu doux jusqu’à évaporation complète de l’eau. Mixer et réserver en poche munie d’une petite douille.
Farcir le tube de mousse de foie gras. Dresser un trait de condiment pomme sur toute la longueur du tube. Y ajouter quelques bâtonnets de pomme et quelques fleurs d’Apple Blossom.
Si vous avez le "coup de main" vous obtiendrez quelque chose qui ressemblent à cela. D'autres bouchées ont été pensées spécialement par le chef pour se marier avec chaque vin, comme les Croustillants de petits pois à la française qui figurent en haut de l'article. Elles seront donc aussi proposées pendant le mois de juin avec les vins.
Il y a aussi une Estouffade de mousserons des prés servie tiède, une Tartelette de cœur de saumon de l‘Adour, crème infusée aux citrons et un Marbré de foie gras et céleri au pain d'épices dont je communiquerai volontiers les recettes et photos si vous me les demandez par mail à abrideabattue@orange.fr en vous indiquant avec quel vin déguster, en toute modération cela va de soi.

Ces rosés sont des vins "tendus" et il convient d'amener du gras pour qu'ils révèlent tout leur potentiel. c'est ce que m'a expliqué Julien Lefebvre, ancien second du Pré Catelan, et chef exécutif de l'Hexagone. 
Ces petites choses délicieuses ne seront pas proposées à la carte du restaurant. Mais les vins Château de Berne rosés et blancs figureront à sa carte pendant cette période et je peux vous dire que la lecture du menu pourrait à elle seule constituer une séance poétique.

Je vous livre au hasard un florilège de plats avec entrée, poisson, viande (chacun prévu en demi-portion pour satisfaire les papilles sans peser sur l'estomac ... enfin demi, c'est le chef qui le dit parce que les assiettes restent copieuses pour notre plus grand plaisir) et dessert :

Maltaise : Asperges blanches, sabayon d'orange sanguine, lard de Colonnata, suprêmes d'agrumes
A la française : Rouget de roche, nuage d'oignons doux, poudre de Romaine, salmigondis de petit-pois
Epigramme : Agneau de lait, artichaut à la grecque, croute de paprika, bille de coriandre
Mille-Feuille : Crème légère vanille, opaline caramélisée, compotée de pommes, sorbet concombre menthe Suisse

On revisite à l'Hexagone les grands classiques de la gastronomie française en osant des techniques modernes et un dressage plus contemporain.

Au passage je rappelle que les menus déjeuner (du mardi au vendredi) sont à un rapport qualité-prix particulièrement attractif et permettent d'apprivoiser en quelque sorte un lieu que l'on a envie de découvrir. En plat le filet de canette de Chalans comme le filet de lieu confit des frères Jégo sont des propositions alléchantes.
Pour ma part je les vois l'un comme l'autre avec un verre de Cote de Provence rouge, Grande Cuvée Hubert de Boüard, 2012. Parce que j'ai apprécié sa robe couleur rubis, et que la bourguignonne que je suis a retrouvé des arômes de cassis que j'aime particulièrement, avec aussi des notes d'amandes grillées et un boisé élégant.

Comme on veut que le client ait une action dans le repas un chariot de 5 garnitures légumières se déplace entre les tables et chacun choisit ce qui lui convient. Il n'y a que des légumes de saison. Ces jours-ci des artichauts poivrade, pommes boulangères, chou-fleur crème curry, carottes confites. Le changement a lieu tous les quinze jours, ce qui réserve des surprises.

La carte des vins est orchestrée par Frédéric Turpeau, ancien sommelier des tablettes de Nomicos et de la Tour d'argent, avec une sélection de vins au verre d'une soixantaine de références parmi lesquelles les vins de Château de Berne seront à l'honneur en juin.

Quelle que soit la couleur, rosé, blanc ou rouge, on pourra presque se sentir déjà en vacances à l'Hexagone, avant, pourquoi pas, de s'aventurer plus loin vers le Sud, directement au Château de Berne, Hôtel & Spa, Route de Salernes 83510 Lorgues (04 94 60 43 60).

Ça n'arrive pas qu'aux autres

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Je sais d'avance qu'on va me reprocher d'avoir (mauvais) goût. Je suis capable de goûter une pièce jouée à la Comédie française (où elles ne sont pas toutes excellentes d'ailleurs à ce que j'entends en ce moment) comme d'apprécier une comédie franchement premier degré.

Je suis allée voir Ça n'arrrive pas qu'aux autres parce que je tenais à avoir une opinion personnelle du jeu de Nicolas Martinez parce qu'il est nommé dans la catégorie "révélation masculine" pour les Molières. Comme je vais assister à la soirée il me semble plus sérieux de savoir de qui on parlera.

Avec une soixantaine de pièces sur mon agenda depuis septembre dernier je n'ai pas (pas encore mais je rattrape, je rattrape) vu la liste entière. J'avoue que je n'aurais pas pensé spontanément à aller au Café de la gare.

C'est pourtant un lieu hautement historique que l'on doit à  la volonté de Sotha, Miou-Miou, Patrick Dewaere, Jean-Michel Haas, Henri Guybet, Coluche, Catherine Mitry, Gérard Lefèvre, Romain Bouteille. Ils ouvrent une première salle en juin 1969 à Montparnasse. Elle s'avère trop petite (moins de 200 places) et la bande migre pour un ancien relai de poste, dans une arrière-cour de la rue du Temple en 1972.

Aujourd'hui co-dirigé par Sotha et Philippe Manesse c'est devenu un théâtre privé de 300 places. L'esprit des fondateurs flotte encore dans les lieux qui ne semblent pas avoir vieilli.

Pour apprécierÇa n'arrive pas qu'aux autres il faut se laisser porter par le jeu des acteurs qui va crescendo depuis une relative normalité jusqu'à la folie dévastatrice.

Les quatre acteurs ne quittent jamais la scène et jouent sans répit. ils composent deux couples que tout apparemment oppose : des parisiens en quête d'une petite maison à la campagne et des provinciaux criblés de dettes et carrément borderline.

Les premiers sont pressés de visiter l'endroit pour vérifier s'il correspond à leur idéal. Les seconds préviennent qu'ici c'est pas l'Eldorado, voilà c'est dit. Mais ils les ont piégés et vont s'amuser d'eux comme des chats titilleraient des souris. Dès que l'on pense que la situation va se rétablir elle dérape de plus belle.
Certes, le jeu de Nicola Martinez est "forcé" mais il sait faire rire alors pardonnons lui les excès qui collent à la peau de son personnage. Sa compagne, Pascale Oudot lui donne la réplique sur la même longueur d'onde avec beaucoup d'énergie. Je l'avais vue il y a quatre ans dans le Roi nu de Philippe Awat. Ariane Boumendil n'est pas en reste et se révèle de plus en plus déjantée.
Apparemment solide, Benoît Moret pètera littéralement les plombs à la fin d'une soirée cauchemardesque qui m'a fait penser à Horror.

On aime ... ou pas. C'est absurde mais cohérent et cela fait du bien de rire du malheur des autres. C'est aussi cela le théâtre !
Ça n'arrive pas qu'aux autres
Comédie de Benoît Moret, Nicolas Martinez
Mise en scène : Benoît Moret, Nicolas Mattinez
Avec Nicolas Martinez, Pascale Oudot, Ariane Boumendil, Benoît Moret (et Guillaume Clerice en alternance)
Théâtre du Café de la Gare
41 rue du Temple  75004 Paris
01.42.78.52.51
Jusqu'au 21 mai 2016

Une pizza à l'épeautre

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J'ai toujours "pour dépanner" de quoi faire une pizza parce que tant qu'à faire de manger ce type de repas je préfère la préparer moi-même que réchauffer un truc surgelé même s'il y en a sans doute d'excellentes.

J'ai déjà eu l'occasion d'employer les préparations Mon Fournil. Ce soir ce fut la pâte à pizza à l'épeautre Bio.

Le sachet dose est conçu pour 2 pizzas (rondes précise l'emballage mais on peut la faire  en carré ou en losange ... il y a des mentions comiques parfois ...). Il est tout à fait possible de peser la moitié pour ne faire qu'une seule pizza. Cela m'est arrivé plusieurs fois.

Mélanger le demi-sachet à 100 ml d'eau et 1 cuillère à soupe d'huile d'olive est à la portée de tous. Dans l'idéal il faut laisser reposer à l'abri de l'air avant d'étaler (de la forme souhaitée).

Comme garniture j'ai cette fois préparé un coulis à base d'oignons et de grosses tomates cerise. Elles sont plus parfumées que les tomates classiques. J'ai ajouté sur la pâte des morceaux de mozarella et des tranches de tomates fraiches, puis des olives noires.

Après 20 minutes de cuisson th 7 (mais on pourrait faire un peu moins) quelques feuilles de basilic frais et des câpres à queue dont je raffole, il n'y avait plus qu'à déguster. Une assiette de jambon complétait le repas.

Avantages : la farine est Bio, et contient moins de gluten qu'une farine classique (mais elle n'est pas garantie sans gluten). Seul bémol : l'épeautre donne un goût un peu sucré avec lequel il faut composer en terme de garniture. Peut-être en allant carrément dans une version sucrée de la pizza.

Maris et femmes

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L'actu (comme on dit pour montrer qu'on serait branché) de Woody Allen est cannoise et parisienne. Je vais vous le dire tout de go, autant je peux aimer l'artiste au cinéma, autant je ne peux pas le défendre avec le même enthousiasme quand ses dialogues sont adaptés pour le théâtre.

La légèreté surréaliste de Midnight in Paris m'avait enchantée en 2011. Le culte de l'absurde développé dans To Rome with love m'avait déroutée l'année suivante. Woody Allen est un auteur surprenant qui utilise le terreau fertile de ses propres déconvenues pour analyser sa propre vie, certes avec dérision, mais surtout avec nombrilisme.

On ne peut pas dire que, à l'inverse de Molière, il touche à l'universalité du genre humain. On conviendra à la rigueur qu'il décrit un certain microcosme new-yorkais, quasiment un quartier d'ailleurs. Et comme on le sait New-York n'est pas l'Amérique, encore moins la France.

L'affiche du spectacle reprend les codes de celle du film qui date tout de même de 1992. La société a beaucoup changé depuis. Les remises en question conjugales n'attendent plus l'anniversaire des trente ans de vie commune pour se mettre en route. Des clichés ont été si souvent traités qu'ils ont perdu tout effet de surprise comme ... les apparences du bonheur et la rupture amiable, et surtout le quinquagénaire tombant sous le charme de sa jeune étudiante.

Et puis même si Marc Fayet (Gabe Roth) et Florence Pernel (Judy Roth) sont d'excellents comédiens, ils ne font pas oublier Woody Allen et Mia Farrow. Ni José Paul (Jack) Sydney Pollack. Le challenge était de taille et je ne suis pas certaine que le respect de l'écriture woodyallienne ponctuée d'interjections ait été une bonne idée.

Il en résulte des dialogues qui se répondent mécaniquement sans instaurer une véritable conversation. J'ai entendu le public s'en plaindre à la sortie, tout comme de la hauteur des voix. Forcer le ton gomme l'humanité qu'on aimerait voir se dégager des personnages. Le décor, évoquant pourtant astucieux une sorte de skyline que l'on pourrait situer à La Défense comme dans n'importe quelle grande métropole, est plutôt austère malgré des éclairages savamment dosés.
Jack et moi, nous nous séparons et on va très bien ! est une entrée en scène qui n'émeut pas.
La vie est un patchwork de renoncements ! n'est pas davantage une conclusion qui ouvre des horizons.

Je n'ai pas éprouvé d'empathie pour ce type d'états d'âme. N'aimant pas rester sur une impression aussi mitigée je promets de revoir la version cinématographique de Maris et femmes tout en ayant conscience qu'elle a du prendre un "coup de vieux" depuis le tournage, en 1992, avec Mia Farrow, Judy Davis, Sydney Pollack et Juliette Lewis. Je pourrai au moins juger le texte suivant la direction d'acteurs du réalisateur dans sa version "originale".

Adapter le cinéma au théâtre est périlleux, l'inverse est moins difficile. La comédie est au théâtre un genre particulier. Laissons au cinéma ce qui vient du cinéma. Et n'oublions pas qu'il existe des auteurs français contemporains, comme Courteline ou Georges Feydeau. La Pépinière annonce la création du Système Ribadier dans quelques jours. A suivre ...
Maris et femmes, de Woody Allen
Adaptation : Christian Siméon
Mise en scène : Stéphane Hillel
Avec Florence Pernel, José Paul, Hélène Médigue, Marc Fayet, Astrid Roos, Emmanuel Patron et Alka Balbir
Théâtre de Paris – Salle Réjane
Du mardi au samedi à 21h matinée le samedi à 17h matinée le dimanche à 15h00
Nominé aux Molières 2016 dans la catégorie Comédie
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