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Et les rêves prendront leur revanche d'Hugues Royer

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Certains livres apparaissent "tout nus" en librairie. D'autres bénéficient de parrains et marraines et sont bénis au champagne avant de faire leur entrée sur la scène. C'était le cas pour le nouveau livre de Hugues Royer qui a fait l'objet d'un lancement très médiatique.

J'ai croisé à l'hôtel Montalembert Géraldine Beigbeder, Michel Drucker, Evelyne Dress, Philippe Harel, François Bayrou, le père Alain de la Morandais, magnifique dans une veste de velours noir, et puis Tristane Banon toute fraiche et pimpante sortie de maternité qui avec sa fille Tanya semblait être la vedette de la soirée.

La présence d'Hugues Royer était finalement assez discrète alors qu'il devait être le héros en toute légitimité. D'abord parce que la soirée lui était dédiée et surtout parce que c'est quelqu'un de profondément sincère.

Avoir des amis célèbres ne diminue en rien son talent. Cela aide à attirer l'attention sur sa dernière oeuvre, mais son recueil de nouvelles, intitulé Et les rêves prendront leur revanche, sait parfaitement se défendre tout seul.

Ancien professeur de philosophie, Hugues Royer est aujourd’hui journaliste. Il a publié plusieurs romans, essais et biographies. Avec ce dernier livre il renoue avec une écriture plus personnelle au travers de textes qui flirtent avec l'univers du conte et qui dégagent quelque chose de l'ordre du fantastique.

On sent l'influence que les grands philosophes exercent sur cet auteur qui cite Kant, Hegel, Spinoza ... On croise, c'était inévitable, des personnalités du monde de la chanson et de la télévision que l'on reconnait très vite derrière leur pseudonyme. Il n'est d'ailleurs pas indispensable de savoir de qui on parle. Sauf pour la Calomnie (p. 137) parce que c'est important de rétablir la vérité. C'est un texte que j'ai beaucoup apprécié. Je vous recommande aussi Garde à vue, qui est presque terrifiant.
Hugues Royer traite de sujets brûlants comme la crise économique, le harcèlement en entreprise, la prégnance de l'intelligence artificielle, la religion, qu'elle soit vécue avec foi, ou envisagée comme planche de salut. Il regarde la maternité et la paternité du côté des enfants ou se place du coté des adultes. Arracher la reconnaissance de ses ascendants peut conduire très loin.
Toutes ses nouvelles ont en commun la poursuite d'un but, plus ou moins conscient, la (re)conquête d'une paix intérieure. La lecture est facile et on se laisse happer très vite. On referme le livre en se disant que la vie obéit à un mouvement de balancier qui ne se stabilise pas facilement.

Hugues Royer a été heureusement inspiré par cette phrase de Saint-Exupéry qu'il a faite sienne : "Fais que ton rêve dévore ta vie, afin que la vie ne dévore pas ton rêve." Le respect de soi et l'intégrité sont des valeurs qui sont portées par son écriture.
Et les rêves prendront leur revanche de Hugues Royer en librairie depuis le 15 octobre 2015

3ème édition de l’Outsider Art Fair

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La petite a grandi. Elle prend ses quartiers dans un nouveau lieu pour pouvoir accueillir plus de galeries et toujours le meilleur de l’art brut et de l’outsider art en off de la Fiac.

Après deux éditions françaises couronnées de succès dans un hôtel parisien, l’Outsider Art Fair déménage donc dans l’ancien hôtel particulier du Duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, pour une 3ème édition élargie. L'Hôtel du Duc, érigé dans les années 1850, est un véritable espace d’exposition de 1000 m2 au coeur de Paris, proche de l’Opéra Garnier, sur trois étages avec parquet, miroirs et moulures d’époque, une architecture classique et chargée d’histoire.

Foire de référence de l’art brut et outsider installée depuis 23 ans à New York, l’Outsider Art Fair, dirigée par Rebecca Hoffman, poursuit son développement avec 36 galeries internationales.

Institution partenaire, la Halle Saint Pierre y installe sa librairie de référence hors-les-murs, et propose une sélection de livres, de catalogues et de revues, ainsi que des ouvrages inédits disponibles pour la première fois en France. Revue de référence pour l’art brut international, Raw Vision est également pour la première fois partenaire de la foire et proposera un stand dédié.
L’Outsider Art Fair met les créateurs du monde entier à l’honneur en continuité avec son édition new-yorkaise. On y trouve des oeuvres de personnalités déjà reconnues comme Shinichi Sawada, qui est un des artistes les plus emblématiques de l’art brut japonais, mais aussi une sélection d’artistes singuliers découverts par les galeristes et parfois jamais montrés en France.

Je n'ai pas la prétention de faire cette fois ci un tour d’horizon exhaustif de l’art brut et de l’outsider art international. J'avais présenté l'essentiel lors de la première édition. J'ai choisi aujourd'hui de n'évoquer que trois artistes. Le hasard veut que ce soit des femmes. Il n'y avait là rien de prémédité.

La première était déjà exposée il y a trois ans. La deuxième est une artiste reconnue bien que peu célèbre et présente pour la première fois ici. La troisième est une totale découverte. Et je vais commencer par elle ...

Avec une parisienne de 91 ans qui bénéficie ici de sa première vraie exposition avec la présentation de pièces d'exception par la galerie Claire Corcia. Avec ses Figures d'ailleursSabine Darrigan nous entraine sur un territoire à la fois familier et différent, comme pour nous réconcilier avec l'ailleurs avec un travail empreint de spiritualité.

Elle a suivi un enseignement ménager auprès de religieuses, ce qui était assez banal dans les années 40. Elle est devenue enseignante et a créé un cours où ses élèves apprenaient à fabriquer des marionnettes.

Plus tard elle sera professeur de français à la cour du Danemark tout en suivant une formation de modéliste. Ses chapeaux puis ses masques auront un beau succès aussi bien en Scandinavie qu'à Paris où elle revient dans les années 50.

Son travail est extrêmement soigné, composé de tissus et matières précieuses, de perles et de galons. Chaque objet surprend par sa fraicheur. On le croirait exécuté avec du neuf. Son Moine, ci contre en gros plan, en témoigne. Cette figure totémique fait un peu plus de 140 cm de hauteur.

Sabine Darrigan a exposé brièvement dans une vitrine Hermès ou aux cotés de Jean Cocteau Galerie de l'Opéra, et parfois fugitivement dans une galerie. L'Outsider Art Fair pourrait être le tremplin qu'elle mérite.
Toute nouvelle dans cette manifestation, voici Marie-Rose Lortet, une jeune strasbourgeoise puisqu'elle n'a que 70 ans... Tout est relatif.

On reste dans le domaine de la haute couture, mais avec ici de "petits ouvrages tricotés". Remarquée par Jean Dubuffet, plusieurs de ses oeuvres ont été acquises par le musée de Lausanne. On la voit pour la première fois à l'Ousider Art Fair grâce au travail de sa galeriste Marie Finaz.

Elle présente des maisons en architecture de fils où le rapport à l'ombre devient sculpture, des miniatures (la souris M'as-tu-vue ?), des petites têtes et des masques (Mutin, ci-dessous) qui prennent des allures de visages. C'est remarquablement beau et délicat, semblant fragile au-delà du raisonnable.
Enfin, et toujours dans la précision du détail, Sabrina Gruss qui expose ses Cadavres exquis, Petites dépouilles et Défunts animés qui composent un peuple tout en os et sans couleur que l'on peut retrouver chez la galeriste Béatrice Soulié.
Je vous encourage à noter cette manifestation récurrente sur votre agenda. Allez-y cette année, l'an prochain, les deux. Ce sera à l'Hotel du Duc pour plusieurs éditions, toujours à la même période.
Outsider Art Fair
Hôtel du Duc
22 rue de la Michodière, 75002 Paris
Entrée libre
du jeudi 22 octobre 2015 au dimanche 25 17 heures
N.B. : les trois galeries citées sont parisiennes et accessibles toute l'année

La maison Barthouil de Peyrehorade a son comptoir parisien

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Le comptoir parisien de ce producteur du Pays Basque a ouvert il y a deux ans dans le Marais parisien, dans un immeuble multicentenaire où on croirait qu'il est installé depuis des décennies.

La devanture de Barthouil attire l'oeil gourmand des habitants du quartier comme des touristes. Ce sont les saumons qui exercent cet effet avec l'étendue de la gamme de couleurs.

Mais si la maison a un savoir-faire très prisé dans ce domaine c'est tout de même avec les foie gras que sa réputation s'est construite, quand Gaston Barthouil ouvrit une charcuterie en 1929 en plein centre de Peyrehorade pour y vendre ses jambons et ses foies. Il avait de qui tenir, son père était boucher.

Le fils Jacques travailla dans la continuité à coté de sa maman Carmen. Il reste présent aujourd'hui, et les photos révélant son amour pour les saumons, surtout celui de l'Adour, continuent de circuler mais ce sont ses deux filles Pauline et Guillemette qui sont désormais aux manettes, entourées d'une solide équipe.
La spécificité des foies commercialisés par Barthouil tient au choix exclusif de canards Picaillon, une race rustique à croissance lente, réclamant un tiers de temps de plus que les canards utilisés habituellement. L'animal, timide et fragile, grandit dans les fermes de 6 éleveurs-gaveurs qui sont en contrat exclusif. Ils sont nourris de céréales qui, de plus en plus, sont produites sur les exploitations.
C'est une soixantaine de références qui sont proposées, tous conditionnement confondus, ce qui représente une douzaine de spécialités. Comme le foie au torchon, qui s'imprègne des parfums pendant 5 jours dans un bouillon, ou le cuit sous vide "à ma façon". L'objectif est de concentré les arômes à l'intérieur. Voilà pourquoi, même si cela occasionne une perte de matière, on préfère maintenir l'éviscération à froid.

On a trop éloigné le consommateur du goût authentique en l'incitant à le servir avec des compotées souvent trop sucrées et des pains briochés. Rien n'est meilleur qu'une tranche de pain frais provenant d'un boulanger travaillant avec du levain.
La maison Barthouil célèbre l'automne avec une nouveauté où l'abricot et la châtaigne sont de discrets exhausteurs de goût. Ce foie est spectaculaire du point de vue de son goût et de sa longueur en bouche. On croit qu'on connait et on découvre qu'il nous reste des surprises à expérimenter ... en complément de ce qu'on a pu goûter par exemple au Paris Basque en juin dernier.
Il y a chez le canard un autre morceau royal qui est le magret. Juste séché et peu salé, fumé au bois d'aulne (photo de droite), on sent en bouche la finesse de la viande. Nul besoin d'être très inventif pour se régaler. par exemple avec une salade de haricots verts et quelques dés de foie gras. Accompagné d'un Jurançon blanc, sec, avec modération comme il se doit.
On n'y pense pas spontanément mais le salmis de cuisses est un plat de saison, proche du civet (le salmigondis désignait autrefois les ragoûts) que l'on cuisinait en retour de chasse avec des palombes ou des cols verts. Ici c'est toujours la Picaillon qui est plongé dans une sauce au vin de Bordeaux et de Porto rouge, réduite sans apport de bouillon, enrichi de poireaux et de carottes, et c'est peut-être le petit secret de son onctuosité, agrémentée d'un peu de chocolat.
On part du confit afin que le résultat final soit puissant, après avoir passé les cuisses au four pour enlever le surplus de gras. La conserve se réchauffe et se sert avec des pommes de terre ou des pâtes. Il en existe d'excellentes. Nicolas, le maitre des lieux, propose des Gentile, celles-là même que Carole Bouquet vient lui acheter. On peut lui faire confiance pour savoir choisir ce qui est le meilleur.

Ces pâtes proviennent d'une fabrique familiale de pâtes sèches à Gragnano, au sud de Naples, qui les tréfile sur bronze à partir de semoule de blé dur provenant totalement de cette région. Le séchage est  très lent, à l'air libre, sans utilisation de fours thermiques.
On est au paradis quand c'est bon .... Cette maxime pourrait figurer sur le tableau de la maison. Aujourd'hui c'est l'humour de Pierre Desproges qui est à l'honneur : entre une mauvaise cuisinière et une empoisonneuse il n'y a qu'une différence d'intention.
On n'entre pas ici en coup de vent. On aimerait d'ailleurs que la législation permette d'installer quelques tables dans l'arrière-cour pour tranquillement fair son choix en grignotant les spécialités.
Avant de vous parler des saumons on pourrait se focaliser sur une spécialité des cuisines grecque et turque, à base d'œufs de poissons, et souvent mangée, en France, sur des blinis. Outre les œufs, la préparation est aussi composée de lait, de jus de citron, d'huile et de mie de pain.

La maison Barthouil a commencé à travailler une recette de taramaà la demande d'un client qui voulait servir dans ses brasseries quelque chose qui n'ait pas le goût du savon. La gamme Barthouil est  élaborée dans les laboratoires de Peyrehorade avec de l'huile de colza bio, qui ne fige pas, d'où un produit extrêmement onctueux. Les oeufs sont des oeufs de cabillaud sauvage d'Islande et ils sont fumés, eux aussi, au bois d'aulne, assurant la signature gastronomique et aromatique de la maison. La proportion est généreuse avec 70%.

Il est bon nature, mais il devient extraordinaire dans la version aux oursins (d'Irlande également) dont la recette vient d'être revue de manière à ce que l'oursin se sente davantage. La dernière, qui est aux algues, est surprenante, à servir à mon avis sur un pain de seigle. Enfin il existe aussi un tarama au piment d'Espelette, étonnant mais à tester sur une galette craquante de pain suédois.

Pour terminer, voici les saumons, sauvages, bio, de la Baltique, de Norvège ou d'Ecosse, et aussi français. Le choix est vaste et Nicolas est là pour conseiller le client.

On est tenté de consommer du saumon sauvage mais c'est oublier que les mers sont contaminées par divers produits. Il est donc capital de l'acheter chez quelqu'un qui peut garantir leur santé. Barthouil en propose 4 différents, ce qui est très rare sur le marché. Et à ce titre on comprendra que le saumon bio ne peut être que d'élevage.

Le sourcing est capital. C'est pourquoi chez Barthouil on reçoit les poissons entiers et non congelés. Ils sont systématiquement testés et ne seront fumés que si le vétérinaire les approuve.
Lorsqu'il provient de filières contrôlées, avec un label de qualité, le saumon d’élevage est très rassurant. Avec quelques clés on comprend assez vite l'essentiel de ce qu'il faut savoir. Du point de vue de la couleur la chair du saumon qui a grandi en mer Baltique est toujours claire parce qu'il ne s'est pas nourri de crustacés. Il est fondant sans être gras. Et on reconnait la signature du fumage au bois d'aulne.

L'écossais sera plus sec, plus charnu car le muscle est plus dense. Il aurait presque une texture de viande mais d'une grande tendreté.
Le norvégien est proposé en tranches, mais aussi en cœur, qui est la partie la plus épaisse et la moins grasse. C'est un saumon d'élevage, dans des eaux très froides, où les poissons grandissent moins vite et ne sont pas trop gras. Leur alimentation protéinique, à base de 60% de poissons sauvages et de céréales sans antibiotique ni hormones de croissance assure une qualité irréprochable. Il n'y a pas non plus de traitement contre les parasites puisque les éleveurs introduisent dans les enclos des petits poissons qui nettoient les saumons.
Il existe enfin un saumon d'exception, français, qui nage à quelques mètres de la maison Barthouil, dans le Pays basque, qui est le saumon de l'Adour, sauvage évidemment. C'est avec lui que Jacques Barthouil a bâti sa réputation dans le domaine après avoir été apprendre le métier au Danemark. Tout simplement pour satisfaire un de ses clients qui lui a suggéré de s'y mettre en voyant nager les poissons en face de la boutique.

A l'époque il y en avait des tonnes et on les mangeait frais.

Après avoir parcouru des milliers de kilomètres, il remonte la rivière dès le printemps pour aller se reproduire dans les gaves pyrénéens où il est né. Il est pêché au filet, au début de sa remontée, quand il a encore toutes ses forces et tout son gras, entre l'estuaire et Peyrehorade, comme le veut la tradition locale. C'est un saumon peu gras, à la texture musclée, au goût magnifique et "inoubliable", très différent de ce qu'on a connu jusque là. Son prix est élevé mais comparativement au budget d'un repas dans un restaurant il demeure raisonnable.

Je l'ai dégusté avec une boisson inspirée des traditions Mongoles, la Lactalium Vodka qui est produite à partir de lait des montagnes françaises fermenté, puis distillé dans des alambics en cuivre, dans le massif central. Il faut 120 litres de lait pour obtenir un litre d'alcool. La surprise est de taille mais l'association est très réussie en raison de la rondeur des parfums de cette vodka, étiquetée slow food. Alliée idéale idéal du saumon comme d'un chocolat noir très fort.

Ce saumon est fumé en prenant le temps qu'il faut, 5 à 6 jours, contre une quinzaine d'heures dans les fumoirs industriels. On dit que la différence Barthouil tient au bois d'aulne. Compte aussi le facteur temps et on peut dire à ce titre que la maison ne vit pas de son temps. Observez les mécanismes des horloges qui sont dans la boutique à titre de décoration. Aucun tic tac ne viendra troubler votre réflexion. On retrouve dans cet endroit très moderne le goût inégalable de l'authentique.
Maison Barthouil
378 Route de Hastingues 40300 Peyrehorade
Tél : 05 58 73 00 78
41 Rue Charlot, 75003 Paris
Téléphone : 01 42 78 32 88

Les photos qui ne sont pas siglées A bride abattue sont © D. Nakache.

Aussi loin que possible d'Eric Pessan à l'Ecole des loisirs

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Je connais Eric Pessan. Je l'apprécie en tant qu'auteur pour adultes.   Il écrit du théâtre, de la poésie, des romans. Muetteétait exceptionnel de sensibilité. J'avais écrit de son premier livre dans le domaine de la littérature jeunesse, Plus haut que les oiseaux, que c'était un de ces petits bijoux de romans, soit disant pour ados, que bien des adultes gagneraient à lire, et à méditer même s'il est vrai que c'est plus chic de prétendre qu'on passe ses nuits à re-lire Crime et châtiment de Dostoïevski.

Le thème de la fugue, central dans Muette, est encore traité dans Aussi loin que possible où, après la hauteur, il explore la longueur. C'est son quatrième en littérature jeunesse.

Malheureusement la couverture n'est pas attrayante et absolument pas représentative du plaisir de lecture que l'on peut ressentir. Passons outre, le livre a tant de qualités même si la métaphore de la course à pieds n'est pas nouvelle.

A cet égard je vous renvoie aux films de régis Wargnier, la Ligne droite ou De toutes nos forces de Nils Tavernier. Ou au roman de Jean Echenoz, Courir, aux Editions de Minuit, octobre 2008.

Métaphoriquement la course permet de transcender un état de rébellion et d'entrer en résistance. Contre le mauvais sort qui, par définition, est injuste, et contre soi qui n’a pas d’autre issue que de continue à avancer.

Antoine et Tony n’ont rien comploté. Ce matin-là, ils ont fait la course sur le chemin du collège. Comme ça, pour s’amuser, pour savoir qui des deux courait le plus vite. Mais au bout du parking, ils n’ont pas ralenti, ni rebroussé chemin, ils ont continué à petites foulées, sans se concerter. La cité s’est éloignée et ils ont envoyé balader leurs soucis et leurs sombres pensées.

Ils quittent le Val enchanté qui n'a d'enchanté que le nom, s'éloignant du petit parc où un jardinier a reçu une bouteille de bière sur la tête l'an dernier. A cet endroit Eric Pessan aurait pu mettre un astérisque expliquant l'allusion au précédent roman.

Les deux ados n'ont rien prémédité : parfois on fait des choses sans réfléchir et on en voit le sens bien plus tard (p.11).

C'est dur mais avec pour carburant la tristesse pour Tony, la colère pour Antoine, ils ne risquent pas de rebrousser chemin. Surtout, on a moins peur en courant qu'en restant immobiles, figés dans nos vies (p. 41).

L'auteur interroge le poids du temps qui passe et la valeur des petites choses : au bout de deux heures, s'étonne Antoine, j'ai remplacé deux heures banales de ma vie par deux heures magnifiques. Ce qui pourrait apparaitre comme un acte de bravoure, voire de folie est en réalité une voie vers la liberté.

Car ce qui peut rendre fou, c'est de vivre dans la peur. Celle d'être séparé de ses parents parce qu'il leur manque deux ou trois coups de tampon sur un formulaire. Ou celle de se prendre une dérouillée parce que son père a envie de passer ses nerfs et que sa mère ne dira jamais rien. En définitive, on a moins peur en courant qu'en restant immobiles, figés dans nos vies (p. 41).

Le lecteur ne s'ennuie pas tout au long du parcours. Il vit comme eux au présent, dans le présent, avec pour préoccupations majeures manger, dormir et rester en bonne forme, malgré l'asthme, l'hypoglycémie, le réveil d'une vieille foulure, les mauvaises rencontres. Avec pour seul viatique le contrôle de leur respiration : deux inspirations par le nez, une longue expiration par la bouche.

La liberté peut prendre des formes différentes. Celle de rester en France ou de devenir ce que l'on souhaite, par exemple écrivain pour guérir des blessures causées par le silence.

Aussi loin que possible d'Eric Pessan à l'Ecole des loisirs, en librairie depuis le 30 septembre 2015
Sélectionné au Salon du Livre de Jeunesse de Montreuil, catégorie Pépite du Roman Ado Européen 13 ans et plus

Prix de photographie Marc Ladreit de Lacharrière pour Klavdij Sluban et exposition In situ d'Eric Pilot, lauréat 2014

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Le Prix de photographie Marc Ladreit de Lacharrière a été remis à l'Académie des Beaux-Arts le 23 octobre 2015 à Klavdij Sluban pour son projet "Divagation sur les pas de Bashô", un parcours poétique inspiré par les voyages entrepris par le poète au XVIIe siècle à travers le Japon.

Le Prix de Photographie a été créé en 2007 à l’initiative de Marc Ladreit de Lacharrière, membre de l’Académie des beaux-arts qui est l’une des cinq Académies composant l’Institut de France. Il a pour vocation d’aider des photographes confirmés à réaliser un projet significatif et à le faire connaître au public. D’un montant de 15 000 euros, il récompense un photographe français ou étranger travaillant en France, sans limite d’âge, auteur d’un projet photographique réalisé et exposé à l’Institut de France dans l’année suivant son attribution.

Klavdij Sluban est né en 1963 à Paris. Il passe son enfance à Livold en Slovénie et étudie en France où il obtient une maîtrise de littérature anglo-américaine. Il se passionne dès l’adolescence pour la photographie et effectue en 1986 un stage de tirage noir et blanc dans l'atelier de Georges Fèvre. Puis il voyage, s’installe dans la campagne slovène et revient en France en 1992 pour se consacrer à la photographie. Depuis 1995, il photographie les adolescents en prison en France, en ex-Yougoslavie, en ex-Union Soviétique, en Amérique latine, partageant sa passion avec les jeunes détenus en créant des ateliers photographiques.

Photographe-auteur majeur de sa génération, Klavdij Sluban mène une œuvre personnelle souvent empreinte de références littéraires, en marge de l’actualité immédiate. Ses cycles photographiques vont de l'Est jusqu'aux îles Kerguelen. Ses travaux sont conservés et exposés dans de nombreuses institutions. En 2013, le Musée Niépce lui a consacré une rétrospective. Il a reçu de nombreux prix et bourses, et a publié de nombreux ouvrages.
Son projet propose une pérégrination inspirée par les voyages que fit Bashô au XVIIe siècle à travers le Japon féodal. Si Bashô est connu pour ses haïkus dont il est le maître incontesté, ses journaux de voyage n'en sont pas moins considérés comme un classique de la littérature. Mêlant prose et poésie (haibun), ces récits forment une sorte de cheminement hors du temps et de l'espace, une sorte d'intrusion dans l'utopie. En suivant les traces de Bashô, il s'agit de traduire photographiquement le temps et l'espace d'un voyage où le but n'est pas de transcrire ce qu'il aurait fallu voir mais ce que l'auteur a ressenti au plus près chemin faisant.

Ainsi Kyoto-Tokyo sera fait à pied (370 km) en 15 jours. Le ferry sera pris pour visiter l'île de Sado, trains à grande vitesse et bus mèneront jusqu'aux temples. À cette pérégrination au libre cours sera associée une série de portraits de Japonaises et de Japonais, sur fond neutre, accompagnés d'un texte dans lequel ces personnes de milieux, d'âges, de pensées diverses, raconteront leur sentiment intime sur le Japon contemporain.

Le projet, comme celui des autres finalistes, est présenté dans le cadre de l’exposition des travaux du lauréat de l'an dernier, Eric Pillot (ci-dessous avec Yann Arthus-Bertrand).
Il a réalisé une série absolument magnifique intitulée "In situ - États-Unis" consacrée à l’animal dans les parcs zoologiques de l’Est des Etats-Unis. Cette nouvelle série prolonge le travail mené par le photographe dans les zoos européens depuis plusieurs années.
Il invite à regarder l’animal sauvage comme un être singulier, avec cette particularité d’être photographié dans des décors artificiels et scénarisés par l’homme, révélant ainsi des émotions contenues et notre imaginaire.

Ce travail lui a également donné la possibilité de photographier des espèces rarement montrées dans nos contrées.
Ses clichés sont incroyables de beauté, de sensibilité et artistiquement irréprochables. Aucune photographie n'a bien entendu été retouchée mais dans le public nombreux étaient ceux qui auraient parié sur un travail alliant l'aquarelle et l'incrustation numérique.

C'est une exposition d'accès libre qu'il faut aller voir et c'est un but de promenade à faire aussi avec des enfants.
Né en 1968, Eric Pillot vit et travaille à Paris. Il découvre la photographie après avoir effectué des études scientifiques (École polytechnique et agrégation de mathématiques), étudié la musique et travaillé plusieurs années comme ingénieur.

Il effectue depuis plusieurs années un travail poétique, centré sur l’animal, qu’il photographie dans les décors de nombreux parcs zoologiques, mais il s’intéresse également aux paysages.

Ses photographies ont été présentées depuis 2008 dans une soixantaine d’expositions personnelles et collectives, en Europe, en Asie et en Australie.
La Revue des Deux Mondes consacre un hors-série au projet "In Situ - Etats-Unis". La publication est disponible sur le site internet de la Revue, en librairie et au Palais de l'Institut pendant la durée de l'exposition.

In situ - États-Unis d’Eric Pillot, lauréat 2014
Palais de l’Institut de France 27 quai de Conti, 75006 Paris
Du 22 octobre au 22 novembre 2015
Du mardi au dimanche de 11h à 18h
Entrée libre
vendredi 23 octobre : ouverture au public de 15h à 19h
vendredi 6 novembre : ouverture jusqu’à 20h (vernissage du festival Photo Saint-Germain)
samedi 21 novembre : ouverture jusqu’à 19h
fermeture les mercredis 11 et 18 novembre

Le Salon du Chocolat édition 2015

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Pendant 5 jours, le Salon du Chocolat de Paris accueille gourmets et gourmands pour découvrir l'univers du cacao, rencontrer les marques emblématiques de la profession et les meilleurs artisans de France et du monde entier.

Un programme unique d'animations gourmandes et festives attend les visiteurs : démonstrations de recettes par les plus grands chefs et chefs pâtissiers, conférences, spectacles des pays producteurs de cacao, cours de pâtisserie, séances de dédicaces, ateliers ludiques pour les enfants, expositions... sans oublier le célèbre Défilé de robes en chocolat par lequel je commence traditionnellement mes billets sur le Salon.

Je me suis demandée si la créativité ne s'essoufflait pas un peu. Certes, il y avait une incroyable tenue  conçue par Anne-Lise Duriez-Grandjean et Vianney Bellanger pour les chocolats Bellanger, portée par Elizabeth Tchoungui qui se déployait autour d'une armature digne du XVIII° siècle mais ce n'est pas portable, même en rêve.

Il y eut un duo d'armures dessinées par Benjamin Bout pour Ben Brass, de couleurs vives, et pour cause puisqu'il s'agissait de Smarties que portaient la chanteuse Alizée et son compagnon, le danseur Grégoire Lyonnet (Danse avec les stars, sur TF1). A coté d'eux, l'auteure Saïda Jawad en robe presque blanche stylisée par Marion Bartoli et chocolatée par Arnaud Larher.
Sur la photo ci-dessus on reconnait à l'extrême droite avec son chapeau de cow-boy, la chanteuse (ex-candidate de The Voice, sur TF1 et fille de Bernard Tapie) Sophie Tapie en robe Joanna Winblad chocolatée par Vincent Guerlais, en jupe rouge, juste à coté de Léa Deleau, tête d'affiche de la comédie musicale Résiste, en robe Max Chaoul chocolatée par Jean-Paul Hévin que l'on croirait recouverte d'une de pluie de papillons.

Etonnamment plusieurs compositions se ressemblaient. Comme bien entendu celles de l'animatrice Karima Charni dans une robe Manon Bressel-Cancel, sur jupon rouge (elle aussi) chocolatée par Joël Patouillard, et celle de sa soeur, l'animatrice Hedia Charni,  en robe Jean-Marc Rué, chocolatée par Keiko Orihara pour Monsieur Chocolat.
On les voit ici donnant la main à Miss France 2015, Camille Cerf, en robe Réouven Zana chocolatée par Frédéric Anton et Christelle Brua (Pré Catelan).

On devine à l'extrême gauche dans un drapé la danseuse Fauve Hautot (Danse avec les stars, sur TF1) en robe dessinée par Tara Byakko et chocolatée par Patrice Chapon. Autre drapé avec la robe de Joffrey Mongin chocolatée par Eddie Benghanem (chef pâtissier du Trianon Palace) pour l'actrice Nadège Beausson-Diagne. 

Il y avait décidément beaucoup de rouge. C'était la couleur de l'armure de la chanteuse Koxie en robe Jeremy Bueno, chocolatée par Jeffrey Cagnes (chef pâtissier de la Maison Stohrer), et de la jupe de Karima Charni, conçue par Manon Bresson-Cancel, chocolatée par Joël Patouillard, Meilleur Ouvrier de France.
Sur la gauche, en robe princesse simplissime, la joueuse de tennis Tatiana Golovin dans une robe dessinée par Florencia Soerensen et chocolatée par Philippe Bernachon.

Egalement sobres (mais on ne se rend pas toujours compte des difficultés techniques) l'ourlet de coeurs roses de la robe Agatha Ruiz de la Prada, chocolatée par Des Lis Chocolat pour l'animatrice Sandrine Arcizet. Et les rubans sur la robe dorée de Tiphaine Haas, faite par Tae Ashida et Hironobu Tsujigushi pour le Chocolat de H.

Il y avait moins de modèles, moins de grands chocolatiers même si on retrouvait quelques fidèles. Par contre davantage de chefs pâtissiers. Il faut aussi reconnaitre que le thème imposé, le classique réinventé, n'était pas propice à la folie que l'on a connu dans les éditions précédentes. Sortait du lot malgré tout, mais je ne l'ai pas photographiée la tenue tout en dentelles, en fines franges et en transparence, portée par Karine Lima, faite par Jean-Paul Benielli et Damien Piscioneri pour le Café Pouchkine. Le spectacle a été ponctué par les happenings musicaux du groupe Quint'elle, composé de cinq virtuoses russes.
Des sculptures, on en voit beaucoup. Cela semble très tendance. C'est par exemple cet ensemble assez impressionnant de Jean-Luc Decluzeau pour Leonidas avec un lustre surplombant une robe.
Un lapin attendrissant échappé de l'univers d'Alice au pays des merveilles par Jean-Charles Rochoux.
Le monumental et colossal "Wild Choco Bear" de Richard Orlinski, chocolaté par Christelle Brua et Frédéric Anton du Pré Catelan.
Cette année les organisateurs ont voulu redonner une place prépondérante à la fève. Les producteurs ont investi le rez-de-chaussée dans un espace Business to Business et on pouvait voir de très belles cabosses, fraîchement arrivées.

Parmi les nouveautés, beaucoup de japonais. Comme Vanillabeans qui a vu le jour en avril 2000 dans une minuscule boutique et qui vient d'ouvrir une boutique dans le quartier de Minatomirai, dans la ville portuaire de Yokohama.

Le concept du magasin est de provoquer le bonheur avec les parfums des fèves de cacao. La maison propose des tablettes à partir d'un très grand nombre de provenance qui, ici sont proposées à la dégustation dans des verres comme s'il s'agissait de champagne. Elle revendique de travailler de la fève à la barre.

La présentation a beaucoup intrigué, avec des emballages suggérant des pochettes de téléphones portables, en partie à cause du format (55 grammes). Mais attention la qualité à un prix : 10 €
Pour la première fois aussi The Chocolate de Meiji, la marque numéro 1 au Japon. Vous ne connaissez sans doute pas et pourtant elle est centenaire et a compté parmi ses "chocolateaddicts" un écrivain comme Paul Claudel au siècle dernier.
Forte de son slogan Bean to Bar (qui est un credo partagé par d'autres comme j'ai pu l'écrire quelques lignes au-dessus), Meiji arrive en force en France avec trois pochettes. Un cru Venezuelien juste assez amer dans la dorée, brésilien plus fruité dans l'argentée et dominicain dans la colorée qui promet un goût plus épicé.
Cette fois pas de tablette mais des emballages individuels appropriés à une consommation raisonnée  (on ne risque pas d'engloutir une tablette entière) ou destinée aux enfants qui emporteront un sachet dans leur cartable. Le biseautage garantit une saveur supplémentaire.

Si le chocolat noir a la cote sur le marché français il ne faut pas oublier que les enfants adorent le chocolat au lait, comme nos voisins suisses. On  ne peut pas leur reprocher cette absence puisque cela fait presque 90 ans que les japonais peuvent en manger. Quelques (très rares) tablettes ont été amenées pour le Salon. En voici une :
Les classiques étaient là eux aussi, comme Sadaharu Oki, le japonais très parisien du 36 rue de Vaugirard, qui présentait cette fois de drôles de beignets où il a remplacé le poulpe traditionnel par du chocolat. Rien de transcendant mais l'idée est amusante.
Les takoyaki sont très populaires au japon. c'est une sorte de boule de pâte à crêpe  que l'on fait cuire sur une machine qui souffle de l'air chaud et que l'on fait tournoyer avec les baguettes.
Sans être au chocolat, les macarons de Arnaud Larher, 57 rue Damrémont à Montmartre, ont fait sensation. Le maître pâtissier et chocolatier d'origine bretonne, Meilleur Ouvrier de France 2007, propose une carte de macarons de plus d'une vingtaine de recettes où figurent de grands classiques et des parfums inattendus comme le Coca-Cola (crème au Coca-Cola avec une gelée de Coca-Cola) ou le Mille fleurs (compotée de fruits rouges parfumée à la violette et au coquelicot). Ces petites choses sont à tomber alors que je n'aurais pas tendu spontanément la main vers cette version coca cola si je n'y avais pas été prestement invitée.
Carl Marletti, le toujours souriant pâtissier du 51 de la rue Censier, avait innové avec Macaé, un biscuit dacquoise aux amandes, croustillant praliné, mousse de chocolat noir à la passion, avec un chocolat 64 % cacao, et sur le dessus une crème mascarpone, et des copeaux de fève Tonka.
Cette gourmandise toute récente ne figure pas encore à la carte de la boutique.

S'arrêter au stand du nantais Vincent Guerlais est une étape indispensable. Les religieuses de 2 cm ont grandi de 35 % et se déclinent désormais avec une ganache au caramel à la noisette associée à un croustillant amandes-noisettes sous un enrobage de chocolat blond. Et son calendrier de l'Avent est un des plus beaux du Salon.
Les boites de Mazet sont éternellement tentantes. Celle-ci rassemblant les "meilleures" spécialités (mais elles le sont toutes ...) parmi les praslines de cette maison de qualité.
Magnum faisait une entrée en force. Le chocolat qui excite les papilles des amateurs de bâtonnet glacé existe désormais en tablettes.
En prime une boite rectangulaire avec des disques craquants et légers, parfumés à la menthe, siglés d'un M comme magnum ou Mint.
La tablette a encore de beaux jours devant elle. C'est aussi Smarties qui se convertit à ce format. Au chocolat au lait Nestlé, pur beurre de cacao, elle est idéale pour les enfants qui aiment le croquant des petites dragées multicolores nées en grande-Bretagne en 1937, arrivées en France dans des tubes en 1969, puis dans des mini-boites en 1978.
 
Les couleurs des smarties sont 100% naturelles et proviennent d'un mélange de concentrés de fruits et de plantes comme le radis, la carotte noire, le citron, l'hibiscus. Les mamans peuvent être rassurées. Quelques carrés dans un pain brioché et le goûter est fin prêt pour les "petits malins" puisque telle est la significations de smarties.
Enfin le Salon se préoccupe aussi des gourmands qui rencontrent des problèmes de santé. Il apporte son soutien à l'Association Mécénat Chirurgie Cardiaque et Eugène occupe pour la première fois un grand stand à l'entrée.
Ses tablettes faisaient sensation le soir de l'inauguration. Les vitrines sont prêtes à accueillir des pâtisseries dont je garde un souvenir ému. S'il s'adresse prioritairement aux diabétiques je peux vous garantir que ce n'est pas restrictif et que tout un chacun peut succomber sans risque.

Il convient aussi de rappeler toutes les vertus thérapeutiques du chocolat. Avec quelque 220 exposants, chocolatiers, pâtissiers, confiseurs, grands chefs, experts du cacao, la porte de Versailles ouvre sur le paradis.

En prime, cette année verra la Finale du World Chocolate Masters, qui est la plus grande compétition mondiale consacrée à l'Art du Chocolat.

21ème Salon du Chocolat 2015
Du mercredi 28 octobre au dimanche 1er novembre 2015
Ouverture tous les jours de 10h à 19h
Viparis - Porte de Versailles Pavillon 5
1 place de la Porte de Versailles
75015 Paris

Rencontre avec Françoise Bourdin

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Quatrième auteur française en nombre de livres vendus (derrière Guillaume Musso, Marc Levy et Katherine Pancol), avec 8 millions d'ouvrages, tel est le palmarès de Françoise Bourdin qui est malgré cela très peu souvent relayée dans la presse.

Elle n'en a pas besoin. Le public oui. Parce que lorsqu'on ne la connait pas on ne pense pas spontanément à la lire alors que ses romans sont vraiment bien construits et plutôt dopants.

J'en ai fait l'expérience parce que je devais la rencontrer et que je n'aime pas aborder un auteur en n'ayant pas une "petite" idée de son travail. Je suis tombée dans la marmite Bourdin, enchainant les romans, d'abord les deux plus récents, Au nom du père et la Promesse de l'océan, puis tous ceux que j'ai pu rafler chez une amie que j'aidais à déménager.

Je suis ainsi remontée assez loin dans le temps. Et ce qui est formidable avec les romans de Françoise Bourdin, c'est qu'ils ne sont pas comme les yaourts. Ça ne se périme pas. La thématique qui les traverse touche à la quête de la place. Elle reste universelle.

J'ai tout aimé. J'ai même poussé mon sens du devoir en ouvrant un livre d'un des auteurs auxquels on la compare et je la trouve franchement un cran au-dessus. Son écriture est plus rythmée. Ses personnages ont davantage de réalité. Et surtout elle ne fait pas appel à des puissances occultes résidant dans l'au-delà pour les tirer du pétrin. Ils trouvent en eux-mêmes les ressources nécessaires, ce qui fait qu'on peut se projeter dans leur histoire et en tirer bénéfice. Vous ne risquez pas grand chose à vérifier par vous-même si vous pensez que j'exagère.

Il se trouve que je ne l'ai pas rencontrée en chair et en os, la faute à un coup de froid à ce qu'on m'a dit. Mais j'ai eu, depuis, une longue conversation téléphonique qui m'a confortée dans mon opinion.

Françoise Bourdin se donne à fond dans ce qu'elle entreprend. Qu'il s'agisse d'écriture où elle gagnerait, je pense, un prix si on dressait le palmarès de la meilleure documentation. Qu'il s'agisse de bricolage dans sa maison normande où il y a tout le temps à faire. Elle affirme manier aussi allègrement la perceuse, la scie sauteuse, le pinceau. Elle adore les travaux domestiques qui lui offrent le loisir de laisser son esprit vagabonder aussi vite qu'il en est capable.

Car, comme le disait Julien Green : la pensée vole, les mots vont à pieds.

C'est en bricolant qu'elle réfléchit le mieux, ou peut-être encore en voiture. Le souci est de ne pas perdre les idées qui ont germé. Elle a toujours un petit carnet sur elle pour noter quelque chose mais pour cela il ne faut pas être au volant. Elle a tenté d'employer un dictaphone mais elle a abandonné car les bruits de fond couvraient sa voix.

Dès qu'elle le peut elle s'attelle à l'ordinateur qui est un outil "royal" quand on en a pris l'habitude même s'il prédispose  la répétition puisque le regard ne peut pas balayer les double-pages des gros cahiers dans lesquels elle a longtemps écrit.

Elle aime ce travail, qu'elle qualifie aussitôt de "plaisir" d'écriture. Rien ne la réjouit davantage que la construction d'une histoire, estimant que certains écrivains ont un peu perdu cet objectif de vue depuis l'époque du "nouveau roman" : Je pense qu'il faut que l'auteur fasse bien son boulot. Il y a tant de livres qui arrivent sur les étagères chaque semaine qu'il ne faut pas décevoir celui qui sort 20 euros de son porte-monnaie.

Françoise Bourdin est très exigeante envers elle-mêmeregrettant une époque où son éditrice osait pointer un passage où l'intérêt faiblissait ou encore la prévenir qu'un personnage devenait soudainement confus ... Avec l'expérience elle a un regard vif sur son propre travail. Mais surtout elle a la chance d'avoir des filles trentenaires qui sont ses premières (très bonnes) lectrices critiques dès que les feuilles sortent de l'imprimante.

Si je me focalise sur ses deux derniers romans on notera que l'on évolue tout de même dans un milieu très masculin, que ce soit la course automobile dans Au nom du père ou la pêche en mer dans la Promesse de l'océanToutes les femmes qui traversent ses romans sont des guerrières, des féministes, et ont beaucoup de son caractère. Des femmes capables de beaucoup de féminité, mais exerçant un métier d'homme, ou du moins une profession où les hommes font référence.

Ces femmes sont inscrites dans un territoire, la Sologne dans le premier, la Bretagne dans le second, autour du port d'Erquy, spécialisé dans la pêche de la coquille Saint-Jacques. Le prochain se déroulera en Haute-Normandie, près du Havre car c'est une ville injustement mal aimée au-dessus de laquelle se trouve la fantastique bourgade de Sainte-Adresse qui, à flanc de colline, est aussi belle qu'Honfleur.

Françoise Bourdin est profondément ancrée dans une région. Si elle ne la connait pas, si elle n'y a pas vécu, elle s'y transportera pour s'imprégner de son ambiance. Elle ne se satisfera pas de deux-trois documents glanés sur Internet : les gens sont tellement habitués à des images que je mets un point d'honneur à soigner mes descriptions.

Elle sait que pour embarquer son lecteur il faut placer au bon endroit quelques détails qui installeront le décor. Il faut beaucoup de recherche avant que ces éléments apparaissent. Elle adore entrer dans des mondes qu'elle ne connait pas, découvrir des métiers dont elle ne connait pas les rouages. Elle effectue un travail d'investigation comme un journaliste mais en se présentant comme écrivain elle provoque les confidences plus facilement.

Son écriture est très provinciale, dans le sens noble du terme, comme on aurait pu le dire de Balzac. Mais d'un Balzac solidement débout dans la société contemporaine. Ses personnages révèlent une fragilité. Ils ont des difficultés à exprimer leurs sentiments, sont tiraillés par le devoir, la passion, leur carrière et elle creuse dans leurs failles, mais ils ont la chance de rencontrer du soutien. Car la famille et l'amitié sont des valeurs essentielles.

Elle a été l'enfant d'un couple de stars, avec un papa baryton et une maman soprano qui l'emmenaient dans les lieux prestigieux où ils se produisaient. Elle a bien connu les coulisses des grandes scènes, ce qui a sans doute déterminé sa vocation pour les belles histoires. Ce qui ne signifie pas qu'elle écrive sur elle-même. C'est bien connu : il n'y a que le premier livre qui soit (un peu) autobiographique.

Elle a longtemps pratiqué l'équitation, le tir de compétition, le pilotage. Ses personnages, les femmes comme les hommes, lui ressemblent en quelque sorte, assumant une double facette : féminine, et masculine. Aucun n'est lisse.

On s'attache vite à eux. Les lecteurs réclament des suites mais Françoise Bourdin résiste : je vais pas les accompagner tous jusqu'à la mort. De temps en temps pour avoir l'occasion de développer leurs caractères j'entreprends malgré tout une saga sur deux tomes.

Avec la Promesse de l'océan elle met en scène un petit bout de femme qui fait un métier d'homme,. et qui reprend l'affaire de son père, après un AVC qui l'a beaucoup diminué. Mahé ne veut pas être regardée comme la fille d'Erwan, mais comme une vraie patronne. Elle doit aussi se confronter au secret qui entoure la mort de son premier amour, noyé un soir de tempête.

Je trouve que Françoise Bourdin prend comme un tournant avec ce livre, évoluant vers une construction qui évoque le thriller. Il se trouve que c'est un genre qu'elle affectionne et dont elle s'estime très éloignée. Elle envie ce talent aux anglo-saxons qui ont placé la barre très haut en matière de suspense. 

Après avoir dans sa jeunesse admiré les maitres français du XX° (comme Bazin) qui publiaient des histoires de famille elle se nourrit précisément davantage désormais des thrillers anglo-saxons. Elle retient de leur savoir-faire une manière d'entrer dans la scène le plus tard possible et d'en sortir le plus rapidement possible, comme le fait un scénariste pour construire un film.

C'est une expérience qu'elle a d'ailleurs acquise. On lui doit de nombreux téléfilms comme Retour à Fonteyne, des épisodes des Cordier, juge et flic ...

Je vous encourage à lire ses romans. Je sais que le prochain traitera d'un sujet très actuel et qui me concerne parfois d'un peu trop près, le burn out. Je vais tâcher de l'attendre avec patience.

Martin, Boire & Manger 24 bd du Temple

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Une armée de couverts est au garde-à-vous, dressés dans de gros pots, attendant les bons vivants. S'il faut qualifier l'endroit d'un qualificatif c'est bien celui là qui s'impose. On vient chez Martin pour boire et manger. C'est le contrat de base et il n'y a pas à discuter.

On arrive plutôt en force, histoire d'installer une ambiance dès le début de la soirée. Et d'être sur d'avoir une table parce qu'on ne réserve pas en dessous de 5 personnes.

C'est une adresse où l'on arrive "les yeux fermés". Inutile de chercher un menu, il n'y en a pas. Quant aux vins, la carte change tous les deux jours parce que les séries sont assez courtes. la politique de la maison est d'acheter de petites collections. Ici les habitués n'ont pas d'habitude. Sauf celle de faire confiance.

Loïc Martin, l'ancien barman du Passage, est associé et règne au bar. Il a l'expérience des vins avec quelque 250 références, travaillant avec Audrey, sommelière et fille de vigneron. Les bouteilles qui sont sélectionnées sont majoritairement issus de la biodynamie. Plus on clame cette spécificité moins on l'entend mais quand on goûte on perçoit la différence. Il n'est donc pas besoin de le mentionner sur la carte.

L'endroit revendique d'être avant tout un bar où la pinte est à quatre balles et où on peut dîner pour vingt (balles). Et Loic est aussi spécialiste des gins.

Le chef est Peter Orr (au centre sur la photo ci-dessous). D'origine australienne, il a travaillé 8 ans à Londres avant de devenir le numéro 2 du Passage, un fameux bistrot entre la rue Amelot et le boulevard Richard Lenoir qui décidément peut être considéré comme le modèle du lieu.

Il élabore des petites assiettes originales qui se renouvellent sans cesse, parfois au cours d'un même service uniquement avec des produits de saison, et si possible du marché.
Il cuisine volontiers les abats, sans les acheter chez Metro. Le troisième associé, Edouard Bergeon (à gauche sur la photo ci-dessous) adore manger et s'investir corps et âme dans un projet. C'est lui qui a posé la moquette il y a deux jours, fait la peinture hier. Il fait glisser les photos de son compte Instagram pour me faire saliver. Il a ramené du miel d'un récent séjour en Corse (il réalise des documentaires qui le font voyager). Le cochon arrive entier de Bourgogne. Voici la tête, et puis le pâté qu'on a fait dans les cuisines, au sous-sol. Et le voilà qui m'entraine jusqu'à la chambre froide.
C'est vrai que les morceaux sont appétissants. Qu'il s'agisse de viande comme de légumes. En majorité ceux de Joël Thiébault, le maraicher gourmand, qui amène ses produits d'exception sur les marchés parisiens du XVI°, rue Gros les mardis et vendredis et place du président Wilson les mercredis et samedis. Il faut arriver tôt parce que tout part très vite.
Le résultat est au rendez-vous. Ils sont sublimes même tout simplement lavés et servis crus avec une vinaigrette ou cuits avec un beurre maison.
Peter n'a pas de légume tabou. Il prépare les choux de Bruxelles en sachant qu'ils risquent de rebuter. Alors le serveur encourage en promettant que si ça plait pas ce ne sera pas sur l'addition. Une fois goutés, il n'y a plus d'appréhension parce que ces petits choux qui ont été baignés dans une eau citronnée avec de la menthe avant leur cuisson n'ont rien à voir avec le souvenir qu'on peut en avoir gardé d'un déjeuner de cantine. Actuellement ce sont des choux rouges qui ont été préparés et qui embaument la cuisine.

La soupe mijote gentiment sur le fourneau. Tout est préparé sur place, même les buns s'il y a des hamburgers de prévus.
Pour le moment le restaurant n'est ouvert que le soir mais le projet est de commencer à l'heure du déjeuner l'an prochain. Il y a encore des aménagements à terminer mais l'ancien PMU se métamorphose progressivement en bistrot cosy en conservant  un décor simple et brut, avec des poutres et des pierres apparentes, de grands radiateurs, des étagères bricolées à partir de casiers à bouteilles, des assiettes de grès venant de La Borne, un village de potiers situé dans le Berry et que je connais bien. Chaque dernier week-end de novembre  je vais rencontrer une potière qui me surprend toujours avec ses nouvelles créations à prix modestes.  Cela se passe à l'école Steiner, à Verrières-le-Buisson (91) et je vous encourage à y faire un tour bientôt.
L'endroit fêtera sa première année le 28 novembre prochain et ce sera barbecue de midi à minuit pour l'occasion. L'équipe es confiante. Sans être dans les guides ils comptent 150 à 250 assiettes le soir et ont la chance de refuser beaucoup de monde. 
Une seule (petite) ardoise passe de table en table le soir et le serveur explique les plats. C'est le coté "petites assiettes à partager" qui plait à la bande, comme à la clientèle.

La musique n'est jamais très forte, pour ne pas couvrir les conversations et privilégier la vitalité de l'ambiance qui est sous la responsabilité des convives.

Coté dessert cela reste simple avec des fruits de saison, une tarte au citron, une ganache chocolat et quand on a de la chance, une Pecan Pie dont Quina la pâtissière (à droite sur la photo) est la spécialiste.
Et puis, bien sûr beaucoup de fromages parfaitement affinés qui s'allieront avec les vins. Comme ces chèvres frais en provenance directe du Maine-et-loire ou quelques autres du Quercy.

C'est une région qu'Edouard Bergeon affectionne. Il y a réalisé le documentaire les Fils de la Terre à partir de la vie quotidienne de Sébastien Itard et qui a été adapté au théâtre par Elise Noiraud et que j'ai vu il y a deux semaines. Et il soutient la démarche des éleveurs qui commercialisent leur lait et leurs fromages sous le nom de Vallée du Lot.

Il défendra aussi Alexandre Bainà qui on vient de retirer le droit de mentionner Pouilly Fumé sur ses bouteilles pour d'obscures intérêts, parce qu'il travaille dans son chai à l'abri de tout procédé technologique et oenologique, sans ajout de levure, de sucre, d'enzymes, ni de de colles. Son reportage s'intitulera "la vie sans AOC".

Il s'apprête à partir en Ethiopie pour tourner un 52 minutes pour France 5 sur les petits producteurs de miel. Le sujet est d'actualité et de magnifiques photos sont exposées actuellement sur les grilles du Jardin du Luxembourg.
Pour Edouard ce sera le début d'une série qui l'entraînera à la découverte du poivre, du riz, du safran ... que l'on peut s'attendre à retrouver dans les assiettes du restaurant sous l'impulsion des jeunes chefs avec qui il s'est associé.

Il ne faut pas quitter ce quartier du boulevard du Temple sans aller chiner dans la Boutique Bis Solidaire qui est presque en face du restaurant, au numéro 7 (tel : 01 44 78 11 08). Elle offre à tout le monde, homes et femmes, l'opportunité d'enrichir sa garde-robe de vêtements griffés, sans dépenser une fortune et faire oeuvre de réinsertion sociale.

J'y ai vu de très jolies robes et chaussures à moins de 10 euros. C'est déjà une référence dans le monde de la mode.
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue proviennent de la page Facebook du restaurant

Les Fables de La Fontaine revues par Tàbola Rassa

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La création date de 2009 mais c'est intemporel et c'est une grande chance pour le public que le Théâtre de Belleville reprogramme ces Fables jusqu'au 8 novembre 2015. Attention, uniquement les samedis et dimanches.

L'adaptation d'une quinzaine de fables de La Fontaine par la compagnie Tàbola Rassa est aussi spectaculaire que déjantée et il y a fort à parier qu'on en entendra parler encore pendant plusieurs années.

Cette compagnie s'est fait connaitre en 2003 par son premier travail dans le domaine du théâtre d'objets à travers une réinterprétation, absolument fidèle et néanmoins très novatrice, d'une pièce de Molière, l'Avare. J'étais ressortie enthousiaste de la représentation. La pièce a été jouée dans une vingtaine de pays, avec une fréquence moyenne de 60 représentations par an, en quatre langues (catalan, espagnol, français et anglais). Elle a reçu de nombreux prix. Elle est installée à Marseille depuis cinq ans.

L'aspect transfrontalier du parcours de la compagnie pousse Olivier Benoit, acteur et directeur de la compagnie, à s’entourer de collaborateurs de divers horizons : Jean-Baptiste Fontanarosa, acteur français, pour la version française ; Asier Saenz de Ugarte, acteur basque installé à Londres, pour les autres versions. Cependant que Jorge García, technicien basque vivant à Barcelone, assume la direction technique et Sadock Mouelhi, technicien toulousain, la suppléance.

C’est cette même équipe qui créa, en 2009 le deuxième spectacle de la compagnie, autour de l’œuvre  de Jean de La Fontaine. Il a fait de la diversité sa devise. Il reste un des auteurs français les plus universels. Il fut le pionnier de la verdification libre en langue française. Précis et efficaces, ses vers sont un exemple de maîtrise et de beauté. Une beauté simple et vivante, à l’image de la nature, qui fût, sa vie durant, une source inépuisable d’inspiration.

Si l'Avare évoquait la raréfaction de l’eau potable et utilisait pour cela des objets en relation avec ce précieux liquide, les Fables aborde les conséquences de notre production colossale de déchets et, à cette fin, les utilise comme un "outil théâtral", qu’ils soient accessoires, attributs, scénographie ou qu’ils soient encore "marionnettisés". Un casque de chantier sera couronne. Des emballages plastiques feront un manteau royal tout à fait crédible. Une simple feuille de papier journal deviendra l'écran où se projettent des ombres chinoises.
C'est toujours de la destruction de la nature par l’homme dont Tàbola Rassa veut nous parler. Dans les deux cas leur Théâtre est toujours accessible (y compris aux enfants) mais élaboré, pauvre par ses moyens mais riche par son pouvoir d’évocation, où trônent en roi l’imagination et l’intelligence humaine. Jean-Baptiste Fontanarosa et Olivier Benoit donnent corps et voix tantôt à l’âne, tantôt au lion, tantôt au chien et tantôt au loup. Leur capacité à bêler leur permettrait de passer inaperçu dans un troupeau de moutons.

J'ai vu le spectacle dans une salle comble, résonnant (aussi) du rire des enfants. C'était réjouissant. 
Les deux comédiens font défiler sous les yeux du public toute une clique d’animaux curieusement humains. Chaque personnage cache un animal et chaque animal… un homme par effet de miroir. 

Les fables sont peut-être les plus vieilles histoires jamais contées parmi les hommes. Elles sont les vestiges d’un temps révolu, où les hommes et les animaux étaient si proches qu’ils pouvaient se confondre. Elles ont été écrites pour nous faire réfléchir, et peut-être tenter d'arrêter notre bras avant de commettre l'irréparable.

Le symbole des ingrats n'est pas le serpent mais l'homme. On en prend conscience à la toute fin quand  la chute des décors devient apocalyptique, préfigurant la "sixième grande extinction" de nombre d'espèces animales depuis le milieu des années 80,  conséquemment à notre ingratitude envers la nature. Le spectacle nous alerte que ce qui se joue là est notre survie en tant qu’espèce.

Fables, d'après Jean de la Fontaine
Un spectacle de la Compagnie Tàbola Rassa, en coproduction avec le Théâtre de Belleville, inspiré des Fables de Jean de La Fontaine,
Création Jean-Baptiste Fontanarosa, Asier Saenz de Ugarte Olivier Benoit
Interprétation version française: Jean-Baptiste Fontanarosa et Olivier Benoit
Mise en scène Olivier Benoit
94 rue du Faubourg du Temple 75011 Paris
Reprise jusqu'au 8 novembre 2015
Samedis à 17 heures, dimanches à 15 heures

Les photographies qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Delphine Beaumont.

Leurs contes de Perrault

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Cette année, la collection "Remake" a sollicité 11 auteurs pour un ouvrage collectif revisitant les Contes de Perrault. Alors que certains ont choisi de grands classiques, tel que Cendrillonle Petit Chaperon rouge ou Barbe-Bleue, d'autres se sont inspiré d'histoires moins connus comme Griselidis, donnant ainsi envie au lecteur d'aller redécouvrir la version originale.

Originale, c'est beaucoup dire puisqu'on sait que Perrault lui-même n'a pas créé ex-nihilo mais en puisant dans le patrimoine oral. Et qu'il a lui-même été pillé, notamment par les Frères Grimm.

Leurs contes de Perrault s'inscrivent dans notre contemporéanité, et le motif d'origine n'apparait parfois qu'en filigrane, ce qui est parfois déroutant.

Ils font preuve de fantaisie, par exemple en considérant que Cendrillon doit devenir un garçon, changeant de cette manière le point de vue sur son  aventure.

Historiquement ces écrits avaient pour mission d'instruire avant de plaire. Les auteurs ont parfaitement intégré cette donnée quitte à ce que la lecture s'adresse prioritairement à un lectorat adulte même s'il leur est arrivé de publier des livres en jeunesse.

Ils proposent là un bel hommage à la littérature dite populaire.

Leurs contes de Perrault, par Frédéric Aribit, Nathalie Azoulai, Alexis Brocas, Manuel Candre, Cécile Coulon, Fabienne Jacob, Hervé Le Tellier, Christine Montalbetti, Gérard Mordillat, Emmanuelle Pagano et Leila Slimani, collection Remake, Belfond, Octobre 2015

Démons au théâtre de Belleville

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Lorraine de Sagazan a conçu un dispositif scénique bifrontal de manière à impliquer intimement les spectateurs, invités à partager le plateau avec les comédiens.

Démons appartient à ces spectacles qui bousculent ce qu'on appelle le quatrième mur en incitant le public à participer activement. Par voie de conséquence chaque représentation est unique.

Certains soirs, m'a dit Lorraine, les spectateurs se déchainent et viennent danser et chanter avec les comédiens. D'autres fois ils demeurent sur la réserve. C'est imprévisible.

Les arrivées en retard semblent naturelles. On perd vite nos repères habituels et on se demande ce qui va se passer. Vous serez en tout cas surpris par au moins deux d'entre eux mais je ne vous en dis pas plus ...

Au début on est dérangé par le capharnaüm qui règne sur la scène, les vêtements pendus à ces crocs de boucher, et un bruit familier, celui d'un sèche-cheveu qui fait craindre l'accident dans les coulisses. On est aussi très vite horrifié par les horreurs qu'assène Antonin à Lucrèce avec un sourire diabolique, même si celle-ci reste zen.
Démons met en scène Frank et Katarina, un couple en crise dans leur appartement luxueux. Lui vient de perdre sa mère dont il transporte les cendres dans une rune au fond d'un sac plastique. Ce soi-là, pour éviter l'infernal face-à-face, ils décident d'inviter leurs voisins Jenna et Thomas. Ces deux là acceptent, inconscients du risque d'être entrainés dans le mouvement de la chute.
Lorraine de Sagazan a choisi de laisser les comédiens s'exprimer sous leur véritable identité, sans modifier leurs prénoms.

Je t'aime mais je ne te supporte pas.

La déclaration d'Antonin (Meyer Esquerré) résume bien la situation. On se dit qu'avec ces deux là tout est possible et on craint d'être mêlé à leur histoire. On sait qu'on va l'être et on aimerait s'en tirer du mieux possible.
Alors quand Antonin interroge la salle en demandant qui a des enfants personne n'ose lever la main. On a conscience de mentir par omission mais on le fait quand même, réalisant après coup le ridicule de notre position.

Lucrèce (Carmignac) se déplace parmi les spectateurs, nouant des relations presque amicales, expliquant qu'Antonin et elle sont des monstres d'amour. Elle apprivoise la salle. On ne se sent plus pris en otage. On respire mieux. ll reprend la main. Notre pouls s'accélère.
On se sent nous aussi au fond de la piscine, comme Adjani dans son p'tit pull marine qu'on n'osera pas chanter.

Lars Norén, dont ce spectacle est une adaptation, peut se vanter d'avoir réussi, lui qui voulait que la pièce ait un effet sur le public, que l'esprit critique soit touché, que l'émotion persiste et que l'on soit influencé.

Démons fait vivre le théâtre de l'intérieur. C'est saisissant au sens propre du terme !

Démons, librement inspiré de la pièce de Lars Norén (publiée chez L’Arche Editeur)
Traduit par Louis Charles Sirjacq et Per Nygren
Adaptation, conception et mise en scène Lorraine de Sagazan
Scénographie Céline Demars
Coproduction Théâtre de la Brêche et Théâtre de Belleville
Avec Lucrèce Carmignac, Antonin Meyer Esquerré, Jeanne Favre, Benjamin Tholozan
Au Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple 75011 Paris
Jusqu'au dimanche 22 novembre 2015
Les mardis à 21h15, les mercredis et samedis à 19h15,
Les dimanches à 20h30
Relâche les 11 octobre et 15 novembre
Réservations 01 48 06 72 34

Les photographies qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Pauline le Goff.

Le démon de l'estampe au Petit Palais

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Il y a démon et démon. Alors que c'est le titre d'une pièce qui se joue actuellement au Théâtre de Belleville c'est aussi l'intitulé d'une exposition présentée au Petit Palais jusqu'17 janvier 2016.

J'ai eu un énorme coup de coeur pour Utagawa Kuniyoshi, (1797-1861) le démon de l'estampe, qui est à mon (humble) avis, bien plus réussie et nettement plus abordable que celle que le Grand Palais avait consacré il y a un an à un autre artiste japonais, plus célèbre, Katsushika Hokusai (1760-1849).

C'est audacieux et totalement passionnant. Pour la première fois en France, on a rassemblé la production de cet artiste hors du commun, que fut Kuniyoshi, contemporain presque exact d’Eugène Delacroix, moins connu en Occident qu’Hokusai et Utamaro. Grâce à d’importants prêts japonais, complétés par ceux d’institutions françaises, les 250 estampes présentées témoignent de sa grande force dramatique et de sa beauté expressive de son oeuvre vivante, narrative, poétique... 

L’exposition explicite à merveille la fonction de cette imagerie de grande qualité et son importance dans la société japonaise. Si on sait combien Monet admirait Hokusai, on apprend à cette occasion qu'il connaissait très bien Kuniyoshi, que Rodin appréciait tout autant que lui, et qui a largement influencé l’art du manga et du tatouage.

La scénographie a été pensée pour couper le visiteur du réel et le faire pénétrer dans le monde de Kuniyoshi avec sa cohorte de personnages, de figures, ses paysages, ses visions de la société... C’est également un espace pictural étonnant d’inventivité. L'entrée est marquée par un "choc visuel" puisque le visiteur est accueilli par des figures surdimensionnées comme s'il pénétrait dans les pages d’un manga géant, inspirés par les immenses panneaux publicitaires lumineux d’Osaka. 

Comme un bonheur n'arrive jamais seul, on peut enchainer sur une seconde exposition, L’estampe visionnaire, de Goya à Redonpréparée elle aussi avec une forte intelligence, justifiant le titre de "Fantastique !" pour leur union. Au premier sens du terme comme dans ce qu'il implique de sensationnel.

J'ai visité l'ensemble en me laissant porter par la beauté et la symbolique des images, en prenant quelques clichés de ce qui me semblait le plus évocateur. Je m'aperçois, en consultant le site du Petit Palais que le résumé du parcours est assez proche. Je l'insère donc dans ce billet pour vous donner un aperçu plus fidèle que toutes les explications possibles. Ceux qui voudront en voir plus pourront ensuite dérouler l'article pour accéder à mes photos. En cliquant sur la première il est possible de les voir grandeur réelle, ce qui est sans comparaison avec le format vignette.

Voilà en tout cas un très bel objectif de sortie, avec ou sans enfants. Ne manquez pas de faire un tour ou un détour par les collections permanentes (d'accès toujours gratuit). On y rencontre Courbet, Bonnard, Maillol, Monet ... Prévoyez une grande demi-journée et profitez aussi du jardin, qui évoque un peu un riad marocain.

Consultez auparavant le site du Petit Palais qui a tout un programme d'activités complémentaires, conférences, ateliers, nocturnes, et une librairie avec des publications spécifiques.

Fantastique ! La double exposition | Petit Palais par paris_musees


Chacune des deux expositions a sa propre personnalité mais des liens notamment esthétiques apportent une harmonie et une parenté qui s’expriment par exemple par une ligne de mobilier commune, des détails de construction, des matériaux, un principe de couleurs en contrepoint d’une exposition à l’autre.

On commence par Kuniyoshi, le démon de l’estampe.
L’œuvre de cet artiste est multiple et son univers entre encore en résonance avec celui du japon actuel : qu’il s’agisse des bandes dessinées, des films d’animation, des tatouages, mais également de l’environnement publicitaire urbain. 

L’anticonformisme de son œuvre le tint à l’écart de la vague du japonisme décoratif en Europe à la fin du XIXe siècle même s’il fut admiré de Monet ou Rodin. Ses estampes sont caractérisées par l’originalité de leur inspiration et des cadrages, la violence dans les séries de monstres et de combattants, l’humour dans les séries d’ombres chinoises, les caricatures et les représentations de la vie des chats.

Un espace introductif est consacré à la présentation de l’artiste et à sa réception en France au XIXe siècle.
A gauche, une première Gravure sur bois en couleurs de 1849, feuille droite d'un triptyque, provenant du Musée Rodin, réalisée par Utagawa Kuniyoshi : Iwanaga Soren et Akoya. A droite, une autre représentant un portrait commémoratif de Kuniyoshi, peu de temps avant sa mort.

On découvre, au fur et à mesure, son travail sur les guerriers et dragons, genre stylistique dans lequel il a excellé.
L'oeil est très vite attiré par ce héros légendaire japonais, Sakata Kaido-Maru, souvent représenté comme un enfant appelé Kintaro qui a démontré une force extraordinaire depuis sa plus tendre enfance et qui a appris à communiquer avec les animaux. Sa légende comprend des exploits incroyables comme le concassage de roches, des combats de monstres et démons, déracinant des arbres, ou encore aux prises avec une carpe géante et bondissante sous une cascade. Le traitement des projections de gouttes d'eau et le saisissant rideau d'eau bleu pâle coulant sur le dos de la carpe témoignent d'une grande maitrise du dessin.

Selon la légende inscrite dans un des cartouches de l'estampe (vers 1836), Yamauba, une sorcière qui vivait dans la montagne, rêva qu'elle s'unissait à un dragon roue et mit au monde ce petit garçon doté d'une force herculéenne. L'image de Kintaro est considérée comme un porte-bonheur.
Tout aussi impressionnante est la princesse Takiyasha invoquant un monstrueux squelette dans l'ancien palais de Soma, vers 1845-1846. La princesse et son frère s'initient aux arts magiques auprès du sorcier Nikushisen, dans l'intention de fomenter une révolte et d'accomplir ainsi les dernières volontés de leur défunt père. Le graveur représente un squelette de taille gigantesque qui semble être projeté depuis le fond vers l'avant de l'image dans un mouvement en diagonale et renversant un store de bambou. Le réalisme anatomique est admirable, comme en témoigne la précision du dessin des orifices dans lesquels passent les nerfs de la mâchoire inférieure.

Une seconde salle s’attache aux acteurs célèbres de Kabuki. Kuniyoshi excelle à représenter l’expressivité des visages avec suffisamment de fidélité et de caractère pour que le public puisse parfaitement les reconnaître et saisir ainsi la personnalité de chaque vedette, même s'ils sont parfois caractérisés par une grande expressivité tirant jusqu’à la caricature.
Cette tablette votive représente des masques d'acteurs de Kabuki sélectionnés au prix officiel, vers 1848. Il a aussi réalisé plusieurs gravure sur bois en couleurs où des personnages assemblés n'en forment qu'un, à l'instar de celle-ci, en 1847.
Le parcours s’attarde ensuite sur les plaisirs et divertissements à Edo au travers d’une grande variété d’estampes comme les "bijin-ga" ou beautés féminines plus traditionnelles ou encore des estampes plus originales, les "kodomo-e" ou images d’enfants qui révéleront le regard singulier que l’artiste pose sur les scènes de la vie quotidienne. J'ai remarqué une très belle Jeune fille tenant un parapluie sous la neige, vers1831-1832, et un Album et fleur de calebasse, réalisé en collaboration avec Shibata Zeshin (1807-1891), en 1849.
Puis, le parcours propose une sélection d’estampes de paysages au bord de l’eau dont l’angle de vue photographique confère à leur composition un style éminemment moderne qui témoigne de son intérêt pour les techniques picturales occidentales, notamment dans le traitement du ciel, des nuages, du clair-obscur et de la perspective.
À l’est d’Edo, le fleuve Sumida est non seulement un but de promenade réputé pour ses cerisiers en fleur ou ses feux d’artifice, mais aussi une importante voie d’échanges. De nombreux bateaux l’empruntent aussi pour rejoindre le Shin Yoshiwara, le quartier de plaisirs. Au cœur de la ville, les alentours du pont Ryôgoku, où Kuniyoshi vécut pendant un temps et qu’il représenta dans de nombreuses estampes, sont très fréquentés et comptent d’innombrables échoppes et maisons de thé alignées en rangs serrés.

Ces vues d’Edo peuplées de personnages saisis dans leur vie quotidienne, donnent à qui les regarde l’impression de marcher le long du fleuve aux côtés du maître. Ses paysages ont été très prisés. Claude Monet (1840-1926) ou le grand collectionneur d’art japonais Henri Vever (1854-1942) en possédèrent plusieurs.

L’exposition se termine par un ensemble majeur d’œuvres satiriques et humoristiques témoignant du talent sans égal de l’artiste pour la caricature. Ces images du quotidien peuplées d’animaux anthropomorphes, chats (ci-dessous Proverbes illustrés par des chats, 1852), oiseaux, crapauds... ont influencé toute une génération de créateurs de mangas.
Pour accompagner les visiteurs d’une exposition à l’autre, un couloir de transition est animé grâce à un mélange créatif de motifs imprimés et de projections vidéo.
De par leur mouvement et leur présence visuelle forte, ces animations entrainent le visiteur de manière ludique d’un monde à l’autre, sous forme de conclusion pour l’univers coloré de Kuniyoshi, et sous forme de préambule pour celui, énigmatique et curieux, des estampes visionnaires.
Un espace sur la technique japonaise de l’estampe permet de voir de superbes outils en complément de l’exposition, ainsi qu’un espace de lecture de mangas mis à la disposition des visiteurs à la fin du circuit.

On poursuit avec l’estampe visionnaire de Goya à Redon
Cette seconde exposition est organisée par le Petit Palais avec le concours de la Bibliothèque nationale de France avec plus de 170 œuvres de Goya à Redon en passant par Delacroix et Gustave Doré.

C'est la première fois qu'on célèbre avec une telle ampleur, le monde terrifiant de l’estampe fantastique et visionnaire, en l'occurrence le triomphe du noir, du macabre au bestiaire fantastique, ou au paysage habité, jusqu’à la représentation du rêve ou du cauchemar à travers une plongée dans l’art fantastique qui suit un parcours chronologique.

Elle est néanmoins introduite par une vidéo contemporaine présentée en boucle, et qui crée le sentiment d’un trouble récurrent. Avec My Nights, Agnès Guillaume convoque dans un ballet les oiseaux noirs des nuits d’insomnie qu'elle  traite de manière littérale et incarnée. Elle offre son propre portrait en fond d’image, cadré de face, en gros plan, tantôt les paupières closes, tantôt les yeux grand ouverts. Des oiseaux noirs surgissent devant le visage de l’artiste, proche de l’effacement. Nous sommes face à deux mondes qui ne communiquent pas, deux entités partageant le même espace-temps mais non la même intention, non la même pulsion de vie.
L’exposition met tout d’abord en lumière les figures tutélaires qui ont influencé l’histoire de l’estampe et qui ont été regardées et réinterprétées par les graveurs du XIXe siècle. Le visiteur est accueilli par La Mélancolie d’albrecht Dürer, La Tentation de Saint-Antoine de Jacques Callot, Le Docteur Faustus de Rembrandt, une planche des Prisons de Piranèse ainsi qu’une eau-forte en couleurs (ci-dessous) de Laurède de 1782, d’après le Cauchemar de Johann Henrich Füssli (1745-1825).
L’exposition s’attache ensuite à montrer la manière dont l’inspiration fantastique évolue au fil de trois générations successives d’artistes. La génération romantique de 1830, celle d’Eugène Delacroix, est fortement marquée par l’influence des Caprices de Goya mais aussi par l’omniprésence du diable dont la silhouette envahit au même moment l’estampe populaire.
Eugène Delacroix (1898-1863), Faust cherchant à séduire Marguerite, 1827 Lithographie 3ème état avant la lettre.
Grandville (1803-1847), le Misocampe, planche de scène de la vie privée et publique des animaux, 1842, gravure sur bois de Louis Brugnot.

La deuxième section aborde le néo-romantisme autour de Gustave Doré, artiste le plus emblématique de ce courant : en témoignent notamment ses compositions pour L’Enfer de Dante édité en 1861. Enfin le parcours s’achève sur la présentation de planches d’Odilon Redon notamment qui, avec Dans le rêve, ouvre la voie de ce qui allait devenir le symbolisme. En plein courant naturaliste et alors que le groupe des impressionnistes inaugure sa quatrième exposition, cet artiste publie, en 1879, cette suite de lithographies comme un manifeste de son désir de se soustraire au positivisme ambiant. Cet album inaugural est la clef de voute du dernier sursaut du romantisme en noir et blanc qui trouve un écho chez les peintres-graveurs de la fin du XIXe siècle.
Odilon Redon (1840-1916), Dans le rêve, planche 3 "La Roue", 1879, lithographie.
Odilon Redon (1840-1916), Araignée, 1887, lithographie. Si le fantastique de Redon doit beaucoup à l’onirisme de Grandville, il n’est pas pour autant exempt de morbidité. Présente dans ses noirs, l’image de la Mort, souvent liée à celle de la femme fatale dans l’œuvre de nombreux graveurs contemporains, témoigne des angoisses morbides qui traversent les deux dernières décennies du siècle.

La production artistique qui nous est montrée dans cette partie de l'exposition met en évidence un "romantisme noir" qui se nourrit de la matière même de l’encre du graveur.

On continue dans les collections permanentes
Il faut regarder autant l'architecture du Palais, magnifique du sol au plafond, que les accrochages. Construit pour l’exposition universelle de 1900, le bâtiment est un chef d’œuvre de l’architecte Charles Girault, devenu en 1902 le Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Il présente une très belle collection de peintures, sculptures, mobiliers et objets d’art datant de l’antiquité jusqu’en 1914.

Parmi ses richesses se distinguent une collection exceptionnelle de vases grecs et un très important ensemble de tableaux flamands et hollandais du XVII° siècle autour du célèbre Autoportrait au chien de Rembrandt. Sa magnifique collection de tableaux français des XVIII° et XIX° siècles compte des œuvres majeures de : Fragonard, Greuze, David, Géricault, Delacroix, Courbet, Pissarro, Monet, Renoir, Sisley, Cézanne et Vuillard.

Dans le domaine de la sculpture, le musée s’enorgueillit de très beaux fonds Carpeaux, Carriès et Dalou. La collection d’art décoratif est particulièrement riche pour la Renaissance et pour la période 1900, qu’il s’agisse de verreries de Gallé, de bijoux de Fouquet et Lalique, ou de la salle à manger conçue par Guimard pour son hôtel particulier. Le musée possède enfin un très beau cabinet d’arts graphiques avec, notamment, les séries complètes des gravures de Dürer, Rembrandt, Callot ... et un rare fond de dessins nordiques. J'ai retenu un tableau de Courbet parce que j'avais visité le nouveau musée que sa ville natale Ornans lui consacre, un immense vase de Dalpayrat parce que j'ai visité récemment sa maisonà Bourg-la-Reine ...
Gustave Courbet (Ornans-Doubs- 1819-Suisse 1877), Les demoiselles des bords de la Seine (été) 1857, huile sur toile. Ces Demoiselles sont deux citadines venues se rafraichir un jour d'été au bord de l'eau. Le réalisme du tableau s'impose par la franchise des physionomies et des attitudes. La signification de cette oeuvre, qui suggère plus qu'elle ne raconte, n'en demeure pas moins énigmatique. On a ainsi cru reconnaitre, dans ces deux femmes, les soeurs du roman de Georges Sand, Lélia (1839). D'autres ont voulu y voir une dénonciation des moeurs relâchés du Second empire. Champfleury, chantre du réalisme social, et défendeur de Courbet, dénonce pour sa part la séduction trouble de ces Parisiennes abandonnées à la torpeur de l'été. Par la modernité de son sujet, le tableau annonce la grande fortune picturale des bords de seine célébrés par les Impressionnistes, une génération plus tard. Mais cette scène de plein air, commencée à Ornans en 1856, reste une oeuvre d'imagination peinte en atelier.
Pierre-Adrien Dalpayrat (Limoges 1844- Paris 1910), vase grès émaillé, modèle présenté à l'Exposition universelle de 1900.
Camille Alaphilippe (Tours 1874- Algérie après 1934), la femme au singe, grès et bronze, 1908. Alaphilippe se passionne dès son séjour à la Villa Médicis en 1901 pour les possibilités de la céramique. En 1914, il sera d'ailleurs directeur de la manufacture de grès flammés d'Alexandre Bigot à Mer (Loir-et-Cher), qui produit essentiellement de la céramique architecturale.

La Femme au singe est composée d'un assemblage audacieux d'éléments de bronze doré (la tête et les mains) er de plaquettes de grès émaillées, montées sur uns structure de bois et de fer, tenues par un mortier de bique pilé, les points étant réalisés en plâtre coloré. Hiératique et mystérieuse, l'oeuvre doit autant à l'image symboliste de la femme fatale tenant enchainée un adorateur qu'à une inspiration néo-médiévale propre à l'auteur. L'ensemble forme une sorte d'objet d'art gigantesque dont la forme séduisante et les couleurs chatoyantes font oublier l'exploit technique et 'ingéniosité de cet artiste en core méconnu.
Un café-restaurant ouvrant sur le jardin intérieur et une librairie-boutique complètent les services offerts.
Dans la librairie on peut trouver un thé vert parfumé, spécialement créé pour l'occasion par Olivier Scala pour les Thés George Cannon dans une boite ronde rappelant l'univers de Kuniyoshi. C'est un savoureux thé vert Sencha aux parfums fruités et aux notes gourmandes de poire et de coing.
Kuniyoshi ... Le démon de l'estampe !
L’estampe visionnaire de Goya à Redon
Du 1er Octobre 2015 au 17 Janvier 2016
Au Petit Palais, Avenue Winston Churchill 75008 - PARIS
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermé le lundi et certains jours fériés
Ouverture le mercredi 11 novembre
Nocturne le vendredi jusqu'à 21h pour les expositions temporaires
Gratuit jusqu'à 17 ans inclus
Je signale qu'une autre exposition a lieu aussi en ce moment (du 2 novembre 2015 au 16 Janvier 2016) à L’Essence du Thé – Thés George Cannon, 12 rue Notre Dame des Champs – 75006 – PARIS autour d'oeuvres de Stéphanie Ledoux en lien avec une autre création de thé parfumé par Olivier Scala, le Thé Indigo qui est également le titre de l'accrochage.
Globe trotteuse dessinatrice et passionnée de destinations lointaines, cette artiste vous embarquera dans son univers de portraits et de carnets de route, le temps d’un voyage couleur indigo, direction le Laos, le Vietnam et la Chine. Les deux tableaux que j'ai retenus sont "Pause thé chez les Hmong noirs", et "Le voile à pois indigo" - tous deux 80x100 cm.

Célébration du prix Clara 2016 publié par les éditions Héloise D'Ormesson

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Le soir de la fête les lauréats ont déjà été informés de leur réussite et le livre regroupant leurs écrits sort de presse.

Le Prix Clara a été créé en mémoire de Clara, décédée subitement à l’âge de treize ans des suites d’une malformation cardiaque. Destiné aux adolescents qui, comme elle, aiment lire et écrire, il est décerné par un jury présidé par Erik Orsenna et composé de onze personnalités du monde des lettres et de l’édition.

La vocation du Prix est caritative. Les bénéfices de la vente du livre (10 € seulement)  sont versés à l’Association pour la recherche en cardiologie du fœtus à l’adulte (Arcfa) de l’hôpital Necker-Enfants malades.

Beaucoup de candidats, 500 à 600 chaque année et quelques élues. Je l'écrit au féminin parce qu'aucun adolescent n'a réussi à se faire distinguer par le jury cette fois ci. Mais comme leur a prédit la marraine de la manifestation, Anne Hidalgo "les garçons ne doivent pas se décourager. Ils auront eux aussi leur place dans le monde de demain".

La cérémonie avait naturellement lieu dans la salle des fêtes de la Mairie de Paris. On percevait l'émotion des jeunes filles d'être publiées avant l'âge fatidique (on se croirait dans un conte de fées) de 18 ans. Il faut dire que le décor impressionne.
D'abord la montée de l'escalier, habillé des couleurs de la République. L'inscription au plafond de la triple devise républicaine, Liberté, Egalité, fraternité lisible plusieurs fois et que les invités ont peut-être davantage photographié que les lauréates. Il faut reconnaître que les peintures sont très belles. J'ai pris moi aussi un cliché un peu désuet avec le mot Liberté.
La salle était remplie d'écrivains et d'amis des primés mais surtout de leur famille. Leur succès fait la fierté des parents et c'est plaisant de le constater.
Le petit discours d'Anne Hidalgo fut très vivant et rassurant comparativement à ce que le Monde avait publié le 2 novembre à propos du grand "chahut cérébral" qui régnerait dans le cerveau des ados. Durant ces années charnières, suspendues entre l’enfance et l’univers adulte, les jeunes subiraient, interdits, de ­violentes métamorphoses corporelles et psychiques. Surtout, ils resteraient confrontés à ce défi  : affirmer leur identité et construire leur vie.

La maire de Paris a souligné combien la lecture est un exercice de culture permettant de rester humain, rappelant que son bonheur d'accueillir ce Prix est bien antérieur à sa position de maire. Selon elle la lecture offre une part de bonheur renvoyant à son jardin secret mais permet aussi d'apprendre du monde probablement plus (ou plus qualitativement) qu'en suivant le fil AFP.

Erik Orsenna n'a pas dérogé à ses habitudes, multipliant les traits d'humour, avec plus ou moins de bonheur, rebaptisant le Prix Clara l'autre Prix Femina, s'étonnant que les filles ne soulèvent pas la question de la parité lorsqu'elles sont majoritaires (sans se rendre compte un instant que son bon mot est diversement analysable puisque si on regarde les titres sélectionnés en 2015 pour le Femina il y a plus de livres écrits par des hommes que par des femmes), et citant (ce n'est pas la première fois) ce dicton africain qui dit en substance que venir n'est rien, tout commence quand on revient.

Comme si le mérite des jeunes gens était suspendu à une seconde publication ... ! Heureusement, les  7 lauréates ont très vite fait oublier ces propos misogynes en menant une série d'interviews croisées entre les primées des années précédentes et celles du cru 2015. C'est une très jolie idée de faire interroger chaque nouvelle plume par une ancienne. Cela occasionne des rencontres et lance des discussions plus tard dans la soirée.

H. P. Lovecraft, les Pink Floyd, Maupassant ou encore Kate Bush, ont été sources d'inspiration. Nous avons appris que Lucie s'est concentrée sur la famille et a interrogé la question de l'hérédité. Qu'Anne Lise a choisi de mettre en valeur ceux que on désigne sous le terme de héros anonymes en parlant des soignants risquant leur vie pour sauver les autres (Ebola). Que Tamara à opté pour le format du journal intime afin de faire plonger le lecteur dans la profondeur des émotions ressenties tout au long du plus beau jour de sa vie, de son mariage, avec une chute formidable. Que Louise a été influencée par les lectures d'auteurs fantastiques et par son frère pour écrire 21 grammes.
Elora s'est penchée sur un sujet tristement actuel, le harcèlement physique et moral au travers d'un texte intitulé La Rumeur. Marie a fait un choix de construction en fragments, commençant chaque chapitre par comme, ce qui fait penser que finalement sa nouvelle c'est comme si c'était une histoire.

La benjamine, 13 ans, Chimère, met en scène un robot qui est à la recherche d'un cœur, un peu à l'instar du Tiny Man du Magicien d'Oz. Chez elle l'écriture est un exercice quotidien, pratiqué par sa mère comme son père, ce qui n'enlève cependant rien à son mérite.

La plupart de ces jeunes auteurs baignent dans la marmite ou ont été incités à concourir par leurs professeurs de français, ce qui explique l'engouement pour le Prix. Et c'est heureux.

Au fil des années et depuis 2007, ce sont 65 lauréats qui composent le vivier et il est réjouissant de le voir s'enrichir chaque année de nouveaux jeunes écrivains qui offrent un regard neuf sur le monde, même si on peut considérer que c'est le privilège de l'âge.

La remise de prix fut très vivante, active, bref très jeune d'esprit. Et Damien Bonet peut se réjouir de pouvoir poursuivre un projet pilote d'identification du cœur à l'envers grâce aux bénéfices remis par Héloïse d'Ormesson sur les ventes de l'année dernière.

Prix Clara, nouvelles d'ado, éditions Héloise d'Ormesson, en librairie le 5 novembre 2015.

Naissance d'un chef d'oeuvre de Stéphanie Chevara au Théâtre de Belleville

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Voilà réellement un projet audacieux qui a l'ambition de retracer l'aventure que fut en 1953, pour Samuel Beckett et ses acolytes, la conception d'En attendant Godot, depuis les prémices de son écriture jusqu'au scandale de sa première. Et Stéphanie Chévara a assuré l'écriture et la mise en scène du spectacle en ayant l'objectif de nous mener sur les chemins escarpés de la création, au cœur du Paris d'après-guerre.

La naissance d’un chef d’oeuvre prend forme sous nos yeux, sans occulter incidents, heureux hasards, catastrophes quotidiennes, et petits miracles.

Sur le plan de la forme, et c'est assez rare au théâtre pour le souligner, la musique joue un rôle important tout au long du spectacle avec la chanson Mad Worldéditée en 1982 par le groupe britannique Tears for Fears, reprise par Michael Andrews et Gary Jules en 2001 pour la BO du film culte Donnie Darko, puis par Susan Boyle en 2011. Plus récemment, Mylène Farmer la chanta avec Gary Jules lors de sa tournée Timeless 2013 à Bercy.

Cette chanson est bien choisie et insuffle un vent de nostalgie sur la scène. On retrouve sans surprise les éléments de décor que l'on associe tous à Godot : les silhouettes, l'arbre, les chapeaux melon ... On est également confronté aux atermoiements de ceux qui avaient peur de monter la pièce, à l'enthousiasme de Roger Blin et au courage de Jean-Marie Serreau qui la créera au Théâtre de Babylone.

On ressent aussi parfaitement les doutes de Samuel Beckett, constamment tempéré par son épouse (dont j'ignorais le rôle si déterminant dans cette affaire). On apprend aussi que l’idée de l’arbre est inspirée du tableau Deux Hommes contemplant la Lune du peintre allemand Caspar David Friedrich peint en 1819-1820. L'oeuvre est projeté à plusieurs reprises sur le fond de scène.
Le clown Grock a été une autre source d’inspiration pour créer les deux clowns tragiques. Et la personnalité de Samuel Beckett est interprétée brillamment par Laurent Collard.
Mais ... vous aurez deviné que derrière ces compliments se cristallise un doute, lié pour moi à l'emploi du voile qui fait écran entre les spectateurs et le plateau. Si j'ai bien compris sa fonction il n'empêche que sa présence trop souvent récurrente introduit une distance qui m'a régulièrement dérangée, malgré les qualités manifestes de cette création.

Naissance d’un chef-d’oeuvre, inspiré par l’histoire vraie de la création d’En attendant Godot de Samuel Beckett en 1953.
Adaptation et mise en scène Stéphanie Chévara
Scénographie Victor Melchy
Avec Morgane Ader, François Boisseau, Laurent Collard, Armand Eloi, Barthélémy Goutet, et en alternance, Arthur Minthe et Théophile Pouillot-Chévara.
Au Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple 75011 Paris
Jusqu'au 3 décembre 2015
Du mercredi au samedi à 21 h 15
Dimanche à 17 heures

Les photographies qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de © Dominique Martigne.

Les Histoires cruelles finissent mal (en général) de Nicolas Cauchy

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C'est rare. Je me demande même si je l'ai déjà fait : publier une chronique sur un livre que je n'ai pas terminé ? Non pas parce qu'il me serait "tombé des mains" mais parce que j'y prends un tel plaisir que je décide de le dire illico presto.

Nicolas Cauchy a écrit des nouvelles, un genre qui en ce moment semble avoir un peu le vent en poupe pour aborder singulièrement le thème du fantastique. Après les rêves rendront leur revanche d'Hugues Royer, les contes de Perrault revisités, cet auteur va encore plus loin avec ses Histoires cruelles.

Il a déjà publié deux romans chez Robert Laffont, plusieurs albums jeunesse aux éditions Gautier Languereau et des textes courts aux éditions 12-21. Les histoires cruelles finissent mal (en général) est son premier recueil de nouvelles.

Il présente lui-même son travail en interrogeant : Pourquoi ce cadre d'entreprise tente-t-il désespérément d'effacer son numéro de portable inscrit sur le mur ? Qui sauvera cette jeune fille offerte au caïd local ? Et qui a bien pu souhaiter la mort du grand écrivain si talentueux ? Cette année, Noël sent le sapin avec les 24 anti-héros de ces Histoires cruelles qui finiront vraiment très mal (en général). Petits arrangements entre ennemis et bassesses quotidiennes, micmacs de couples à la dérive et vengeances bien macérées : bienvenue dans le monde merveilleux des pères-Noël assassins et des calendriers de l'avent macabres...

Oui ce sont des contes de Noël un peu particuliers, parfois cruels, mais joliment tournés. Il s'en dégage une poésie un peu comparable à l'Etrange Noël de M. Jack.

J'ai adoré. C'est inventif, parfois humoristique (Google en prend pour son grade dans Demandez à Serge*), ancré dans l'actualité historique (allusion au tsunami et à l'attentat du 11 septembre), évoquant De rouille et d'os (Celui qui croyait toujours au père Noël), caustique mais aussi parfois positif. On ne peut pas dire que La Sorcière du numéro 20 se termine réellement mal. Il peut arriver que la grenouille devienne prince ou princesse ...

Noël focalise le bonheur pour beaucoup de monde. Mais cette fête peut devenir insupportable pour d'autres comme la vitalité du printemps agace les dépressifs. Et c'est assez original d'avoir songé à prendre le contrepied des bons sentiments pour bâtir des scénarios en reprenant des motifs liés à cette période.

Nicolas Cauchy satisfera les partisans comme les réfractaires aux festivités avec ses 24 nouvelles, que l'on pourra savourer à raison d'une par jour tout au long du prochain Avent.

Les Histoires cruelles finissent mal (en général) de Nicolas Cauchy, chez Belfond, en librairie depuis le 5 novembre 2015

Un dernier pour la route par le collectif AOC

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On entend leurs cris de loin, depuis la route qui longe l'Espace Cirque d'Antony (92). Le spectacle commence à l'insu du public par un conflit entre une personne âgée qui s'entête à vouloir traverser la scène en s'appuyant sur sa canne. On est à deux doigts d'une altercation qui se conclue par une folle étreinte, très métaphorique du propos du collectif.

Ils s'appellent AOC, Appellation d'Origine Circassienne, pour signifier leur volonté d'être des "purs et durs du cirque". Je les ai connus à l'occasion de leur précédent spectacle, Autochtone mais cela fait plus de quinze ans qu'ils sont reconnus comme l’une des compagnies les plus novatrices du cirque contemporain.

Cette fois ils sont neuf acrobates et un musicien à s’être réunis sur la piste. Oscillant en permanence entre le groupe et l’individu, Un dernier pour la route est un spectacle hybride, où se croisent des tableaux collectifs dansés et des moments de théâtre virant au sketch. J'ai eu le sentiment les prémices du spectacle que j'ai vu ce soir étaient déjà contenus dans Autochtone,  avec le trampoline, les couteaux, la piste de ski, et bien sur les portées, le fil, le trapèze.

Ils ont choisi cette fois-ci de s'interroger sur le temps qui passe. Jusqu'à quel âge serait-on capable de se produire ? Comment suggérer la dégradation de corps qui ont indubitablement vieilli (depuis 15 ans ...). Le propos n'est pas nouveau. On pourra penser à Pina Bausch qui invita des personnes âgées sur la scène ou à ce chorégraphe qui plus récemment a fait danser des handicapés.

A ceci près que le travail du cirque est trop exigeant pour être ouvert à de non professionnels. La mise en abîme est donc double. On fait comme si mais on est encore en pleine possession de ses capacités.

La pente douce que dévalaient déjà les circassiens dans Autochtone a été relevée à la verticale. Et davantage de prouesses sont associées au trampoline.

Au tout début un musicien bruiteur est campé sous une lumière rouge, en surplomb de la piste. Des pulsations et des frappés rythment les glissements des corps, des hommes comme des femmes vêtus de rouge et noir, qui rampent sur le sol. Des silhouettes usées et déformées qui se métamorphosent en corps de rêves, grouillant, surgissant des coulisses et de partout, dessous, dessus, tournicotant comme des toupies chancelantes, animés par un coeur qui s'essouffle.

Vestes noires, chemises rouges, manteau de fourrure, les artistes s’avancent côte à côte, mus par la même intensité, entre les mâts chinois, les trapèzes et les fils de funambules. Ils esquissent un salut, étirent une révérence, provoquant ces applaudissements qui conventionnellement imposent un rappel, un bis repetita, un dernier ...
Un dernier pour la route est lancé à grande vitesse. On reprend des exercices dans lesquels les AOC sont maîtres. Mais comment grimper quand les muscles vous lâchent ? La détermination peut-elle suffire ? La musique devient grinçante, discordante, à l'instar des corps qui se tordent.

Surgissent alors des trolls, des revenants, des fantômes du temps, recouverts non pas de draps blancs mais de ces couvertures brunes que l'on pose sur les chevaux, pour conjurer la peur et le froid.
Quand on se raidit, que l'équilibre est devenu précaire mieux vaut ne pas monter le fil de fer à plus de 30 cm de haut par rapport au plateau. Le risque devient acceptable.
Les artistes se transforment en une sorte de jeu de quilles dans une chorégraphie pensée comme un défi tandis que la vieille dîne, le dos courbé au-dessus de son bol de soupe.

Sébastien Bouhana à la guitare accompagne les culbutos. Les filles exhibent leurs muscles. Et on prépare la table pour fêter tout ça. Parce que tout de même cet élément est leur point de repère.
Ils anticipent par des cascades de rire les moqueries que leurs "faiblesses" vont provoquer. Le "vivre ensemble" est décliné en une multitude de séquences acrobatiques inspirées par le vécu enthousiaste ou nostalgique des interprètes. La dimension collective se frotte à la séparation, l’intime à l’universel. Performance rime ici avec intelligence.

On entend les bruits d'une route à grande circulation, pressentant un possible accident. Puis ce sont les couloirs du métro à une heure de pointe, des vociférations de marché, des klaxons. Le groupe chancelle et nous spectateurs, ressentons la dureté des planches des gradins sous nos fesses.

La soirée se poursuit dans une ambiance disco. L'ivresse est mimée, justifiant lune nouvelle fois e titre.

Alors que la chanson du film Cria Cuervos se laisse à peine deviner au lointain, derrière des grincements de cordes et des tintements de clochettes, les artistes s'enfuient, reviennent, s'accrochent aux branches. Leurs halètements sont-ils amplifiés ou réels ?

J'ai eu un peu peur murmure un enfant dans le public.

Le spectacle me semble peu adapté aux moins de 10 ans. C'est l'écroulement final, prévisible. Mais ils se relèvent toujours. Les AOC sont avant tout de grands professionnels capables de très beaux morceaux de bravoure acrobatique : pirouettes au mât chinois, trapèze ultra-sensuel, trampoline à trois corps ou jeté de couteaux pulsionnel, des numéros parfaitement rodés qui viennent électriser des scènes plus apaisées. Les corps peuvent s'engager dans une autre forme de ballet, plus sensuel, où le risque est de se prendre cette fois un couteau entre les omoplates.
Le cirque devient cabaret. Le musicien créé des sons grinçants sur une drôle de grosse caisse qui évoque les chaudrons sur lesquels on cuit les marrons dans les rues.

La soirée s'achève avec un très bel effet : la pluie ruisselle sur les artistes. Je ne vous dirai pas quel artifice est employé mais il permet, lui aussi, de ne jamais oublier que tout ce soir est spectacle et que tout est allusion au temps qui passe sur la scène d'un sablier géant.

Dernier conseil ... pour la route qu'il nous reste à accomplir : soyez vigilant les uns envers les autres. Et ce sont eux qui nous le disent !

Un dernier pour la route
Mise en scène : Harold Henning
Avec : Florent Blondeau, Sébastien Bouhana, Colline Caen, Chloé Duvauchel, Jonas Julliand, Serge Lazar, Gaëtan Levêque, Marc Pareti, Marlène Rubinelli-Giordano, Fabian Wixe
Composition musicale : Bertrand Landhauser et Sébastien Bouhana
Les 6, 7, 8 novembre 2015, puis 12, 13, 14 novembre, et 20, 21, 22 novembre
Espace cirque d'Antony, Rue Georges Suant, 92160 Antony
Téléphone : 01 41 87 20 84
Les 27, 28, 29 novembre 2015 : Cirque Théâtre Elbeuf, PNAC Haute Normandie

Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Christophe Raynaud de Lage

Rencontre avec Céline Cristini

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Elle a un nom qui croustille, le sourire malicieux. En toute logique pour une illustratrice qui oeuvre dans la littérature jeunesse.

L'enfance de Céline Cristini a été nourrie de l'univers d'illustrateurs comme Gustave Doré, Mercier, Béatrix Potter qui ont participé à la construction de son imaginaire. Elle doit sans doute à ces apports son goût pour la couleur et son sens aigu du détail. La nature et le quotidien alimentent son inspiration et, notamment, le monde de ses propres enfants...

Son petit dernier, Pierre, lui a inspiré Tom le héros de Chatonou (2013) et on le retrouve dans son dernier album, La Dent de Mamiegrand qui vient d'être publié aux éditions Henry avec qui elle collabore depuis de nombreuses années.

On constate une harmonie en regardant les deux couvertures. Si ses premiers ouvrages, jusqu'à  celui qui s'intitule Le Nez de Robin, brillaient de couleurs Céline Cristini a décidé de réduire leur emploi pour tenir compte de la façon dont les jeunes enfants se sont habitués à toutes ces couleurs des palettes graphiques qui gomment les nuances.

Cette nouvelle manière de procéder lui permet aussi de s'affranchir de contraintes techniques inhérentes à l'emploi de papier recyclé, certes écologique, mais qui absorbe trop les encres et qui offre un rendu parfois criard, par exemple avec les jaunes.

Ses visites à l'imprimerie s'accompagnent toujours de craintes sur le rendu. Mais elle apprécie malgré tout que les livres soient faits en France et pas en Chine (ou ailleurs) selon la volonté de Jean Le Boël qui est le directeur littéraire des éditions Henry.

Céline est passionnées par ces aspects et elle communique facilement sa préoccupation concernant le rendu final. Son usage des fonds est inhabituel dans le domaine de l'album mais il est très adéquat pour installer une ambiance. Et les restrictions qu'elle s'impose lui permettent en fin de compte d'en dire moins mais avec plus de force. Elle n'avait pas envie cette fois ci de mettre de la couleur sur les visages et le rendu est très réussi même si le gris a de quoi surprendre.

On pourrait penser qu'un illustrateur a les images dans la tête avant de les faire surgir au bout de ses pinceaux. Celine m'a confié ne pas savoir illustrer sans texte. Le duo qu'elle forme avec Peter Barnouw pour ce livre est donc basé sur l'histoire.

Ancien marionnettiste, fondateur, entre autres, d'une crèche parentale et d'un centre de loisirs associé à l'école (CLAE) dans les années 70, Peter a ensuite créé la Maison du Théâtre pour Enfants à Avignon, il y a plus de trente ans. Il avait depuis longtemps envie de recommencer à écrire pour les enfants. C'est en apprenant que Pierre avait perdu une dent qu'il a eut l'idée d'inverser la situation en la transposant à l'univers des grands-parents. Les enfants de Céline appellent leur grand-mère Grand-maman mais là encore Peter a renversé l'ordre des mots en inventant Mamiegrand.

L'album traite de l'imaginaire des enfants autour des dents qui tombent. Bien sûr, les souris prennent les dents de lait des enfants sous l'oreiller en donnant en échange un petit cadeau, mais si c'est une grande personne qui perd une dent, que se passe-t-il alors?

La dent de Mamiegrand est le premier album jeunesse de Peter Barnouw, et probablement pas le dernier. Quand il a donné le texte à Céline elle a naturellement pensé à ses propres parents, aujourd'hui grands-parents, pour dessiner les personnages de l'histoire. Comme eux ils vivent dans une maison à la campagne, sans la télévision. D'ailleurs aucun de leurs petits enfants ne penseraient à leur en faire reproche.

Céline travaille avec la peinture acrylique, le crayon de papier, des feutres. Elle en souhaite pas réaliser ses dessins avec un logiciel comme Photoshop mais elle n'est pas hermétique à son emploi. Quand on regarde attentivement certaines images on remarque que les ombres ont été portées par Photoshop. Par exemple quand Tom perd sa dent et sur la page suivante où l'on voit le grand-père assis sur le lit. Cela donne de la modernité au dessin avec un petit quelque chose évoquant l'univers des mangas.

Céline ne renie pas l'emploi des traits de couleur. Ils animent la cuisine du grand-père comme l'atelier de la grand-mère. On notera d'ailleurs que les rôles aussi ont été inversés par rapport aux clichés que l'on a dans la tête : la femme aux fourneaux et l'homme bricoleur.

Sur la couverture on observe trois souris et pas une seule parce que ces animaux ont l'habitude de vivre en communauté. On reconnait leur chef à sa position sur un trône de fortune, une bobine récupérée quelque part car, c'est bien connu, les souris récoltent toujours plein de choses. Le fil rouge dirige le regard vers le nom de l'éditeur.

L'art de Céline et de Peter est de faire quelque chose d'extra-ordinaire à partir d'un petit évènement. Ils en ont un autre en préparation, sans doute une nouvelle histoire de chat. Un animal un peu rustique élevé dans la campagne creusoise, arrivant dans une résidence de la banlieue parisienne où il devra conquérir sa place parmi tous ses congénères qui portent collier. Peut-être une version revue et corrigée d'un chat des villes face à un chat des champs...

D'ici là Céline travaille à l'illustration d'une trentaine de poèmes écrits par Patricia Castex Menier qui paraitront sous le titre de Bleu Baleine également aux éditions Henry car Jean Le Boël est très attaché à la poésie.

La Dent de Mamiegrand de Céline Cristini et Peter Barnouw, Editions Henry

L'histoire incroyable de la Crypte du Souvenir de Bourg-la-Reine (92)

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J'ai découvert le cimetière de Bourg-la-Reine dans le cadre des Journées du Patrimoine et je trouve que sa crypte mérite d'être visitée à l'occasion des cérémonies prochaines du 11 novembre.

En 2002 des sondages ont été effectués sous le monument qui ont permis de découvrir une Crypte où reposent vingt-huit militaires et civils de la Guerre 1914-1918, quatre de la Guerre 1939-1945 et un soldat de la Guerre d'Afrique du Nord 1954-1962.

Des travaux de rénovation, entrepris en 2005 ont permis d'aménager la Crypte en lieu de mémoire et de recueillement accessible au public.
L’histoire remonte aux années 1995. L’association des anciens Combattants avait demandé au maire le déplacement du monument aux morts en argumentant qu’il serait mieux place Condorcet. Cet endroit est dévolu à des évènements et accueille souvent un manège. Le maire était donc réticent. Mais surtout il avait le sentiment que quelque chose existait sous le monument. Il demanda donc que l’on fasse des sondages. Un employé municipal découvrit un trou rempli d’eau au troisième coup de pioche.

La suite de l'aventure, c'est le maire lui-même qui me l'a racontée : On m'appelle dans mon bureau. Je confirme mon arrivée. On me prépare loupiote, échelle. Je descends sans autre protection. J'avais de l’eau jusqu’à mi-mollet. Mes souliers de cuir ont été endommagés mais j'étais aux anges de constater que ma prémonition se vérifiait.

Ils ont trouvé ce jour-là, sur le côté gauche du couloir, une série de cercueils murés avec des briquettes et au fond, un squelette qui les attendait, sans doute un mort de la guerre 14-18 inhumé à la hâte dans un cercueil en mauvais pin qui se dégrada avec les intempéries. Le cadavre fut identifié grâce à son bracelet militaire.
L’enquête qui eut lieu ne donna pas grand-chose en dehors de trois lignes figurant dans les avis du Conseil municipal, indiquant que l’on a construit en 1921 un monument au-dessus d’une cave pour les nécessiteux.  Il n’existait en région parisienne aucune crypte de la Grande guerre. Le président du Conseil Général de l’époque, Charles Pasqua accepta de soutenir le projet de rénovation. On découvrit à cette occasion un second couloir. Mais aucune porte ni fenêtre et le mystère demeure aujourd’hui même si on comprend mal que la mémoire se soit éteinte en si peu d‘années puisqu’il s’y trouve aussi un ancien combattant de la Guerre d’Algérie.

L’entrée est volontairement un peu cachée pour demeurer propice au recueillement. Une grille en bas de l’escalier permet d’avoir une vue sur l’ensemble même en cas de fermeture et le bouton électrique est à portée de main.

Les noms étaient déjà gravés. Tout resta en l’état car il est très difficile en France de déplacer des morts. On est surpris de voir la tombe d’une femme, Gabrielle Stouque, infirmière au Front, décorée de la Légion d’Honneur.
Les armes qui sont posées sur le dessus proviennent de découvertes faites dans les années 1970/80. Beaucoup de gens, sachant que la Kommandantur avait promis que les français qui recélaient des armes de guerre seraient fusillés avaient caché leurs biens dans leurs jardins.

C’est avec une très grande émotion que les descendants ont été conviés à la cérémonie qui eut lieu en 2005. Ce sont 1500 personnes de familles dispersées ignorant totalement où se trouvaient leurs ascendants qui ont pu venir se recueillir enfin sur leurs tombes.

Ce cimetière de Bourg-la-reine est un lieu de mémoire étonnant. De nombreuses personnalités de renom y reposent, comme Albin Michel (1873-1943), éditeur, Evariste Galois, mathématicien, en particulier François Hennebique (1842-1921), architecte, ingénieur, entrepreneur, considéré comme l'inventeur du béton armé. A l'occasion des Journées du Patrimoine de septembre la famille Hennebique a reconnu le mauvais état de leur monument. La ferraille tombe et une réunion sera bientôt organisée en mairie pour envisager une remise en état.
Sachez que parmi les pensionnaires illustres figure la famille Dolto. Avec la tombe de Françoise Dolto (1908-1088), psychanalyste  écrivain, et son fils Jean-Chrysostome Dolto, dit Carlos (1943-2008), chanteur. L'inscription N'aie pas peur, je suis le chemin, la vérité et la vie est gravée sur leur tombe commune.
Parmi les personnes célèbres on compte aussi Léon Bloy (1846-1917), journaliste, romancier, que le pape a cité dans sa première homélie aux cardinaux parce qu’il vient d’Amérique du Sud et que cet écrivain y était très apprécié. Il  habita dans la maison de Charles Péguy au 7 rue André Theuriet.
On remarque la tombe de Georges Lafenestre (1837-1919), poète et critique d'art.
Léon Azema (1888-1978), architecte, Grand Prix de Rome 1921, fut un des trois architectes du Palais de Chaillot. Il a fait construire toutes les Postes de France. Il voulait une tombe toute simple, avec un rebord, de la terre et du lierre.
La famille n’a pas exhaussé cette dernière volonté et la ville a décidé de se substituer aux descendants en plantant un lierre.
Charles Péguyétait un grand sportif. Il portait son sac mais très souvent il se chargeait de celui de ses hommes plus faibles. Il est enterré à Villeroy, avec ses hommes en plaine de Brie.

Il était né en 1873 à Orléans d’une mère rempailleuse de chaises et d’un père menuisier, décédé prématurément. Il vivra dans une grande austérité, fera des études à Orléans, sera boursier et poursuivra au lycée Lakanal. Il sera le premier à employer l'expression "hussards noirs" pour désigner les instituteurs de la III° République après le vote des lois Jules Ferry.

Il vivra quelques années à Bourg-la-Reine qu'il quittera  le 2 août 1914 pour rejoindre son régiment. La mairie a voulu lui rendre hommage avec une plaque comprenant un médaillon réalisé d’après la photo prise le jour de son mariage.
Le maire raconte le fait historique troublant. Un monument a été érigé en 1930 en souvenir du poète à l’entrée du faubourg Bourgogne où Péguy passa son enfance, au centre d’un square. Au cours de la deuxième Guerre mondiale, il reçoit un éclat d’obus qui lui perce le front à l’endroit même où il fut atteint sur le champ de bataille de Villeroy le 5 septembre 1914, raison pour laquelle il est décidé de le laisser en l’état.

La Crypte du Souvenir, 27 rue de la Bièvre, 92340 Bourg-la-Reine

La folle rencontre de Max et Flora, de Martin Page et Coline Pierré à l'Ecole des loisirs

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Lorsqu’elle découvre l’étonnante lettre de Max, Flora est à la fois heureuse et troublée, elle reçoit peu de courrier depuis qu’elle est en prison… Que peut bien lui vouloir ce garçon excentrique qui semble persuadé qu’ils ont des points communs ? Que peut-il partager avec une lycéenne condamnée à six mois ferme pour avoir violemment frappé une fille qui la harcelait ? Max ne tarde pas à révéler qu’il vit lui aussi enfermé. Il a quitté le lycée après une grave crise d’angoisse et ne peut plus mettre un pied dehors. Il vit retranché chez lui, avec ses livres, son ordinateur, son chat gourmet et son ukulélé. Flora et Max vont s’écrire ...
Pour écrire ce livre, Coline Pierré, alias Flora, la détenue, et Martin Page, alias Max, le reclus, se sont échangé des lettres pendant quatre mois, comme s’il s’agissait d’une vraie correspondance. Ils ont vécu cette expérience avec passion, soulignant combien cette manière de travailler fut très fertile, car la surprise, la découverte de la lettre de l’autre nous donnait envie de rebondir, de nouvelles idées germaient sans cesse. Depuis, les deux compères ont d’autres projets, d’autres envies de textes à quatre mains.

De cet échange est né La folle rencontre de Flora et Max, un roman épistolaire dans lequel les deux protagonistes vont s’écrire, collecter chaque jour des choses lumineuses et réconfortantes à se dire. Ils vont apprivoiser leur enfermement respectif et, avec humour et fantaisie, se construire une place dans le monde.

La photographie de couverture, avec ses deux globes lumineux, évoque des yeux découvrant le monde avec étonnement, comme deux extraterrestres atterrissant sur la terre.

Le livre est né de l'envie de partager une expérience d'écriture. L'originalité cette fois est d'avoir été chacun le lecteur de l'autre au fur et à mesure que se construisait une trame dont aucun ne savait alors jusqu'où elle allait les mener.

Une fois choisi le mode opératoire, sous forme de lettres, ils ont défini le point de départ et très vite des personnages prisonniers dans des situations qui permettaient à chacun d'eux de traiter les thématiques qui leur sont chères.

Ils ont commencé alors à s'adresser de vraies correspondances (même si pour faciliter les choses il s'agissait de mails) qu'ils signaient Flora ou Max. Une fois la première version du livre terminée, ils ont relu ensemble le texte à voix haute de nombreuses fois pour le retravailler, et construire la narration dans une vision plus globale.

Chacun est alors intervenu sur le texte de l’autre, proposant des idées permettant l’évolution des personnages. Le squelette de Flora et de Max a été construit par chacun des deux auteurs et enrichi du travail commun. Max est proche de Martin Page qui l'a pensé avec un humour qui rend l'adolescent particulièrement attachant.

Les deux protagonistes évoluent positivement sans que le roman ne verse dans la mièvrerie. Il traite de sujets qui sont tristement d'actualité comme le harcèlement scolaire et la réclusion chez soi par crainte des autres.

Au-delà du constat de la violence ou de la difficulté à vivre dans le monde, qui n'est pas nouveau en soi, le lecteur appréciera de trouver des alternatives et donc de l'espoir. Quel que soit la réalité il peut y avoir des solutions pourvu qu'on les cherche et qu'on ne se sente plus isolé. C'est sans doute la "leçon" la plus forte.

Martin Page est un auteur qui écrit aussi pour les adultes. J'avais beaucoup apprécié La disparition de Paris et sa renaissance en Afrique, publié aux éditions de l'Olivier en 2011.

La folle rencontre de Flora et Max de Martin Page et Coline Pierré à l'Ecole des loisirs, Collection : Médium, en librairie le 11 novembre 2014

Liliom mis en scène par Jean Bellorini

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(mise à jour 14 novembre 2015)

Jean Bellorini est un de ces "jeunes" metteurs en scène dont le style est très identifiable. Avec lui on sait que la musique sera partie prenante et que la lumière habillera les décors. C'est lui qui signe  la scénographie et les lumières, et pour partie la musique.

Rien de ce qu'il propose est anecdotique. Même lorqu'il reprend un élément de décor précédemment utilisé comme la caravane. Il y a de la profondeur dans ses arbitrages et si on reconnait la touche "Bellorini" dans Liliom ce n'est pas de l'artifice.

D'ailleurs il n'y a pas à proprement parler d'effets spéciaux pour ponctuer ce spectacle dont la grande force réside dans l'interprétation des comédiens, tous excellents.

Après la Bonne Âme du Se-Tchouan et Tempête sous un crâne, c'est le troisième spectacle que je vois, signé par Jean Bellorini (dont le frère aussi est un metteur en scène talentueux) qui nous raconte la vie, la mort et le voyage dans l’au-delà d’un voyou magnifique, condamné à réitérer la violence faute d'accepter de demander pardon et d'avouer ses sentiments. Le spectacle, qui réserve de beaux moments de rire et de poésie, s'enrichit d'éléments de distanciation de dimension brechtienne.

En pénétrant dans la salle les spectateurs sont saisis par la beauté du décor de fête foraine, avec ses roulottes de part et d'autre d'une (vraie) piste d'auto-tamponneuses. Nous sommes sur le stand de la veuve Muscat où l'on apprend que Liliom fait de la retape, pour y attirer les filles. Le jeune homme est un bonimenteur. Une jeune fille est attirée irrésistiblement et on aura beau la prévenir que c'est un bon à rien, Julie, la puce, le petit moineau va tout quitter pour le suivre. Désormais leurs destins sont liés à la vie, à la mort.

Liliom est un conte entre ombre et lumière, où la misère et la violence vont de pair avec l’amour et la quête d’absolu, dans une écriture qui date de 1909 et qui demeure actuelle. Cette légende de banlieue, comme nous l'annonce Hugo Sablic, le batteur de l’orchestre, progressera en 7 tableaux, ponctués de chansons interprétées en direct, avec un accompagnement de piano, trompette, percussions et harpe. Il annoncera les changements de tableau, en décrivant les actions qu’on ne montre pas sur scène. Les visages sont blanchis, atténuant le réalisme et renforçant la force de l'allégorie.
A la fin le décor évoluera avec une grande roue lumineuse, se détachant sur un ciel d'encre.

Entre temps nous aurons assisté à des scènes extrêmement savoureuses. On se souviendra longtemps du numéro de fausse ventriloquie incroyablement réussi par des Détectives du Ciel, Julien Cigana et Teddy Melis, de l'interprétation aux petits points de Jacques Hadjaje passant du rôle de Mère Hollunder, la tante photographe, à celui du Secrétaire du ciel avec une aisance formidable. De tels moments enchantent et permettent d'admettre le coté énigmatique de la pièce que Ferenc Molnár a voulu inachevée, sans doute pour laisser au spectateur la liberté d'élaborer sa propre conclusion. Il nous guide malgré tout en soulignant que l'homme ne meurt que quand on l'oublie.
Le titre ne laissait pas de place au doute sur l'issue. Et pourtant quand on voit Liliom (Julien Bouanich) et Julie (Clara Mayer) avancer l'un vers l'autre sur le pont métallique qui surplombe l'espace forain on pense comme dans ce film de Wim Wenders, au retour d'un ange sur la terre. On peut penser que les deux amoureux vont se retrouver, enfin.

Je ne veux pas vous en dire trop sur ce spectacle pour préserver la fraicheur de votre regard. Que vous connaissiez l'univers du metteur en scène ou non vous serez forcément saisi.

Il avait été créé en septembre 2014 au Théâtre Gérard Philipe (Saint-Denis) dont Jean Bellorini est le directeur avant d'être joué peu après, au Théâtre de l’Odéon (Ateliers Berthier).

Plusieurs actions sont proposées autour du spectacle. En particulier une Carte Blanche à la compagnie à l'issue de la représentation avec une lecture par Jacques Hadjaje, comédien, d'une adaptation du conte "La petite marchande d'allumettes" d'Andersen le samedi 14 novembre.

Liliom ou la Vie et la Mort d'un Vaurien
Texte de Ferenc Molnár
Mise en scène de Jean Bellorini
Scénographie et lumières : Jean Bellorini
Musique : Jean Bellorini, Lidwine de Royer Dupré, Hugo Sablic et Sébastien Trouvé
Du 11 au 16 novembre, à des horaires variables à vérifier sur le site du théâtre ou au 01 41 87 20 84
Théâtre Firmin Gémier La Piscine
254 Avenue de la Division Leclerc
92290 Châtenay-Malabry
Avec Julien Bouanich, Amandine Calsat, Delphine Cottu, Jacques Hadjaje, Clara Mayer, Julien Cigana, Teddy Melis, Marc Plas, Lidwine de Royer Dupré, Hugo Sablic, Sébastien Trouvé et Damien Vigouroux

Liliom, traduit par Alexis Moati, Kristina Rády et Stratis Vouyoucas, est publié chez Théâtrales.

La photo qui n'est pas logotypée A bride abattue est de Pascal Victor/ArtcomArt

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En raison de l'état d'urgence et sur décision des autorités, le Théâtre Firmin Gémier / La Piscine et l'Espace Cirque d'Antony seront fermés au public ce samedi 14 novembre.
La représentation prévue ce soir est annulée. De nouvelles informations seront affichées chaque jour sur les lieux de représentations et consultables sur notre site internet et les réseaux sociaux.
Nous envoyons nos pensées de solidarité aux familles et proches des victimes.
L'équipe du Théâtre Firmin Gémier / La Piscine
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